La SABIX
Bulletins déja publiés
Sommaire du bulletin n. 9
 

Adhémar BARRE DE SAINT-VENANT
1797 - 1886
X 1813
par Christophe Verneuil, Elève de l'Ecole Normale Supérieure, Scientifique du contingent à l'Ecole polytechnique (1991/1992)

AVANT-PROPOS

Les archives personnelles de Saint-Venant ont été récemment versées à l'Ecole polytechnique par la famille du savant. Ce fonds d'archives, très important en quantité comme en qualité, est désormais accessible aux chercheurs - c'est l'occasion d'étudier la vie et plus particulièrement les convictions politiques, sociales et morales de cet ancien polytechnicien : la richesse exceptionnelle de ces archives permet en effet de cerner la personnalité de ce "mécanicien" tombé aujourd'hui dans un relatif oubli. Soulignons enfin que cette étude n'est qu'une introduction à de futurs travaux que nous espérons nombreux sur cet intéressant personnage.

On trouvera donc ici :

Dans la Notice nouvelle sur la vie et les ouvrages de Pierre-Louis-Georges du Buat.- (Caen, Le Blanc-Hardel, 1884.- 36 p.), rédigée par Saint-Venant, nous relèverons les citations suivantes qui, bien qu'écrites à propos du savant Pierre du Buat (1734-1809) s'appliquent parfaitement à Saint-Venant : plutôt que "Pierre du Buat vu par Saint-Venant", nous y voyons Saint-Venant lui-même :


BIOGRAPHIE DE SAINT-VENANT

23 août 1797 Naissance d'Adhémar-Jean-Claude Barré de Saint-Venant, au château de Fortoiseau (Seine et Marne).
1813 Admission à l'Ecole polytechnique.
1816-1823 Elève du Service des Poudres et Salpêtres.
1823 - 1825 Elève de l'Ecole des Ponts et Chaussées.
1825 -1826 Attaché au secrétariat du Conseil des Ponts et Chaussées.
1826-1829 Ingénieur des Ponts et Chaussées. Canal du Nivernais.
1829 - 1830 Service ordinaire du département de l'Yonne.
1830-1835 Ingénieur des Ponts et Chaussées. Canal des Ardennes.
1835-1836 Congé.
30 octobre 1837 Mariage avec Julie Rohault de Fleury ; ils auront 7 enfants.
1837 - 1842 Professeur suppléant, puis adjoint, de mécanique à l'Ecole des Ponts et Chaussées.
1839-1843 Attaché au Service du Pavé de Paris.
1843 Mise en disponibilité. Ingénieur en chef.
1848 Mise à la retraite. Membre de la Commission des chemins vicinaux et des cours d'eau navigables.
1850-1852 Professeur à l'Institut National Agronomique de Versailles.
fin 1852 Retraite.
1857 Installation définitive au château de Villeporcher, près de Vendôme (Loir et Cher).
1868 Elu à l'Académie des sciences, section de mécanique, au siège de Poncelet.
Pâques 1885 Mort de Madame de Saint-Venant
6 janvier 1886 Mort d'Adhémar Barré de Saint-Venant


Saint-Venant était comte romain (Bref pontifical du 27 août 1869); membre de l'Institut et des Académies ou sociétés savantes de : Avignon, Avranches, Bruxelles, Caen, Cherbourg, Evreux, Gottingen, Lille, Lisieux, Louvain, Manchester, Rome (Lincei), Rouen, Valenciennes et Vendôme ; il était également membre de la Société de Saint-Thomas d'Aquin pour l'étude de la philosophie chrétienne.

Voir aussi : Biographie de Saint-Venant publiée dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1897

OEUVRES PRINCIPALES DE SAINT-VENANT

Avertissement :

Comme toute sélection, celle-ci est arbitraire. Les ouvrages possédés par la bibliothèque centrale de l'Ecole polytechnique sont en italique, et la cote en magasin est donnée entre parenthèses. Le classement est chronologique.

1838 : Leçons de mécanique appliquée, faites en 1837-1838 à l'Ecole des Ponts et chaussées.

1839 : "Mémoires et expériences sur l'écoulement de l'air, en collaboration avec Wantzel" in : Journal de l'Ecole polytechnique, 27e cahier (C2a55).

1845 : "Mémoire sur les lignes courbes non planes" in : Journal de l'Ecole polytechnique, 30e cahier (A4e69).

1850 : Principes de mécanique fondés sur la cinématique.- Versailles : autograph. de Hayet (A5b16).

1850 : Programme pour le cours de Génie rural à l'Institut National Agronomique.

1851 : Formules et tables nouvelles pour la solution des problèmes relatifs aux eaux courantes.- Paris : Carilian-Goeux et Dalmont (G2C29).

1855 : De la torsion des prismes, avec des considérations sur leur flexion.- Paris : Imprimerie Nationale (A5e198).

1856 : De l'aménagement des eaux pluviales pour améliorer le sol et pour prévenir les inondations.- Paris : V. Dalmont.

1858 : Mécanique appliquée de Navier.- Paris : Dunod.

1864 : Résumé des leçons données à l'Ecole des Ponts et Chaussées sur l'application de la mécanique à l'établissement des constructions et des machines. Première section : De la résistance des solides par Navier. - 3e éd. avec des notes et des appendices par M. Barré de Saint-Venant.- Paris : Dunod. Tome 1 (G2b20).

1866 : Notice sur la vie et les travaux de Pierre-Louis-Georges du Buat .- Lille : Danel (X3b89).

1872 : Sur les diverses manières de présenter la théorie des ondes lumineuses.- Paris (G2C49).

1883 : Théorie de l'élasticité des corps solides de Clebsch, traduite par M.M. de Saint-Venant et Flamant, avec des notes étendues de M. de Saint-Venant.- Paris : Dunod (A5e197).

1889 : Saint Bénezet patron des ingénieurs.- Bourges (X3b23). (Posthume)


Note sur l'Institut agronomique de Versailles.
Archives de l'Ecole polytechnique. Fonds Barré de Saint-Venant


Minute d'une lettre à M. de Falloux du 11 juillet 1848 sur le droit du travail
Archives de l'Ecole polytechnique. Fonds Barré de Saint-Venant


Suite de : Minute d'une lettre à M. de Falloux du 11 juillet 1848 sur le droit du travail
Archives de l'Ecole polytechnique. Fonds Barré de Saint-Venant


LE FONDS "BARRE DE SAINT-VENANT"

Les archives personnelles du savant vendômois sont très importantes en quantité, à tel point qu'elles sont composées, estimons-nous, de pas moins de 10 000 pièces...

En effet, nous avons dépouillé, classé et mis en fiches quelques 2 360 documents et ceux-ci ne constituent qu'une partie du fonds. Il faut dire que notre mécanicien était un travailleur acharné, d'où une quantité impressionnante de travaux manuscrits en tous genres : de plus, il écrivait et recevait de fort nombreuses lettres. Les 2 360 pièces classées de ce fonds particulier, partie intégrante des archives de l'Ecole polytechnique, sont désormais accessibles aux chercheurs.

