Conrad et Marcel Schlumberger ont effectué les premiers essais de mise en œuvre de leur technique de prospection minière, sur le terrain de 1912 à 1914, dans la région du Pays d'Auge. Cette origine explique l'installation à partir de 1970 de la Fondation Musée Schlumberger sur le site de Crèvecœur-en-Auge. En restaurant cet ensemble historique, Madame Marcel Schlumberger a souhaité qu'y soient abrités et présentés les souvenirs évoquant les premières étapes d'une véritable épopée scientifique, technique et humaine. Le présent article évoque ces étapes en suivant le parcours chronologique de l'exposition permanente installée au château de Crèvecœur-en-Auge.
Conrad Schlumberger est l'inventeur de la méthode électrique de prospection minière. Né en 1878 en Alsace, il termine ses études à Paris diplômé de l'École Polytechnique et de l'École des Mines où il est chargé en 1910 d'enseigner la physique. Il s'intéresse alors aux sciences de la terre et plus particulièrement à la prospection des gisements métallifères. Il pense que parmi les propriétés physiques spécifiques des minerais métalliques, la conductivité électrique peut permettre de les distinguer par rapport à un milieu environnant moins conducteur.
Conrad Schlumberger 1878-1936 | Marcel Schlumberger 1884-1953 |
Il conçoit donc l'idée de repérer la présence de ces minerais par la méthode suivante :
Conrad Schlumberger vérifie d'abord le bien-fondé de son idée en effectuant quelques expériences dans son laboratoire de l'Ecole des Mines, où il peut reconstituer dans une baignoire en cuivre des configurations variées de couches de terrain incluant divers échantillons de minerais.
Après les premiers essais en laboratoire, Conrad Schlumberger décide d'entreprendre une expérimentation en vraie grandeur sur le terrain. Pendant les vacances scolaires de l'été 1912 qu'il passe dans la propriété familiale du Val-Richer en Pays d'Auge, il rassemble un matériel élémentaire - générateur de courant, bobines de câble électrique, piquets de prise de terre, galvanomètre de mesure à aiguille aimantée - et définit un mode opératoire qu'il met en œuvre sur la vaste pelouse du domaine. Ce champ d'expérience présente une configuration très simple constituée d'un terrain argileux uniforme et épais, recouvrant un manteau profond de roches anciennes.
Les points de mesure, relevés avec l'assistance d'un seul aide, permettent de tracer les courbes équipotentielles qui dessinent des cercles à peu près concentriques, conformément à la théorie. L'essai se révèle donc concluant et la technique sûre. Un brevet, premier d'une longue série à venir, est déposé le 27 septembre 1912 sur un " Procédé pour la détermination de la nature du sous-sol au moyen de l'électricité ".
A partir de ce premier essai, et profitant de la connaissance de la géologie dans la région normande du fait de l'exploitation du minerai de fer, Conrad Schlumberger va poursuivre l'expérimentation pour évaluer les possibilités d'extension de sa méthode. Sans rechercher la détection directe du minerai, l'étude a alors pour but de voir si des roches de natures différentes - grès, schistes, marnes, calcaires - présentent des résistivités assez distinctes pour affecter le tracé des courbes équipotentielles. Les expériences conduites dans le Calvados à Sassy et à Fierville, puis à Soumont, confirment la sûreté de la technique et permettent d'obtenir des cartes d'équipotentielles qui révèlent clairement les traits caractéristiques de la structure géologique du sous-sol, comme l'orientation des couches de terrain et le contact entre bancs rocheux.
Ainsi, jusqu'en 1914 et l'interruption des travaux par la guerre, non seulement Conrad allait poursuivre les essais de prospection directe des minerais métalliques à haute conductivité, mais démontrer que des mesures faites en surface pouvaient apporter à la prospection minière des indications précieuses sur les structures du sous-sol auxquelles était lié le dépôt de minerais non directement repérables depuis la surface. Découverte fondamentale dont le principe serait ultérieurement mis à profit, avec le plus grand succès, pour la prospection pétrolière.
