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Bulletin n° 64

Polytechniciens en Algérie au XIXe siècle

Ce numéro comporte 167 pages.

Contenu du numéro :

  • Editorial :
    par Pierre Couveinhes

  • Introduction
    par Djamil Aïssani, Pauline Romera-Lebret et Norbert Verdier
    Annexe : Liste des polytechniciens (jusqu'à la promotion 1914) mentionnés comme nés ou ayant servi en Algérie dans la base de données « Famille polytechnicienne ».

  • L'institutionnalisation de l'astronomie française en Algérie (1830-1838)
    par Frédéric Soulu

  • Auguste Bravais : des mathématiques polytechniciennes pour cartographier les côtes algériennes, 1832-1838
    par Bernard Bru

  • Adolphe Hanoteau (1814-1897) : une passion pour le monde berbère
    par Othman Salhi

  • Harold Tarry, un polygraphe en Algérie : météorologie, astronomie, archéologie et récréations mathématiques
    par Evelyne Barbin

  • Charles-Ange Laisant : difficultés et potentialités d'une affectation en Algérie
    par Jérôme Auvinet

  • Le séjour algérien du géomètre Albert Ribaucour (1886-1893) : Travaux publics et mathématiques
    par Djamil Aïssani et Bernard Rouxel

  • Cadi Chérif (X 1887, 1867-1939), premier polytechnicien algérien
    par Djamil Aïssani et Mohamed Réda Békli

  • Cahier d'illustrations : archives d'Algérie
    par Olivier Azzola et Norbert Verdier

  • Index des principales personnalités citées

  • Biographie des auteurs

  • Présentation de l'AFAC

Editorial
Polytechniciens en Algérie au XIXe siècle

Pierre Couveinhes

Ce bulletin est dédié à une période mal connue de l'histoire de l'Algérie: celle qui va de sa conquête par la France à partir de 1830 jusqu'aux débuts de la Première Guerre mondiale. Le nombre d'X qui y ont oeuvré est loin d'être négligeable: l'analyse de la banque de données « Famille polytechnicienne » a mis en évidence 257 membres des promotions avant 1914 qui sont nés ou ont servi en Algérie ; et encore cette liste est-elle incomplète, maintes personnalités évoquées dans ce bulletin n'y figurant pas.

Le choix fait par les coordinateurs du numéro a été d'examiner cette population assez nombreuse en se focalisant sur quelques « cas d'études » : après un premier article consacré à « L'institutionnalisation de l'astronomie française en Algérie », chacun des six suivants est dédié à un polytechnicien remarquable, ayant exercé une activité scientifique parallèlement à son activité administrative ou militaire.

Ces articles sont complétés par un riche cahier d'illustrations, regroupant des lettres, photos et publications issus des archives de l'École polytechnique, ainsi que du fonds Catalan à l'université de Liège. Ces documents donnent une image particulièrement vivante de la vie et de l'activité en Algérie de sept autres polytechniciens, ainsi que de la communauté des mathématiciens.

Bien que les articles composant ce bulletin soient centrés sur le destin algérien d'un petit nombre de polytechniciens, c'est plusieurs centaines d'individus remarquables que l'on croisera au fil des articles, dont 112 X, allant de la promotion 1799 (François Bergé) à la promotion 1899 (Eugène Freyssinet). Leurs noms sont regroupés dans l'index général figurant à la fin de ce numéro, qui indique les articles où leurs noms sont cités. Certains de ces noms apparaissent jusque dans quatre articles différents, témoignant de l'importance des contributions, mais aussi, souvent, de la variété des centres d'intérêt et de l'entrecroisement des destins.

L'échelonnement dans le temps des exemples choisis permet de mesurer l'évolution du pays sur la période. Celui-ci parait presqu'inconnu lors de l'expédition de juin 1830. Le comte de Bourmont, ministre de la Guerre de Charles X, peut alors s'étonner que « une expédition aussi importante [...] ait été entreprise avec les renseignements les plus incertains et les plus incomplets. ». La situation semble n'avoir guère changé une quinzaine d'années plus tard, et Henri Fournel peut écrire : « Il est très vrai que j'ai publié deux ouvrages sur l'Algérie après un séjour de quatre années (1843-1846) dans cet intrigant pays sur lequel on savait si peu de choses. » Mais vers 1870, le pays apparaît bien connu et administré, ainsi qu'en témoigne la « Carte administrative de la Kabylie » figurant dans l'article d'Othman Salhi. Il est également doté d'infrastructures ferrées et portuaires modernes, mais n'en reste pas moins sauvage dans certaines zones: en 1892 encore, Albert Ribaucour signale dans une lettre, qu'on avait tué une panthère en Haute Kabylie...