CLASSEMENT DU FONDS

Les convictions politiques et religieuses d'Adhémar Barré de Saint-Venant

L'étude qui suit relève de l'histoire politique, sociale et culturelle, telle que l'ont définie René Rémond et une équipe d'historiens dans leur ouvrage collectif "Pour une histoire politique" (1). Il ne sera donc en rien question de la carrière et des travaux scientifiques de Saint-Venant. Nous nous proposons simplement, en citant de nombreux documents des archives, de cerner les opinions et les croyances d'Adhémar, et de le situer au sein de la société française de son époque : la tâche est particulièrement intéressante, du fait de la longévité du personnage (88 ans !). Le récit suivi constituant cette étude est délicat à subdiviser, tant chaque thème est étroitement lié aux autres. On peut cependant, pour aider le lecteur, distinguer les parties suivantes :

I - Saint-Venant "ruraliste"

Mai 1852 : Saint-Venant rédige un rapport en faveur de l'Institut national agronomique de Versailles, menacé de fermeture. Ce texte mérite d'être largement cité, tant il nous semble révélateur de la pensée de son auteur. Ecoutons donc Adhémar (2) :

"L'Institut agronomique établi à Versailles est destiné à former des hommes capables de faire valoir avec succès leurs terres ou celles d'autrui, à donner aux jeunes gens ayant reçu une première éducation le goût des travaux ruraux, envisagés d'un point de vue élevé, de manière à les retenir dans les campagnes, où ils retiendront à leur tour les ouvriers ruraux en les occupant et en leur enseignant, par exemple, les procédés les plus rationnels, et où ils feront progresser l'agriculture par l'application des conquêtes de la science moderne, auxquelles l'industrie manufacturière doit ses immenses progrès depuis un demi-siècle.

Le projet de cet établissement date de 1845. La nécessité, mieux démontrée par les événements de 1848, d'arrêter la désertion des champs et l'encombrement des villes où se forment le paupérisme et les révolutions, en ont amené la réalisation en 1849 comme une première réaction de l'esprit de conservation contre l'esprit de désorganisation.
[...]
L'administration a fait immensément pour le perfectionnement de l'industrie manufacturière et commerciale. Elle a créé l'Ecole polytechnique qui verse presque tout son trop-plein de ce côté-là ; elle protège et soutient l'Ecole centrale des arts et manufactures, elle entretient des écoles de mineurs [sic], le Conservatoire et les Ecoles des arts et métiers et de nombreuses écoles de dessin.
[...]
L'agriculture française ne sortira d'une routine déplorable et qui commence même à devenir désastreuse en présence d'une population croissante qu'autant qu'une haute impulsion donnée de même à son enseignement ennoblira son étude et y dirigera un grand nombre de sujets qui, malheureusement aujourd'hui, après avoir donné des espérances, vont perdre et corrompre leurs plus belles années dans les villes où ils sont censés compléter leur éducation et se préparer une carrière, mais dont ils ne sortent que déçus et plus qu'inutiles au monde et à eux-mêmes.
On a tout espoir... que l'Institut national agronomique, cet objet enfin réalisé de tant de voeux des amis de la première, de la plus utile et de la plus moralisante des professions, sortira victorieux des luttes qu'on est étonné de lui voir soutenir encore".

L'objectif de l'Institut agronomique, tel que le conçoit Saint-Venant, est bien davantage social, politique, moral, qu'économique. Certes, il a pour fonction de former les cadres, les techniciens, d'une agriculture moderne, rationnelle, efficace, aidant au dynamisme de l'économie française, à égalité avec l'industrie nouvelle du XIXe siècle. Mais, selon notre auteur, cette fonction n'est en fait que seconde, qu'accessoire, que dérivée. La mission première, essentielle de l'Institut, est de nature morale et sociale, et, finalement politique : ancrer les nombreux ouvriers agricoles à la campagne et par là-même stopper l'exode rural vers les villes corruptrices ; retenir à la campagne les jeunes gens doués et ne pas les laisser partir pour la capitale où ils deviendront des diplômés sans emploi et aigris, sont deux moyens d'éviter une révolution (février 1848) et une explosion sociale (juin 1848). Comment? Tout simplement en privant la révolution à la fois de chefs (les diplômés "déçus") et de masse de manoeuvre (les ruraux émigrés en ville). Saint-Venant est persuadé qu'une agriculture moderne assurera le plein-emploi et "moralisera", de par sa nature même, les cadres techniques et les ouvriers agricoles : le monde idéal, en quelque sorte, une utopie, celle d'une société rurale prospère et heureuse, où la lutte des classes n'existe pas.

On comprend alors la profonde méfiance que nourrit Adhémar à l'égard des villes, foyers de misère sociale et de perdition morale, et son dépit de voir l'Etat, depuis de longues années et plus que jamais en 1852 (3), encourager l'industrie par de nombreuses écoles scientifiques et techniques, telle l'Ecole polytechnique, première citée et dont il est lui-même un ancien élève... Saint-Venant semble d'ailleurs regretter que les polytechniciens, ceux du moins qui n'intègrent pas l'armée, préfèrent une carrière industrielle à une carrière d'ingénieur agricole, oubliant qu'il avait fait de même ou estimant que son service d'ingénieur des Ponts et Chaussées fut en partie également celui d'un ingénieur rural (ce qu'il appelait le "génie rural").

Résumons : en 1852, Saint-Venant se montre partisan résolu de la civilisation rurale et agricole, qu'il juge la plus à même de moraliser la société française menacée de corruption par les villes. Mais ce jugement de valeur est-il révélateur de la pensée intime de notre savant, ou simplement lié à ce plaidoyer en faveur de l'Institut agronomique? Revenons aux sources, et lisons cette fois une longue lettre de Saint-Venant au comte de Falloux, datée du 10 juillet 1848. Le destinataire n'est pas sans intérêt, d'autant que, d'après la correspondance conservée, il est le seul homme politique français avec lequel Adhémar ait entretenu une correspondance. Qui est-il donc? Un des leaders du "parti" catholique et légitimiste, l'homme de la loi scolaire de 1850.

Laissons la parole à Saint-Venant, nos commentaires viendront ensuite (4) :

"Suffit-il de multiplier les répressions, les déportations, les précautions militaires? [...]. Refusera-t-on donc d'écrire, dans la Constitution, le droit à l'assistance [souligné par Saint-Venant], que nous savons être un devoir étroit pour nous chrétiens [...] et ce droit au travail qui me semble identique au droit à l'assistance? [...]. Les socialistes qui ne sont guère chrétiens ont sans cesse à la bouche des paroles de commisération pour toutes les douleurs. Nous ne devrions peut-être pas, nous chrétiens, nous laisser dépasser par eux en amour de nos frères [...]. Je voudrais que tout français eût, avec son état propre, aussi celui de cultivateur [...]. Sur les années exigées pour le service militaire, ne pourrait-on pas prendre six, ou au moins trois mois, pour un service agricole obligé? Ne pensez-vous pas, aussi, qu'il faudra réorganiser les ouvriers par corps de métiers comme avant 89?".

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette lettre?

Un troisième document nous aidera à mieux percevoir la pensée et la personnalité de notre savant, notamment son caractère "ruraliste", agrarien.

Le 23 septembre 1866, Saint-Venant, propriétaire du château de Villeporcher, près de Vendôme, Loir-et-Cher, écrit au président du comice agricole de cette ville (6) : le comice organise en effet une enquête sur le manque d'ouvriers agricoles dans le département. Quelle est l'analyse d'Adhémar?