En 1919, après la Première Guerre Mondiale pendant laquelle Conrad Schlumberger a servi comme officier d'artillerie, Paul Schlumberger passe avec ses fils une convention afin de relancer " les recherches en vue de déterminer la nature du sous-sol par les courants électriques " [acte sous seing privé du 12 novembre 1919]. Par cet acte, il associe à Conrad " le savant physicien " son frère cadet Marcel né en 1884, diplômé de l'Ecole Centrale de Paris, qui lui " apportera ses qualités remarquables d'ingénieur, son sens des réalités ". Cette exceptionnelle complémentarité et l'aide financière dont était assortie la remarquable incitation paternelle vont conduire à l'application industrielle de la méthode de prospection électrique.
En 1920, la reprise des travaux par la petite entreprise créée par les deux frères a fait apparaître les limites pratiques d'emploi de la carte des équipotentielles. Deux innovations décisives sont alors apportées. D'abord le choix d'un paramètre objectif pour caractériser les terrains : la résistivité apparente, ou valeur moyenne de la résistivité électrique des milieux compris dans le volume de terrain englobé par la mesure, exprimée en ohm m2/m ou ohm-mètre. En reportant sur la carte topographique les valeurs de résistivité mesurées et en traçant les courbes reliant les points de valeurs égales, on obtient une carte des résistivités.
L'autre innovation consiste à transformer le galvanomètre utilisé lors des premières expérimentations en un appareil véritablement opérationnel. Le résultat est la célèbre boîte noire comportant essentiellement un galvanomètre ultrasensible à aiguille aimantée et un potentiomètre qui permet d'effectuer la mesure par la méthode dite du zéro.
De 1923 à 1926, grâce aux relations établies par les deux frères avec des compagnies minières et pétrolières, la technique de la carte des résistivités peut être mise en œuvre et aboutir à une série de succès qui vont faire date dans l'histoire de la géophysique naissante.
C'est ainsi notamment que la découverte en Roumanie d'un dôme de sel associé à un gisement de pétrole, et en Alsace de structures salifères associées à des gisements de potasse, constituent d'irréfutables références pour l'application industrielle de la technique. Pour répondre à l'intérêt dès lors manifesté par l'industrie, la petite entreprise de Conrad et Marcel Schlumberger, peu à peu rejoints par des collaborateurs ardents et dévoués, doit se développer.
Le 1er juillet 1926 est donc créée la Société de Prospection Électrique (Procédés Schlumberger), la S.P.E., bientôt dite la PROS, installée au 42, rue Saint-Dominique à Paris. Un an plus tard elle comptait seize ingénieurs et techniciens, effectif qui n'allait cesser de croître pour former de nombreuses équipes de prospecteurs ayant en commun " le goût du dépaysement, de la vie au grand air, le désir d'un travail non hiérarchisé où le sens de l'initiative était la voie de la réussite, et dont la cohésion technique était assurée par Proselec, revue interne et confidentielle " [in La boîte magique par Anne Gruner-Schlumberger].
Tracé du diagramme
| Afin d'accroître la profondeur d'investigation de la méthode de prospection, il s'avérait nécessaire d'obtenir des indications sur la résistivité des terrains profonds pour améliorer l'interprétation des mesures en surface. Malgré les objections de principe et les difficultés de réalisation, Conrad et Marcel estimaient que des mesures de résistivité étaient faisables au moyen d'une sonde électrique introduite directement dans un forage traversant les terrains. La mise en œuvre d'un essai est donc confiée à Henri Doll, polytechnicien et ingénieur des Mines qui, gendre de Conrad, avait rejoint l'entreprise en 1926. Le 5 septembre 1927, la tentative est effectuée dans un puits de 500 mètres de profondeur du gisement pétrolier de Pechelbronn en Alsace, avec un matériel de fortune - treuil à main, câble électrique utilisé pour la prospection horizontale, sonde électrique rudimentaire, poulie de renvoi à la verticale munie d'un compteur de profondeur et portée par un bras en contrepoids - associé à la fidèle et fiable boîte noire. Cet essai historique conduit dans le forage de Dieffenbach aboutit à la mesure point par point, mètre par mètre, des valeurs de la résistivité des couches de terrains rencontrés. En reportant ces valeurs sous forme d'un diagramme en fonction de la profondeur, on dispose d'une véritable coupe caractéristique des terrains traversés. Répété et confirmé dans les puits voisins, parfaitement reproductible, l'enregistrement de la résistivité en fonction de la profondeur permet la corrélation précise des couches de terrain sur toute l'étendue du gisement, réduisant ainsi considérablement la nécessité du recours au coûteux carottage mécanique, seul moyen jusqu'alors utilisé. Cette étape décisive marque la naissance du carottage électrique qui allait, sous l'appellation de logging, devenir célèbre dans l'industrie pétrolière mondiale. Balance molette |
Lors des carottages électriques de corrélation répétés dans de nombreux forages, l'apparition d'un phénomène produit naturellement, sans envoi de courant, au niveau des couches perméables, avait été observée. Des essais systématiques effectués sous la conduite d'Henri Doll montrent qu'il s'agit de la conséquence d'un processus d'électrofiltration entre la boue emplissant le forage et le terrain. Ce nouveau paramètre, dit potentiel spontané (P.S.) peut donc caractériser la perméabilité de la roche. C'est une découverte d'une portée considérable car une roche à la fois résistante et perméable présente une plus forte probabilité de se révéler pétrolifère.