Mais quelle a été la contribution des polytechniciens à ces évolutions? Elle a été bien sûr principalement militaire au cours des premières années. Trois exemples en sont donnés dans le cahier d'illustrations: nous croisons tout d'abord la grande figure de Stanislas Marey-Monge (X1814), créateur et commandant des spahis, arabisant, ami d'Abdelkader dont il traduisit les poésies. La situation semble bien pacifiée en mai 1879, quand le capitaine d'artillerie Marius Ernest Laquière (X 1858) professe un cours théorique à l'École régionale de tir de Blida. Mais ce calme n'est qu'apparent, et l'intérieur du pays reste peu sûr, comme en témoigne la « randonnée dans le vrai bled », plutôt mouvementée, relatée en mai 1908 par Georges Favereau (X 1886) dans une lettre adressée à son camarade de promotion Arthur Dumas. Il faut souligner le grand respect manifesté par Favereau pour « la ténacité de l'ennemi et sa façon très judicieuse de combattre et d'utiliser le terrain ».

Ce respect pour le pays et sa culture peut aller jusqu'à une véritable passion, comme c'est le cas pour le général Adolphe Hanoteau, auteur des premières grammaires des langues berbères, et pionnier de la sociologie et de l'ethnographie avec son monumental ouvrage « La Kabylie et les coutumes kabyles » coécrit avec Aristide Letourneux.

Mais peu à peu, l'occupation militaire laisse la place à une administration civile, en même temps que le poids des colons s'accroit. Un exemple est l'institutionnalisation de l'astronomie en Algérie, analysée par Frédéric Soulu, où l'on voit des observatoires « en dur » succéder aux établissements provisoires créés par les militaires, avant qu'ils ne s'intégrent dans une institution: l'Observatoire d'Alger.

Bien entendu, l'adaptation au contexte local ne va pas de soi, et les polytechniciens doivent mobiliser tout leur savoir pour imaginer des solutions créatives aux problèmes rencontrés. Cela se traduit parfois par de véritables avancées scientifiques, comme pour Auguste Bravais qui développe une méthode statistique nouvelle pour « décrire avec le plus de précision possible les côtes algériennes sans jamais ou presque y aborder vraiment », comme le formule Bernard Bru au début de son article.

En retour, les connaissances accumulées en Algérie peuvent être utilisées pour expliquer des phénomènes observés en Europe: c'est ce qui permet à Harold Tarry d'avancer l'hypothèse que les pluies de sables dans le sud de l'Italie résultent d'un mouvement d'oscillation des cyclones entre l'Europe et l'Afrique. Tout à la fois météorologue, astronome, archéologue et mathématicien, ce véritable polygraphe, évoqué par Evelyne Barbin14, fait preuve d'une polyvalence et d'un enthousiasme impressionnants !

Sans atteindre une telle versatilité, beaucoup de polytechniciens en poste en Algérie arrivent à poursuivre une activité scientifique de bon niveau parallèlement à leur travail d'ingénieur: par exemple, le nombre de publications d'articles de mathématiques est tout à fait remarquable. Certes, tout cela était avant la professionnalisation des activités de recherche, et un ingénieur des Ponts et chaussées tel qu'Albert Ribaucour pouvait faire des contributions décisives en matière de géométrie différentielle, tout en pilotant la construction d'ouvrages d'art importants: voie ferrée Béjaia-Béni Mansour, « quai Ribaucour » au port de Béjaia, etc.

Bien sûr, une affectation en Algérie présentait certains inconvénients, notamment l'éloignement des réseaux scientifiques et politiques de la métropole, ainsi que cela apparaît dans le cas de Charles-Ange Laisant (X 1859), étudié par Jérôme Auvinet. Cela n'en restait pas moins un choix très prisé, en permettant probablement un accès rapide aux responsabilités et une certaine indépendance, autorisant l'expérimentation de solutions innovantes. Bien qu'étant resté moins d'un an en poste en Algérie, Laisant fait ensuite des efforts considérables pour implanter dans sa région une organisation inspirée des services météorologiques algériens dont il avait pu apprécier l'efficacité. En outre, une affectation même brève en Algérie permettait semble-t-il d'entrer dans un réseau de personnalités de valeur.