"Il y a sans doute, dans cet état de choses qu'on déplore, à faire largement la part des maîtres. Sont-ils devenus plus exigeants? Imposent-ils plus de peines et donnent-ils moins de nourriture, moins de sommeil? Non. Mais ils sont moins sympathiques [souligné par Saint-Venant], moins paternels, ils ont des relations [souligné par Saint-Venant], des allures qui les font moins aimer, moins respecter [souligné par Saint-Venant] qu'à d'autres époques, ou que dans quelques autres départements plus à l'ouest. Qu'il me soit permis à cette occasion [...] de signaler la plus dégradante comme la plus stupide des tyrannies, à savoir la suppression générale dans ce pays de toute liberté religieuse sur [sic] les jeunes bergers. A peine un enfant, au sortir de sa première communion, est-il engagé dans une ferme, qu'il n'y a plus pour lui de messe, si ce n'est à Pâques, et au plus à Noël [...]. Que les maîtres ne s'étonnent donc plus de la difficulté croissante des relations avec ceux qu'ils ont absolument besoin d'employer!".

Première remarque :

Saint-Venant n'est décidément pas un matérialiste et son analyse des rapports sociaux ne relève ni d'une lecture marxiste (rapports de classe entre producteurs et exploiteurs), ni d'une lecture libérale (relations d'échanges régulés par la main invisible du marché). Adhémar analyse la société selon un angle moral, psychologique même, humain pourrait-on dire, il s'intéresse avant tout à la moralité des hommes et au type de relations qu'ils entretiennent entre eux.

De même qu'il assignait une fonction avant tout morale et sociale à l'Institut agronomique, de même qu'il expliquait le succès de la propagande socialiste en 1848 plus par la misère et la détresse morales que par la misère matérielle des ouvriers des villes, de même on le voit dans cette lettre de 1866 expliquer la pénurie d'ouvriers agricoles (par l'exode rural sans doute) et la détérioration des rapports sociaux dans les campagnes par des facteurs moraux et psychologiques ; il réfute même toute explication matérialiste, assurant que la condition des ouvriers agricoles ne s'est en rien dégradée.

L'explication n'est donc pas d'ordre matériel, mais d'ordre moral, spirituel même : Saint-Venant lie étroitement tensions sociales et baisse d'influence de la morale chrétienne (catholique), exode rural et déchristianisation des campagnes. Pour lui, dès lors que la morale chrétienne ne régit plus les rapports sociaux et n'imprègne plus les esprits, les intérêts matériels égoïstes surgissent, et, avec eux, les conflits sociaux.

Cette idée n'est d'ailleurs pas spécifique de Saint-Venant : au cours des siècles, de nombreux penseurs et de nombreux hommes politiques ont envisagé la question religieuse d'un point de vue fonctionnel, la religion étant conçue comme une force conservatoire, voire conservatrice, comme une idéologie faisant obstacle aux conflits sociaux.

Mais ce qui fait l'originalité d'Adhémar, c'est sa sincérité : pour de multiples raisons que nous exposerons plus loin, il n'y a pas lieu de mettre en doute la sincérité et la profondeur de sa foi catholique. Plus qu'une fonction socio-politique, la religion a essentiellement une fonction morale.

Deuxième remarque :

Saint-Venant rend les "maîtres" responsables tout à la fois de la déchristianisation des campagnes et de la dégradation du climat social. Il leur reproche en effet d'entretenir des relations purement économiques avec leurs ouvriers, de patrons à employés : ceux-ci, estime Adhémar, perdent alors confiance en eux, à juste titre, écoutent d'une oreille complaisante des agitateurs, et partent pour les villes.

Cette lettre est d'ailleurs révélatrice de la pensée de notre savant vendômois : certes, il milite en faveur d'une plus grande humanité des rapports sociaux, mais il est clair que sa conception du rôle des maîtres est de caractère paternaliste. Le maître doit se comporter avec ses ouvriers comme un prêtre envers les fidèles, c'est-à-dire comme un père sévère et charitable. Ce paternalisme de Saint-Venant n'est pas étonnant, vu la profondeur de sa foi catholique : c'est elle qui explique sa conception des rapports sociaux, d'ordre moral, et non matérialiste, ni marxiste, ni libérale, et son paternalisme, lui aussi essentiellement lié au catholicisme de son époque, qui nie l'égalité des individus (dans le sens libéral du terme, celui de 1789).

Troisème remarque :

A lire Adhémar, le Vendômois, touché par la déchristianisation et la lutte des classes dans les campagnes, se distingue "des départements plus à l'Ouest". Il songe là aux départements de Normandie, du Maine et de la Bretagne, notamment la Mayenne et la Manche : ceux-ci sont alors les fiefs de la vieille société rurale nobiliaire et catholique, que l'on peut penser être chère à Saint-Venant, d'après cette lettre.

Certes, le Vendômois est davantage déchristianisé et menacé par l'exode rural que l'Ouest profond, mais on peut se demander si Adhémar n'exagère pas un peu.

En effet, la pensée ruraliste, agrairienne, de notre savant, nous paraît empreinte d'une nette nostalgie de la société d'Ancien Régime, antérieure à la Révolution française de 1789. De plus, elle nous semble tout autant empreinte d'idéalisme et d'utopie : ces deux traits ne s'expliquent-ils pas par sa foi catholique?

Saint-Venant semble croire que la société rurale est le meilleur des mondes possible : il l'imagine comme une société où l'harmonie règne entre les maîtres et les ouvriers, où la morale et la religion chrétiennes imprègnent les relations sociales comme les pensées de chacun, où le chômage et la misère matérielle n'existent pas au même degré qu'en ville, voire sont absents. Persuadé que ce monde était celui de l'Ancien Régime, Saint-Venant l'est aussi que ce monde peut vivre encore aujourd'hui, et même qu'il perdure dans certaines régions. Malheureusement, à ses yeux, le matérialisme arrive, et, avec lui, la déchristianisation et la dégradation des rapports sociaux, et donc la fin de ce monde idéal.

Aussi, logique avec lui-même, Adhémar s'oppose-t-il à la Révolution de 1789 et aux principes libéraux qu'elle a mis en avant.

2 - Saint-Venant "anti-libéral"

Revenons donc aux sources.

Lisons par exemple l'une des nombreuses réflexions, personnelles ou non, mais toujours en accord avec ses idées, éparses dans ses notes. Ainsi celle-ci (7) :

"Fidèles aux principes de leur patron Rousseau, les libéraux sont ennemis de la société, considèrent l'homme isolé, indépendant de ses semblables et même de sa famille, et ne songent pas que le but de la nature et de son auteur est que l'homme, différent en cela de la plupart des animaux, vive en société [...]. Le nivellement des fortunes ne leur serait pas moins cher que celui des rangs, celui des éducations irait sans dire, et s'il est absolument nécessaire que la société se divise en différentes classes, ils ne veulent pas de société".

Cette critique de l'individualisme libéral nous semble typique du catholicisme français de cette époque, et plus largement du catholicisme européen : ne croirait-on pas lire ici un passage de l'encyclique "Quanta cura" du Pape Pie IX (1864), dont le "Syllabus" placé en tête énumère les idées du monde moderne libéral, que le Saint-Siège considère comme étant autant d'erreurs?