L'enregistrement simultané des courbes ou logs de résistivité et de P.S. en fonction de la profondeur est alors la véritable clé de l'essor industriel du logging. Un contrat conclu avec l'U.R.S.S. allait dès le début des années 1930 offrir aux pionniers de la PROS l'occasion de confirmer sur les vastes et nombreux gisements pétroliers de la région de Grozny et de Bakou, l'intérêt indiscutable de la technique du logging pour l'industrie pétrolière. La décision est alors prise d'axer dorénavant l'activité de l'entreprise sur l'exploitation de ce procédé riche d'avenir, et par conséquent d'assurer l'implantation des équipes de la PROS dans les principaux pays pétroliers.
La mise en œuvre opérationnelle de la nouvelle technique de logging nécessitait la création et le développement d'une panoplie d'équipements spécifiques qui allaient donner à Marcel Schlumberger l'occasion de déployer ses immenses talents d'inventeur et d'ingénieur. Le treuil et le câble électrique porteur de la sonde firent rapidement l'objet d'innovations et d'améliorations successives ; mais un effort particulier fut porté sur l'enregistreur des mesures afin que les deux courbes ou logs de base puissent être tracés simultanément en continu sans arrêter la remontée de la sonde. À la célèbre boîte noire, toujours en service, dorénavant utilisée en paire, Marcel Schlumberger associa une commande manuelle et un dérouleur de papier enregistreur dont l'ingénieuse simplicité aboutit à un ensemble compact utilisé sans changement pendant plusieurs années. Ce n'est en effet qu'à partir de 1936 que, pour soulager les opérateurs, mais aussi répondre au souci de discrétion des clients pétroliers, sera introduit le premier enregistreur photographique comportant un galvanomètre à cadre mobile porteur d'un miroir permettant d'impressionner un film photographique par le déplacement d'un spot lumineux.
Les éléments de base nécessaires à la mise en œuvre du carottage électrique apparaissent bien dans l'agencement encore rudimentaire de ce camion de 1932 en opération sur un forage de Californie :
Si l'opérateur du treuil dispose d'un léger abri, les deux ingénieurs qui suivent manuellement le tracé des courbes restent debout en plein air. On peut imaginer les qualités personnelles dont devaient faire preuve les ingénieurs de terrain pour assurer, sous tous les climats et dans des conditions encore aussi précaires, un service garantissant une fiabilité des mesures répondant aux exigences de l'exploration pétrolière.