Le dernier « cas d'étude » de ce bulletin, présenté par Djamil Aïssani et Mohamed Réda Békli, revêt un caractère tout particulier: il est consacré au premier polytechnicien algérien, Chérif Cadi (X 1887). Issu d'un milieu modeste, celui-ci est devenu, suivant ses propres termes « polytechnicien, ingénieur et astronome, enfin officier supérieur de l'artillerie française. » Un bel exemple d'ascenseur social et de promotion républicaine, qui est malheureusement resté exceptionnel au cours de la période examinée. On se plait à imaginer ce qu'aurait pu être le destin de la France et de l'Algérie si de tels exemples s'étaient multipliés, dans la ligne de l'ouverture culturelle manifestée par des personnalités telle que Marey-Monge ou le général Hanoteau... mais cette question échappe au champ de ce bulletin.

Je remercie vivement Djamil Aïssani, Pauline Romera-Lebret et Norbert Verdier qui ont assuré la coordination de ce numéro passionnant, ainsi que tous les auteurs qui y ont contribué.

Biographie des auteurs

Le professeur Djamil AÏSSANI est né le 24 juillet 1956 à Biarritz. Docteur d'État ès sciences mathématiques (Kiev - URSS, 1984), il enseigne à l'université de Béjaia depuis l'ouverture de cet établissement en 1983/1984. Directeur de l'unité de recherche LaMOS (Modélisation et optimisation des systèmes - cf. http://www. lamos.org), président de la société savante GEHIMAB (Histoire des sciences et des idées en Méditerranée - cf. http://www.gehimab. org), il est directeur de recherche au CNRPAH Alger (chef de l'équipe de recherche HiSET -Centre des études andalouses, Tlemcen - cf. http://www.cnrpah.org). Il a été pendant une décennie président de la sous-commission « Mathématiques » du ministère des Universités (1995-2005). Contact: lamos_bejaia@ hotmail.com

Jérôme AUVINET est chercheur associé au Laboratoire de mathématiques Jean Leray, université de Nantes, UMR 6629, et enseignant au lycée Roumanille de Nyons (26).
Docteur en histoire des mathématiques, sa thèse, sous la direction d'Evelyne Barbin, a été consacrée à « Charles-Ange Laisant. Itinéraires et engagements d'un mathématicien, d'un siècle à l'autre (1841-1920) » (université de Nantes, 2011).
Ses thèmes de recherche portent principalement sur les réseaux de mathématiciens et les revues mathématiques du XIXe siècle, sur le calcul géométrique (quaternions et équipollences), sur les mathématiques discrètes et leurs visualisations (géométrie de situation, jeux mathématiques) ou encore sur l'enseignement des mathématiques au tournant des XIXe-XXe siècles.

Olivier AZZOLA est archiviste de formation. Il a travaillé au Service historique de la défense, à l'université Paris-Diderot et à l'École polytechnique depuis 2008. Il est depuis 2019 responsable du Centre de ressources historiques de la bibliothèque centrale de l'École. À ce titre il est en charge du Mus'X, l'espace muséal qui en présente le patrimoine scientifique. Il a publié plusieurs articles ou contributions sur les archives ou l'histoire, et a contribué à la réalisation de plusieurs expositions, dont celle sur Gaspard Monge, au Mus'X en 2018

Évelyne BARBIN est professeur émérite d'épistémologie et histoire des sciences à l'université de Nantes, membre du Laboratoire de mathématiques Jean Leray UMR 6629. Elle travaille dans les IREM depuis 1975. Ses recherches concernent l'histoire des mathématiques et de leur enseignement, ainsi que les relations entre histoire et enseignement des mathématiques. Les thèmes des recherches concernent surtout les mathématiques du xvne siècle, la géométrie et la combinatoire au XIXe siècle, et la démonstration mathématique. Elle a publié environ 150 articles et édité ou coédité 40 ouvrages. Ses derniers ouvrages sont: Barbin, É., Bénard, D., Moussard G. (éd.), Les mathématiques et le réel: expériences, instruments, investigations. Rennes, PUR, 2018; Barbin, É., Faire des mathématiques au lycée avec l'histoire, Paris, Ellipses, 2019; Barbin, É., Menghini, M., Volkert, K. (éd.), Descriptive Geometry: The Spread of a Polytechnic Art The Legacy of Gaspard Monge, New-York, Springer, 2019.

Mohamed Réda BÉKLI est docteur en sciences physiques de l'université de Constan-tine. Maître de conférences à la faculté de sciences de la nature de l'université de Béjaia, il est chargé de recherche au Laboratoire de physique théorique. Il est l'auteur de plusieurs publications sur l'histoire des sciences. Son dernier article vient de paraître dans la revue « Arabie Sciences and Philosophy », Cambridge University Press, 2019.