Le catholicisme reproche au libéralisme de n'envisager l'homme que d'un point de vue purement théorique, alors que chaque individu vit en société et ne peut donc être envisagé en dehors de celle-ci. Saint-Venant a beau jeu alors de retourner l'accusation de dogmatisme coupé de la réalité contre les libéraux, si prompts à en accuser l'Eglise depuis le concile de Vatican I (1870).

L'anti-libéralisme d'Adhémar a donc deux sources : sa foi catholique, qui l'oppose aux principes libéraux qu'il juge responsables des malheurs de l'Eglise depuis 1789 (ainsi la déchristianisation des campagnes et des villes), et son attachement à l'ancienne société, idéalisée, qui contraste avec la société contemporaine, matérialiste et dure. Si notre savant est anti-libéral, c'est bien sûr par croyance religieuse, mais aussi par hostilité envers l'individualisme libéral qu'il juge porteur d'égoïsme et donc source de conflits sociaux : idéaliste, il ne peut s'accommoder d'un monde qu'il juge excessivement matérialiste (8).

A cette société libérale atomisée en autant d'individus "isolés", Saint-Venant oppose une société solidaire, harmonieuse, "naturelle" même, construite sur les liens de la famille et des hiérarchies naturelles, et catholique, cela va sans dire. Cette vision organique de la société est celle de la droite catholique et légitimiste d'alors, l'extrême droite sur l'échiquier politique, qui refuse la Révolution de 1789.

Un second texte confirme amplement l'anti-libéralisme de Saint-Venant. Ce sont les notes prises le 12 juin 1874 après lecture de la revue "Etudes religieuses, philosophiques et littéraires par les P.P. de la Compagnie de Jésus" (numéro de janvier 1874) (9) :

"Le principe du libéralisme. C'est la doctrine qui affirme la complète indépendance de la liberté humaine et qui nie par conséquent toute autorité supérieure à l'homme dans l'ordre intellectuel, religieux, politique [...]. Tel est le principe du libéralisme : négation directe et absolue de la doctrine catholique".

Voici donc deux autres raisons de condamner le libéralisme : les libéraux, en refusant toute autorité supra-humaine, se rendent coupables du péché d'orgueil et leur refus de toute autorité a pour conséquence le rejet à la fois de la religion et de la monarchie, elle aussi d'essence supra-humaine puisque de droit divin en France. De quoi heurter profondément Saint-Venant, catholique et, on peut le supposer après tous les textes cités, monarchiste.

Le double rejet de la religion et de la monarchie rendait les libéraux, aux yeux des ultras, coupables d'anarchisme : ne refusaient-ils pas les deux piliers de la société et de l'ordre naturel? Le terme d'"anarchiste" est d'ailleurs employé par un grand ami de Saint-Venant, Tresca (10). Le 31 décembre 1876, Tresca écrit en effet que :

"Ce n'est pas seulement au point de vue de l'Institut agronomique [récemment reconstitué], mais en tout et partout que l'administration supérieure devient tracassière et inquisitoriale. On nous croirait revenu à l'époque des suspects où tout ce qui n'est pas anarchiste est marqué par avance d'une croix noire" (11).

Pareille exagération est caractéristique des catholiques anti-libéraux de l'époque : persuadés que la France court à la catastrophe si elle est gouvernée par les libéraux, ceux-ci allant à rencontre de l'ordre naturel, ils voient dans le moindre signe l'annonce de la catastrophe. C'est ainsi que Tresca, scientifique distingué, mais catholique et monarchiste convaincu, imagine le pays revenu aux années noires de la Terreur de l'an II : ses convictions d'extrême-droite lui représentent alors le gouvernement en place, celui de Dufaure, comme anarchiste, extrémiste, alors qu'il se situe au centre-gauche, mi-républicain, mi-orléaniste. Il est vrai que ces deux tendances sont toutes deux libérales : cela suffit pour effrayer Tresca.

Les monarchistes comme Tresca et Saint-Venant sont en fait dépités de ne plus voir leurs amis diriger le pays, même si le maréchal de Mac-Mahon est toujours président de la République (jusqu'en 1879). Il faut dire que leur déception est compréhensible : après plus de quarante ans d'attente, les légitimistes ont bien cru, entre 1871 et 1875, que l'heure de la restauration de la branche aînée, celle de Louis XVI et de Charles X était arrivée. En 1876, cet espoir semble s'éloigner.

Dernière remarque :

Il nous semble savoureux de voir Tresca, catholique anti-libéral, user du terme "inquisitorial", contre les libéraux, alors que précisément l'épuration administrative et le contrôle des esprits, bref ce qu'on appelle "l'ordre moral", caractérisent les gouvernements monarchistes de mai 1873 à février 1876.

Autre exemple de l'anti-libéralisme politique et du catastrophisme des catholiques tels que Saint-Venant : une lettre du savant belge Gilbert (12). Le 13 novembre 1880, il lui écrit ce qui suit :

"Je partage vos vives appréhensions sur la situation actuelle de la France et de la Belgique, et ne vois d'espérance réelle que dans le secours d'En-Haut [...]. La situation n'est guère meilleure ici, et le mal qui se fait et se dit en France a toujours une action singulière sur ce petit pays" (13).

Fin 1880, la situation politique est effectivement bien sombre pour les catholiques français et belges : ceux qu'ils considèrent comme leurs ennemis jurés et comme destructeurs de la société sont au pouvoir, les républicains en France, qui sont maîtres de l'Etat depuis 1879 et gagnent toutes les élections, comme en Belgique les libéraux, qui ont battu les catholiques, au pouvoir depuis 1870, lors des élections législatives de juin 1878. Une politique déterminée de laïcisation de la société et de l'enseignement est engagée à Paris comme à Bruxelles.

Cela suffit pour faire croire à Saint-Venant et à Gilbert que la situation est désespérée et que la catastrophe est imminente : l'Apocalypse est-elle pour demain, le règne de l'Anté-Christ est-il proche? Assommés par tant de catastrophes, de la fin des Etats pontificaux et la prise de Rome en 1870 à la venue des libéraux au pouvoir, en passant par la Commune de Paris et le "Kulturkampf" (14) en Allemagne, les catholiques n'espèrent plus que dans le ciel : de même que lors des persécutions antiques, Dieu ne punit les chrétiens que pour les récompenser et assurer la victoire finale de la religion. On peut penser sans trop de risques d'erreur que cet état d'esprit à la fois eschatologique et millénariste était partagé par Adhémar : son manichéisme politique (le libéralisme incarnant le Mal) nous le suggère.

Du reste, un document parmi tant d'autres atteste l'hostilité de Saint-Venant aux républicains. Il s'agit d'une note non datée, dont nous ignorons s'il en est l'auteur, mais qui, du moins, résume bien sa pensée (15) :

"Il en est de la crainte du Roi comme de la crainte de Dieu. Celui qui dépend du Roi et n'attend son avancement que du Roi est plus indépendant que celui qui brigue les couronnes civiques ou l'achalandage s'il est commerçant".