|
Camion en station À partir du début des années 1930, profitant de la reprise de l'économie mondiale après la crise de 1929 et de la notoriété acquise par les succès du logging au Venezuela où opéraient les principales compagnies pétrolières américaines, Schlumberger a réussi son retour aux États-Unis où d'immenses gisements venaient d'être découverts en Californie et surtout au Texas. L'expansion est rapide et conduit à la création en 1934 à Houston, Texas, de la Schlumberger Well Surveying Corporation, ou S.W.S.C. qui embauche des techniciens américains. À la veille de la Seconde Guerre Mondiale, plus de la moitié des équipes Schlumberger dont le nombre, sur tous les chantiers pétroliers du monde, était passé depuis 1933, de 8 à 140, opérait aux États-Unis. La variété des possibilités offertes par la disponibilité des éléments de base du logging - câble électrique, treuil, appareils de mesure et d'enregistrement - a considérablement accru les services mis à la disposition des pétroliers pour la connaissance et le contrôle du forage, et la préparation du puits avant la mise en production. Un moyen opérationnel capable de répondre sans défaillance à un service industriel dans les conditions d'environnement les plus sévères devient donc indispensable. Matérialisé par le camion de couleur bleue rapidement célèbre sur tous les chantiers de forage du monde, il sera l'objet, avec la panoplie d'outils de fond qui lui est associée, de tous les soins de Marcel Schlumberger, génial inspirateur d'un constant effort d'innovation technique qui est la vie même de l'entreprise. Le fructueux retour d'expérience du terrain alimentant les réflexions et les projets des bureaux d'études des deux côtés de l'Atlantique a conduit à l'entrée en service à partir de 1946 d'un remarquable moyen de travail : le camion type 500. Equipé d'appareils inédits, il avait surtout été conçu pour permettre la prestation des nombreux services suscités par le logging classique et attendus par les clients pétroliers auxquels était ainsi offert un ensemble cohérent d'informations extrait d'un même forage par une même organisation. Le treuil, partie intégrante de l'ensemble, est commandé de l'intérieur de la cabine par l'opérateur disposant d'un système de manœuvre et d'un tableau de bord complet avec mesure du défilement et de la traction du câble. Le câble, multiconducteur et à armures métalliques, est muni à son extrémité d'une tête permettant le raccordement rapide aux différents appareils de fond. Un petit groupe électrogène remplace les batteries d'envoi de courant. La cabine de mesure et de contrôle a fait l'objet des innovations les plus spectaculaires avec l'introduction des enregistreurs photographiques antivibratoires dont les films sont immédiatement développés dans un coin aménagé. Mais c'est surtout le choix d'une conception modulaire pour les panneaux électriques de commande affectés à chaque type d'opération qui a influencé l'ensemble du projet et ouvert une possibilité d'expansion déterminante pour l'avenir de l'entreprise. Jusqu'à la généralisation de l'électronique et de l'informatique qui introduisirent l'enregistrement sur bande magnétique et l'interprétation par ordinateur des logs, le camion 500 et ses dérivés conserveront les solutions originales qui avaient donné à Schlumberger une avance décisive sur ses concurrents. |
L'effort de guerre et le développement intensifié de l'exploitation pétrolière aux États-Unis avaient donné lieu à de considérables progrès technologiques, notamment en électronique, et Henri G. Doll avait suivi sur place ces travaux. Appuyé sur le Centre de Recherches créé à Ridgefield, Connecticut, il allait procéder, à l'issue du conflit, à une véritable mutation dans la mesure des paramètres de base du logging en créant de nouveaux types de sondes dont l'électronique permettait dorénavant la conception et la réalisation. Cependant, Marcel Schlumberger qui avait réussi à maintenir à Paris une équipe technique, reprenait dès la fin de la guerre une intense activité créatrice afin d'adjoindre à cette nouvelle panoplie d'autres outils de fond qui s'avéraient nécessaires pour répondre aux besoins de clients pétroliers exigeant plus de précision et d'efficacité dans l'exploitation des couches productrices par des forages de profondeur croissante.
Deux outils notamment, pouvant être mis en œuvre avec le camion, devaient apporter ces services complémentaires du logging :
Marcel Schlumberger trouva dans les problèmes spéciaux de mécanique et de balistique que posait la réalisation de ces véritables outils d'ingénieur, un thème de recherche où ses aptitudes d'inventeur ont donné toute leur mesure. Et la station d'essais qu'il avait fait installer dans la cave du 42, rue Saint-Dominique, où il n'hésitait pas à expérimenter ces carotteurs et perforateurs dans des puits en acier, sous hautes pressions et températures, devait rester son lieu de travail privilégié jusqu'à sa mort en 1953.
Afin d'identifier et d'analyser matériellement la nature des formations géologiques reconnues sur la coupe présentée par le log électrique, il est très utile de disposer d'échantillons, ou carottes, de terrain. Le carotteur latéral à balles est l'outil qui permet de prélever sélectivement ces échantillons à des profondeurs précises repérées sur le log. Le principe de fonctionnement est simple :
Outre le système de mise à feu, soigneusement élaboré de façon à garantir la sécurité et la sélectivité du tir, le carotteur latéral intègre un grand nombre de détails ingénieux, notamment pour adapter les balles aux différentes natures de terrain, voire même, avec un embout-ventouse et une soupape à fermeture rapide, pour prélever quelques volumes de leur contenu liquide ou gazeux.