Bernard BRU a fait des études de mathématiques à la faculté des sciences de Paris, où il a entrepris des travaux de recherche en théorie des probabilités. Il a enseigné les mathématiques aux universités Paris 6 et Paris 5 comme assistant, maître assistant et professeur de 1965 à 2003. Il a été coopérant en Algérie dans la nouvelle université de Constantine de 1969 à 1971.
Parallèlement, Bernard Bru s'est intéressé à l'histoire du calcul des probabilités. Il a notamment édité les principaux auteurs de l'école française, Condorcet, Laplace, Poisson, Bienaymé, Cournot, etc.

Pauline ROMERA-LEBRET est docteure en histoire des mathématiques et chercheure associée du Groupe d'histoire et de diffusion des sciences d'Orsay (GHDSO, Université Paris-Sud). Ses recherches sont centrées sur la deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle, et consistent à étudier les différents modes de transmission et d'édification des connaissances. Ses domaines de recherches, initiés dans sa thèse de doctorat (sous la direction d'Évelyne Barbin), portent d'abord sur le fonctionnement des réseaux scientifiques et sur les filiations entre scientifiques sans position académique. La circulation des connaissances dans et par les journaux mathématiques intermédiaires est un autre axe de ses recherches. Enfin, la pratique des sciences au Maghreb, et tout en particulier en Algérie, au XIXe siècle, par l'étude de parcours d'individus, des lieux de savoirs et de la sociabilité savante est le dernier pan de son travail de recherche. Contact : pauline.lebret@gmail.com

Le professeur Bernard ROUXEL est maître de conférences en mathématiques à l'université de Bretagne Occidentale. Il est spécialiste de géométrie différentielle. Depuis sa retraite, il s'est passionné pour les cadrans solaires. Il est également auteur de plusieurs travaux sur l'histoire des sciences. Ainsi, dans la deuxième moitié des années 1990, il a collaboré avec Djamil Aïssani pour cerner la contribution mathématique du polytechnicien Albert Ribaucour durant son séjour algérien (1886-1893).

Othman SALHI, X 1970, est né le 14 juillet 1951 à Tizi-Ouzou, ville où il a effectué toutes ses études primaires, avant le collège et le lycée à Alger. Il a débuté sa carrière professionnelle dans les secteurs du pétrole, du gaz et de la pétrochimie avant de s'orienter vers l'ingéniérie nucléaire. A titre personnel II s'est intéressé à des sujets tels que le conte kabyle ou la protohistoire des sociétés sahariennes.

Frédéric SOULU est chercheur contractuel, en postdoctorat à l'université de Lorraine (AHP-PRST) et chercheur associé au Centre François Viète de Nantes. Il travaille actuellement sur l'instrumentation scientifique pour le projet ANR sur « Le Bureau des longitudes (1795-1932), de la Révolution française à la Troisième République. » Sa thèse de doctorat portait sur l'histoire des « sciences de l'observatoire » en situation coloniale: « Développement de l'astronomie française en Algérie (1830-1938): astronomie de province ou astronomie coloniale? » Thèse « Histoire, philosophie et sociologie des sciences » de l'Université de Nantes, Faculté des sciences et techniques sous la direction de Guy Boistel, 2016, 550p.

Norbert VERDIER est maître de conférences en mathématiques appliquées & en histoire des sciences et des techniques à l'université Paris-Sud et à Sciences Po Paris. Ses recherches - effectuées au sein du laboratoire GHDSO-EST de l'université Paris-Sud -portent principalement sur les pratiques de circulation des connaissances (rôle et fonctions des journaux spécialisés, spécialisation et professionnalisation des maisons d'édition) au XIXe siècle. Un autre axe de recherches, plus marginal, concerne l'étude de la pratique des sciences dans l'espace maghrébin. Il a co-dirigé deux numéros de la Sabix (Joseph Liouville; le bicentenaire (1809-2009) (n° 45) et Eugène Catalan (1814-1894, X1833): le bicentenaire et le fonds d'archives Catalan-Jongmans). Il est cofondateur du séminaire PELIAS - les périodiques comme médiateurs culturels (littérature, arts & sciences) - au sein de l'espace Paris-Saclay [http://msh-paris-saclay.fr/nouveau-seminaire-pelias-les-periodiques-comme-mediateurs-culturels/]. Contact : norbert.verdier@u-psud.fr.