Ce texte confirme, s'il en était encore besoin, le lien indissoluble, aux yeux de Saint-Venant, existant entre la monarchie et l'Eglise catholique, trait caractéristique des légitimistes, et qui les distingue des orléanistes. Le mépris des moeurs politiques démocratiques est lui aussi caractéristique, ainsi que le rejet des procédures électives ; le thème du nivellement démocratique n'est pas spécifique, il est vrai, des contre-révolutionnaires : il est exprimé aussi bien par Tocqueville, dans "De la démocratie en Amérique", que par Stendhal, ou plutôt par un des personnages de la "Chartreuse de Parme" : le héros, Fabrice del Dongo.

Enfin, le mépris du commerce n'est pas moins révélateur de l'idéologie d'Adhémar : le rêve d'une société rurale sans intermédiaires économiques, prêteurs ou marchands, dont la fonction est artificielle en comparaison de la fonction "naturelle" du travail de la terre, est celui des réactionnaires de cette époque ; on le trouve d'ailleurs déjà exprimé par certains ecclésiastiques aux... XIe et XIIe siècles! Saint-Venant ne regrette-t-il pas justement la vieille société chrétienne rurale, dont l'archétype est, pour son milieu, la chrétienté médiévale remise au goût du jour et idéalisée depuis le romantisme?

Un exemple concret illustre la vigueur de l'hostilité d'Adhémar envers les républicains : sa réaction à la candidature de Tisserand à l'Académie des sciences. Eugène Tisserand, ancien élève (brillant) de Saint-Venant à l'Institut agronomique de Versailles en 1850-1852, ingénieur et technicien agricole, directeur de l'Institut agronomique "nouvelle manière" en 1876, enfin, chef de direction au ministère de l'Agriculture en 1879, avait tout pour plaire à son ancien maître : celui-ci, pouvait à bon droit penser Tisserand, appuierait sans nul doute sa candidature. Un ruraliste aussi convaincu que Saint-Venant ne pouvait manquer cette occasion de faire entrer à l'Institut un spécialiste des questions agricoles.

Malheureusement pour Tisserand, un grain de sable de première importance pour son vieux maître allait bloquer la machine... . Le 19 août 1884, Adhémar lui envoie une lettre, certes polie, mais froide et peu encourageante sur le fond (16) :

"Je ne pourrais cependant vous faire une promesse, car vous avez beaucoup de concurrents dont les uns, quoiqu'ayant bien moins travaillé et acquis moins d'instruction agricole, ou autre, que vous, présentent de ces travaux que l'on qualifie de découvertes. [...]. Vous serez bien obligé de faire des visites, de chercher même l'appui de ceux qui vous connaissent le mieux : mais je n'ai pas besoin de vous dire d'éviter, malgré cela, toute intrigue, tout abus de votre position et tout appui d'hommes politiques puissants.

Voilà donc pourquoi Saint-Venant refuse son soutien à son ancien élève : leurs souvenirs communs de maître et de disciple et leur passion des questions agricoles ne peuvent l'emporter sur l'hostilité viscérale que notre vendômois nourrit envers les républicains-libéraux. Adhémar ne peut se résoudre à soutenir Eugène Tisserand : haut fonctionnaire au ministère de l'Agriculture, ministère clef de la politique intérieure républicaine (17), ce dernier est nécessairement lié au pouvoir. Or, en 1884, qui est le chef du gouvernement? Jules Ferry, le leader des républicains opportunistes, l'homme des lois libérales de 1881, l'homme de l'Instruction publique et laïque! Tant pis pour Tisserand : il n'avait pas sa place à l'Institut (établissement, à l'époque, frondeur envers la République).

Il avait beau répondre le 10 avril 1884 :

"Je ne fais pas de politique . [...]. Mes enfants ont été élevés par une mère pieuse dans l'amour de Dieu" (18),

son ancien maître n'en démordrait pas : les libéraux et les républicains n'avaient pas leur place à l'Académie des sciences ! Les libres-penseurs non plus d'ailleurs.

C'est ce que nous montre une lettre de A. Damour, membre libre de l'Académie des sciences, section de minéralogie et de géologie, à Saint-Venant. Le 12 mai 1884, il lui écrit ceci au sujet d'une prochaine élection (19) :

"... il me paraît, comme à vous, hors de doute qu'un protestant sincère offre plus de garanties qu'un libre-penseur. Le premier, du moins, a des principes chrétiens, et l'on ne sait ce que peut penser l'autre".

Voir nos deux académiciens préférer un protestant, donc un hérétique, à un libre-penseur (ou jugé tel), illustre bien leur opposition au libéralisme moderne, présumé libre-penseur comme le proclame l'Eglise catholique depuis le pontificat de Pie IX. La question religieuse est bien le critère essentiel pour Saint-Venant et ses amis, celui autour duquel tout se structure, la vie académique comme la vie politique. Mais n'en était-il pas de même du côté opposé, du côté républicain et radical?

3 - Saint-Venant "catholique"

A n'en pas douter, Saint-Venant est avant tout un catholique. Qui plus est, un catholique convaincu, fervent, voire mystique. Avons-nous des preuves? Que oui : une exceptionnelle série de 220 textes de sermons! Cette série débute le 3 mai 1839 et s'achève le 27 juin 1847 (20) ; les sermons ont tous été prononcés dans des églises parisiennes. Quelle est l'origine de cet ensemble? Bien des pieux laïcs possédaient une riche bibliothèque religieuse, mais Adhémar, de plus, pouvait lire et relire les textes de sermons déjà entendus.

Notre savant vendômois ne se contentait pas en effet d'assiter aux offices religieux comme n'importe quel fidèle pratiquant : il prenait en note les sermons et, chez lui, les recopiait ou les faisait recopier par un secrétaire. On peut se demander pourquoi n'ont été conservés que les sermons parisiens de 1839 à 1847, et non les autres, tels ceux du Vendômois à partir de 1857, car il n'y a aucune raison de douter de l'existence de ces notes. Toujours est-il que les années 1839-1847 coïncident avec son enseignement à l'Ecole des Ponts et Chaussées (1837-1842) et sa fonction d'ingénieur de la Ville de Paris (1839-1848).

Remarquons enfin que la plupart des sermons ont pour auteur Pétetot, curé de Saint-Louis d'Antin, et futur restaurateur de l'ordre de l'Oratoire en France en 1852 ; d'autre part, les églises fréquentées par Saint-Venant sont celles de Saint-Louis d'Antin, Saint-Roch, la Madeleine et Saint-Philippe du Roule : elles se situent dans trois arrondissements voisins (aujourd'hui : les 1er, 8e et 9e), quartiers aisés, neufs et à la mode dans les années 1840. Il n'est pas étonnant d'y retrouver Adhémar, dont la position sociale s'est assise avec son mariage (21) et ses deux emplois aux Ponts et Chaussées et à la Ville de Paris.

Or, malgré le peu de loisirs laissé par ces deux emplois, ses recherches scientifiques et sa jeune famille, notre savant trouvait encore le temps d'assister aux offices plusieurs fois par semaine! c'est dire la sincérité et la profondeur de sa foi catholique.