Après détection et identification des couches pétrolifères au moyen du log et du carotteur latéral, celles-ci sont isolées des autres formations géologiques par la mise en place dans le puits d'un coffrage constitué d'un tubage d'acier cimenté avec le terrain. Pour exploiter le pétrole, il est donc nécessaire de remettre en communication les couches productrices avec l'intérieur du puits à la profondeur précise repérée sur le log : le perforateur à balles est l'outil qui permet d'ouvrir cette communication au travers du tubage et du ciment. Sur la base de l'expérience balistique acquise lors du développement du carotteur à balles, est conçu un outil porteur de plusieurs véritables petits canons tirant des balles pleines capables de traverser plusieurs centimètres d'acier et de ciment avant de pénétrer dans le terrain.
Le diamètre réduit de l'outil, de 101,6 mm, pose un défi qui implique, pour obtenir une telle performance, l'optimisation de chaque composant du perforateur ainsi que de leur agencement : chambre annulaire de poudre, gargousse métallique, acier et filetage spéciaux du canon, chemisage et plaquette anti-bavure des balles, aiguille-allumeur électrique, système de tir au coup par coup ou en rafale...
Avec des projectiles dont la vitesse initiale atteint 1500 mètres/seconde, la dernière version de ce super-canon eut une brillante carrière de 1950 à 1960 avant d'être définitivement supplantée par un perforateur d'un tout autre type, porteur de charges explosives à effet dirigé ou charges creuses.
Paul Schlumberger ayant décidé en 1900 de quitter l'Alsace devenue prussienne, avait retrouvé en Pays d'Auge une implantation familiale dans la propriété du Val-Richer, ancienne abbaye cistercienne acquise en 1836 par François Guizot, alors député du Calvados, et dont Marguerite de Witt, épouse de Paul, était la petite fille. En discernant la synergie potentielle de ses fils Conrad et Marcel, il leur avait transmis l'héritage, rapporté dans cette région alors essentiellement rurale, d'une longue tradition d'industriels alsaciens, et leur avait accordé la confiance et l'aide matérielle nécessaires pour engager une œuvre de chercheur qui pourrait être l'accomplissement d'un rêve de jeunesse. C'est ainsi que naquit, des premiers essais tentés sur les terres du domaine, une méthode de prospection électrique inventée par Conrad et dotée d'outils spécifiques créés par Marcel.
Après de multiples obstacles et une série de chances opportunément saisies et exploitées par l'anticipation géniale des deux frères, hommes d'action autant qu'inventeurs, la méthode renaissait en logging, innovation majeure dont l'apport à l'industrie pétrolière entraînerait la spectaculaire réussite et la renommée mondiale de la technique Schlumberger. Miser constamment sur l'innovation, donner la priorité à la qualité des techniques et des outils au service des clients pétroliers, évaluer, comprendre, assimiler et diffuser à bon escient les nombreuses informations en provenance du laboratoire, du bureau d'études et du terrain, s'en inspirer pour la conduite de l'entreprise, tels sont les traits caractéristiques essentiels de l'œuvre accomplie par les deux frères. Et le puissant pouvoir d'attraction émanant de l'association exceptionnelle formée par Conrad et Marcel, et de leurs idées anticipatrices, non seulement dans le domaine scientifique et technique, mais aussi dans celui dit aujourd'hui du management, explique le ralliement de tant de jeunes collaborateurs prêts à partir à l'étranger pour les mettre en pratique dans les environnements les plus sévères de l'époque, avec un enthousiasme et un dévouement sans lesquels l'entreprise n'aurait pas survécu.
Si l'on considère la succession des événements historiques et techniques dont le domaine du Val-Richer et le Musée de Crèvecœur-en-Auge conservent aujourd'hui respectivement la mémoire, on ne s'étonnera pas que le Pays d'Auge, région si riche, profondément enracinée dans son terroir aux produits ruraux universellement reconnus, soit aussi le lieu de naissance de la technique Schlumberger.