Cette remarquable assiduité peut s'expliquer par les thèmes des sermons. Pétetot et ses confrères mettent l'accent sur la charité, l'humilité, la misère de l'homme sans Dieu, la souffrance et le Christ. Religiosité plus doloriste que triomphaliste, qui insiste sur le peu de valeur de la vie terrestre et sur la faiblesse de la nature humaire, qui ne peut espérer le salut sans l'aide de Dieu et de l'Eglise romaine et sans les oeuvres : la première de celles-ci étant la charité. Pareille spiritualité ne pouvait que plaire à Saint-Venant, si dur pour lui-même et enclin à l'austérité (22), et si attaché à la valeur et à la pratique de la charité. Rappelons-nous sa lettre au comte de Falloux le 10 juillet 1848 : on l'y a vu soucieux du sort des ouvriers et intéressé par la question sociale, et hostile à l'égoïsme libéral de personnalités comme Thiers, par exemple.

Catholique humanitaire soucieux de la charité, Adhémar n'est-il pas dans la lignée des futurs catholiques sociaux de Frédéric Le Play et d'Albert de Mun, ainsi que de l'encyclique de Léon XIII dite "Rerum novarum" (1891) qui énonce alors la doctrine sociale de l'Eglise? Il n'est pas interdit de le penser : un homme comme Albert de Mun était fort proche de Saint-Venant. Tous deux étaient monarchistes, légitimistes, catholiques et soucieux de régler la question sociale. Précisons que, catholique social, notre savant ne se situe pas dans la famille démocrate-chrétienne : au contraire de celle-ci, il refusait les principes et règles de la démocratie. Catholique et anti-libéral, tel est Saint-Venant.

Ceci nous amène à poser une question des plus délicates, mais inévitable : Saint-Venant n'anticipe-t-il pas les valeurs de la "Révolution Nationale" de 1940? Certaines valeurs sont en effet communes : le retour à la terre et la conviction que la vie campagnarde et le travail agricole sont bons en soi et moralisent les hommes, la volonté de rétablir les anciennes corporations afin de prévenir la lutte des classes, le christianisme de pénitence et d'humilité, le catholicisme social et charitable, et bien sûr l'opposition viscérale au libéralisme et aux principes de 1789. On le voit, l'idéologie d'Adhémar n'est pas sans parenté avec celle de l'Etat français de 1940. Une nuance de taille cependant : Saint-Venant ne semble pas antisémite, du moins rien dans ses archives ne prouve le contraire. Il reste néanmoins que les ressemblances sont assez évidentes, et certainement liées à la permanence du même courant d'idées dans la société française.

Mais pourquoi Saint-Venant est-il si ancré dans ses convictions légitimistes? D'où vient son hostilité sans faille au libéralisme moderne? Un essai de psycho-histoire tentera d'apporter la réponse et constituera du même coup la conclusion de cette étude.

4 - Essai de biographie politique de Saint-Venant

Né en 1797, Adhémar n'a pu connaître la Révolution que par les récits de ses parents et de ses proches : or, ceux-ci, nobles et catholiques, n'ont pas dû lui en tracer un tableau flatteur ; la tradition familiale a joué un rôle essentiel, mais ce n'est guère original...

Leur fils entre à l'Ecole polytechnique en 1813, à 16 ans seulement : son éveil et son entrée dans la vie adulte datent donc des années sombres de l'Empire, celles du renforcement de la dictature, de la crise économique, de la conscription et des grandes défaites. Pire, il voit se succéder les événements dramatiques : la chute de Napoléon, l'occupation de Paris et le retour des Bourbons, les Cent-jours, et Waterloo, alors qu'il n'a pas vingt ans! S'il avait jamais douté, ces événements n'ont pu que le renforcer dans ses convictions monarchistes.

De fait, la Restauration ne ramenait-elle pas la paix, la fin de la dictature et une relative prospérité? Surtout, le trône, particulièrement sous Charles X, est étroitement allié à l'autel, le pouvoir à l'Eglise catholique. L'ambiance est faite de repentir et de romantisme médiéval chrétien. De quoi plaire à Adhémar. Aussi se range-t-il du côté du parti allié à l'Eglise, les légitimistes, et non du côté des autres, alors dans l'opposition, et tous, à ses yeux, héritiers des principes de 1789 : il n'est donc ni républicain, ni libéral-orléaniste, ni bonapartiste.

Ces années sont aussi celles de la jeunesse et de ses débuts aux Poudres et Salpêtres puis aux Ponts et Chaussées. On peut penser que cette période a été particulièrement heureuse pour notre jeune savant.

Malheureusement, la révolution de 1830 chasse la branche aînée du pouvoir : désormais, aux yeux de Saint-Venant, tous les régimes, quels qu'ils soient, sont illégitimes, puisque tous fondés, du moins en principe, sur les principes de 1789.

C'est ainsi que la Monarchie de Juillet est coupable de s'être substituée à la branche aînée des Bourbons ; de plus, ce régime oligarchique (23) n'était guère attirant. Aussi, comme beaucoup, Adhémar a-t-il vraisemblablement accepté la révolution de 1848 et la IIe République, plus généreuse, plus humanitaire. Même après la cassure de Juin, il reste fidèle à sa préoccupation sociale et ne semble toujours pas un opposant farouche à cette République, qui, contrairement à son aînée, ne se veut pas anti-cléricale. En revanche, les événements de Juin renforcent son hostilité envers le libéralisme économique et sa méfiance du monde urbain. D'où un rêve ruraliste gagnant en intensité.

Nous ignorons tout, en revanche, de ses sentiments envers le Second Empire : ceux-ci ont vraisemblablement été contradictoires et variables dans le temps. Au registre des sentiments positifs que l'on peut supposer chez lui, le soulagement de voir l'ordre social solidement rétabli par le coup d'Etat, la satisfaction de voir le régime incliner du côté des catholiques (jusqu'en 1860) et protéger le Pape et la région de Rome (de 1861 à 1870). En revanche, la participation armée de la France à la réalisation de l'unité italienne par le Piémont, en 1859, a dû irriter Saint-Venant : le royaume d'Italie ne s'est-il pas constitué aux dépens de l'Autriche, puissance catholique, du royaume de Naples, gouverné par des Bourbons, et de la papauté, qui a perdu une grande partie des Etats de l'Eglise? Ajoutons un grief personnel : la dissolution à l'automne 1852 de l'Institut agronomique de Versailles, cher à Saint-Venant et par conséquent son licenciement en tant que professeur dans cet établissement. Le voilà désormais inactif (24).

Le terrain devient plus sûr de 1871 à la mort de notre personnage début 1886.

Les années 1873-1876 sont celles de l'espoir : comme tous les légitimistes, Adhémar croit en la proximité de la restauration, espérée depuis 1830, de la branche aînée des Bourbons. La déception est à la mesure de cet espoir : les orléanistes s'allient aux républicains pour voter les lois constitutionnelles de 1875, réalisant ainsi l'alliance des libéraux, et s'attirant du même coup l'hostilité de Saint-Venant. Pire, les républicains remportent les élections législatives de 1876 et de 1877, le maréchal de Mac-Mahon démissionne et quitte l'Elysée en 1879. Désormais, est venu le temps de la "République des républicains... "

N'insistons pas sur les fondements de son anti-libéralisme et de son opposition aux républicains : nous les avons analysés. Soulignons en revanche deux faits non négligeables : l'âge (80 ans en 1877) le raidit dans ses convictions, et son isolement dans le château de Villeporcher en Vendômois, où il demeure depuis 1857, le coupe des réalités du monde contemporain.

Moins que jamais il n'est homme de compromis : Saint-Venant est en exil intérieur sous la République et n'espère plus qu'en un miracle. La mort l'emporte en 1886, aussi catholique et légitimiste qu'en 1815. Homme de principes, Adhémar était un fidèle : fidèle à son Dieu et fidèle à son Roi (25).


 


Portrait de Victor du Buat
(C) Archives de l'Ecole polytechnique

UN EPISODE DE LA VIE DE SAINT-VENANT :
Victor du Buat

(pièces n° 1383 bis à 1562)

L'histoire des relations nouées entre un académicien bien installé dans la société et un modeste employé de la Compagnie parisienne du gaz est à bien des égards fort intéressante. Elle mérite qu'on s'y arrête un instant.

Comment se sont-ils rencontrés?

Vivement intéressé par l'hydraulique et la mécanique des fluides, Saint-Venant découvre les "Principes d'hydraulique" (1786) d'un certain Pierre du Buat (1734-1809), tombé dans l'oubli. C'est la révélation! Décidé à faire connaître Pierre du Buat et son maître-ouvrage, et à publier une notice biographique (26), Adhémar entreprend de vastes recherches généalogiques (27).

C'est ainsi qu'il découvre, ou qu'on lui apprend (ce point n'est pas élucidé) (28), l'existence d'un lointain descendant de l'hydraulicien, Victor, pauvre et vivant à Belleville, à Paris. Un jeune noble pauvre descendant d'une illustre famille et d'un grand savant cher à son coeur, voilà de quoi attirer l'attention de Saint-Venant. Par charité chrétienne, mais aussi par ambition de sortir Victor de la misère, de relever sa condition sociale et de le garder au sein de la famille légitimiste, Adhémar décide de prendre la destinée de celui-ci en main. Et, en 1866, il fait entrer son protégé au pensionnat des Frères des Ecoles chrétiennes de Passy, à la rentrée.

A cette date, le jeune Victor a 14 ans. Il a déjà eu un petit emploi, dans les bureaux de la compagnie du Creusot. Pourquoi si jeune? La famille est fort pauvre : le père de Victor, Joseph-Raoul du Buat, est dépossédé en 1801 de son château et de son domaine du Buat (29). Ruiné, il meurt, laissant sa femme et ses trois enfants sans ressources. Celle-ci épouse Monsieur Groscoeur, un roturier, et la famille s'installe à Belleville, où elle doit s'endetter pour acquérir une petite maison (en 1873, Victor devra vendre la ferme des Cours, au Buat, dernier vestige de leur richesse passée). Une famille de vieille noblesse déclassée, telle est la famille du Buat lorsque la découvre Saint-Venant. Pour survivre, tous doivent travailler, ainsi Victor. Une lettre d'Adhémar au comte Charles du Buat (30), datée du 24 mars 1872 (31), nous apprend que les deux soeurs de Victor "étaient jalouses... et lui reprochaient, quand il était chez les Frères de Passy, de ne rien apporter à la maison".

Revenons donc à Passy. Victor y est pensionnaire de l'automne 1866 à la fin des cours en 1870. La tutelle est exercée par Adhémar, et les frais de pension payés en partie par Charles du Buat, déjà cité (32), qui suit de très près avec Saint-Venant, tuteur officiel (alors que Charles du Buat cache son rôle à Victor), les progrès et la vie de leur protégé.

En 1870, Victor à 18 ans : il est temps pour lui de quitter l'école et de chercher un emploi. Mais la guerre éclate, Paris est assiégé. A peine l'armistice est-il signé, début 1871, que la Commune surgit. Victor est toujours à Paris, avec sa famille. Le 19 mai, il parvient à échapper au décret d'arrestation décidé par la Commune contre les réfractaires (c'est alors la "semaine sanglante", la guerre dans Paris). Au sortir du siège et de la Commune, la misère touche plus encore la famille du Buat (lettre de Victor à Saint-Venant, 5 juin 1871) (33).

Heureusement, il retrouve un emploi : il entre au PLM, compagnie des chemins de fer du Paris-Lyon-Marseille [faut-il y voir une intervention de Saint-Venant auprès de son camarade Talabot, X-Ponts ?]. Un petit emploi il est vrai : le 30 décembre 1872, écrivant à son protecteur, il lui déclare espérer une place fixe (faire des "expéditions") et mieux rétribuée (5 à 6 francs par jour : le salaire d'un ouvrier à Paris), à l'Ecole des Ponts (34).

Début 1873, il entre à la Compagnie parisienne du gaz [encore une entreprise dirigée par des X-Ponts : de Gayffier X 1826, puis Camus X 1841 ...] : le destin lui deviendrait-il favorable? Non, car Victor tire un mauvais numéro et doit partir pour le service militaire. En quatre ans, du printemps 1873 à l'été 1877, Saint-Venant ne relâche pas sa surveillance : Victor a beau être loin de son tuteur, celui-ci continue à lui écrire, à l'admonester lorsque des échos fâcheux lui parviennent sur le compte de son protégé, à lui demander de toujours respecter ses devoirs religieux, et à le mettre en relations avec des personnes sûres.

Dès avant le service militaire, le jeune Victor doit assurer Adhémar de la pureté de ses opinions : dans une lettre datée du 7 août 1872 (35), il lui écrit qu'il voudrait bien le "convaincre de la fermeté de [ses] croyances" et qu'il espère, comme son protecteur, que "nous aurons bientôt celui que nos coeurs désirent depuis longtemps" ; il s'agit à l'évidence du comte de Chambord, Henri V pour les légitimistes, petit-fils de Charles X, unique héritier de la branche aînée des Bourbons, et prétendant au trône de France. A cette époque, son retour au pouvoir ne semble pas impossible.

Il faut dire que Saint-Venant avait des raisons de s'inquiéter : le jeune Victor paraît avoir eu un caractère tendant à la facilité et à la faiblesse et n'avoir pas été aussi porté à la religion que le désirait son protecteur. Témoin cette lettre du 13 mars 1873 (36) à ce dernier :

"Comme vous me le dites, quand j'aurai fini mon service militaire, je me marierai; c'est pour moi, je vois, le meilleur moyen de devenir tout à fait sérieux, car ayant sa famille et ses affections dans son intérieur, on est toujours porté à mener une vie régulière et surtout plus religieuse ; vos conseils à ce sujet me seront d'un grand secours, et je crois, Monsieur, que vous ne m'en priverez pas" (37).

C'est le moins que l'on puisse dire : Victor, désormais, est majeur et assuré d'un emploi (il est revenu à la Compagnie parisienne du gaz), et pourtant, Saint-Venant le suit toujours d'aussi près. Cette protection est tout autant une surveillance. Citons, à titre d'exemple parmi bien d'autres, une lettre d'Adhémar. Le 2 janvier 1884, il écrit à Victor :

"Je ne veux pas faire de vous un hypocrite. Mais dites-moi tout bonnement, à moi votre ami, qu'est-ce qui vous empêche de revenir à Dieu, à la pratique de vos devoirs envers ce bon père? Avez-vous des doutes? Dites-le-moi. Songez qu'aujourd'hui les familles chrétiennes ne prennent pour gendres que des chrétiens" (38).

Cette dernière phrase nous amène au problème essentiel des relations entre les deux hommes : le mariage de Victor.

On a vu que ce dernier y songe dès 1873. Or, nous venons de le constater, il n'est toujours pas marié en 1884, malgré son vif désir de l'être. Victor songe certes à une jeune fille de son quartier de Belleville, une ouvrière semble-t-il, mais n'ose franchir le pas : il rencontre en effet l'opposition tout à la fois de sa mère et de Saint-Venant, les deux personnes qu'il respecte le plus. Un tel projet horrifie Adhémar : un noble de vieille lignée se mésallier avec une ouvrière, non ! Tant pis pour le bonheur de son protégé. Qui plus est, ce dernier ne tient guère à quitter son milieu social d'origine. Le 3 avril 1884, il avoue à son protecteur son hésitation à revenir chez son riche et lointain parent Adolphe du Buat, à Paris, car, dit-il, vous comprendrez que ma position diffère tellement de la leur que je crains de m'y montrer ; quelle contenance tenir? surtout avec des hommes riches habitués à l'opulence ne parlant que chevaux et voitures, de Mr. de... ou de... " (39). Comme il l'explique le 20 mars 1885, "il n'est pas aisé de se déplacer ainsi de milieu du jour au lendemain. J'ai toujours vécu seul et dans l'intimité de la famille pauvre" (40).

Afin de faire patienter Victor, interdit de mariage avec son ouvrière, Saint-Venant lui promet sans cesse un beau mariage avec une fille noble ou d'origine roturière aisée. De fait, il mène d'activés recherches en ce sens, en relations étroites avec Charles du Buat : celui-ci désire lui faire épouser une jeune fille de la région, mais, surprise, Victor refuse, préférant son emploi à la Compagnie du gaz et la vie à Paris, à une existence de propriétaire campagnard.

Tout s'écroule, et Adhémar, sûrement choqué par ce dédain du monde rural, doit tout recommencer.

Il faut croire que ses efforts ont porté leurs fruits car, le 17 mars 1885, une lettre de Victor à Saint-Venant (41) nous apprend une nouvelle des plus importantes : il commence à espérer en la proximité de son mariage. Les relations avec Mademoiselle Marie de Solier semblent en effet déjà bien avancées à cette date. Victor multiplie dès lors les lettres optimistes, d'autant que la jeune fille semble lui plaire, est modeste, de fortune médiocre, et vit à Paris.

Mais décidément le destin s'acharne contre lui. Dès le 7 avril, Marie de Solier écrit à la comtesse Jean du Buat (lettre communiquée à Saint-Venant) (42) qu'elle estime Victor, mais juge le mariage impossible. Et le 4 mai, le prétendant éconduit envoie une lettre désespérée à son protecteur (43). Touché, celui-ci écrit dès le 6 mai à la jeune fille : il l'assure de l'amour de Victor et lui demande de revenir sur sa décision ; certes, Victor n'est qu'un modeste employé de la Compagnie parisienne du gaz, "mais qui ne sait que, depuis 15 ans, les familles les plus honorables de France préfèrent ces sortes de position au service du gouvernement pour conserver mieux l'indépendance de leurs sentiments politiques et religieux?" (44). On retrouve là notre Saint-Venant catholique et légitimiste, en exil intérieur sous la République des républicains.

Toujours est-il que ce projet de mariage de Victor est un nouvel échec. La dernière lettre connue concernant le protégé d'Adhémar est du 25 novembre 1885 (45) : à cette date, il n'est toujours pas marié (à 32 ans) (46). C'est sur cette incertitude que se clôt l'histoire des relations entre Saint-Venant et Victor du Buat ; la puissante personnalité du premier n'a-t-elle pas étouffé le second? On peut le penser, l'affaire du mariage manqué de ce dernier en témoigne. Victor du Buat, ou du danger d'être trop bien entouré ...


NOTES

1 - Paris, Seuil 1988.

2 - Pièce n° 2053.

3 - Le régime de Napoléon III ne se veut-il pas saint-simonien, industriel, modernisateur?

4 - Pièce n° 938.

5 - Les droites en France, Paris, 1982.

6 - Pièce n° 934.

7 - Pièce n° 1791.

8 - On ne peut s'empêcher de rapprocher Saint-Venant de Flaubert : non catholique, celui-ci fustige de même la société bourgeoise aux horizons uniquement matériels, ainsi dans "Madame Bovary et dans "Bouvard et Pécuchet".

9 - Pièce n° 2044.

10 - Henri Tresca, 1814-1885, X 1833, mécanicien [membre de l'Académie des sciences en 1872]. Un des plus grands amis d'Adhémar avec Morin et de Caligny, catholique et monarchiste comme lui. Nous ne possédons pas moins de 69 lettres écrites par lui à son "cher maître".

11 - Pièce n° 648.

12 - Professeur de mathématiques à l'Université catholique de Louvain, membre de l'Académie royale de Belgique. Nous conservons 11 lettres de lui à Saint-Venant.

13 - Pièce n° 832.

14 - Le Kulturkampf est déclenché en 1871-1873 par Bismarck et a pour objectif de réduire l'influence de l'Eglise catholique en Allemagne. Il s'achève entre 1878 et 1880.

15 - Pièce n° 1800.

16 - Pièce n° 1014.

17 - Avec l'Instruction publique et l'Intérieur.

18 - Pièce n° 620.

19 - Pièce n° 182.

20 - Pièces n° 1563 à 1782.

21 - Avec Julie Rohault de Fleury, le 30 octobre 1837.

22 - Cf. les notices biographiques contenues dans son dossier personnel aux Archives de l'Ecole polytechnique : cote VI2a2(1813).

23 - Voir les remarques de Tocqueville dans ses "Souvenirs".

24 - Cette affaire a suscité une correspondance abondante et fort intéressante (pièces n° 2071 à 2088 et 2289 à 2297).

25 - Sa figure évoque irrésistiblement celle de son "maître" et ami, le célèbre mathématicien Augustin-Louis Cauchy (1789-1857, X 1805), comme lui légitimiste intransigeant...

26 - Parue à Lille en 1866, nouvelle édition en 1885.

27 - Pièces n° 1076 à 1383.

28 - Nous penchons pour la seconde hypothèse.

29 - Région de Mortain, département de la Manche.

30 - Grand propriétaire dans la Mayenne.

31 - Pièce n° 1389.

32 - Riche et maître d'une grande propriété, gentilhomme rural, il est sans descendance mâle. N'aurait-il pas souhaité faire de Victor son successeur? C'est bien possible. De là sa surveillance...

33 - Supplément 1551- 1 à 53.

34 - Pièce dans Supplément.

35 - Pièce n° 1391.

36 - Supplément.

37 - Faut-il voir, dans cette fin de lettre, de l'ironie volontaire envers Saint-Venant toujours prompt à jouer les censeurs et les bons conseillers?

38 - Pièce n° 1508.

39 - Comment ne pas se rappeler ici Julien Sorel, le héros du roman de Stendhal "Le Rouge et le Noir"? Pièce n° 1528.

40 - Supplément.

41 - Supplément n° 1551 - 31.

42 - Supplément n° 1551 - 39.

43 - Supplément n° 1551 - 44.

44 - Supplément n° 1551 - 45.

45 - Supplément n° 1551 - 53.

46 - Il faut dire que Saint-Venant s'est marié à 40 ans : on comprend alors ses conseils de patience prodigués à Victor.