La SABIX
Bulletins déja publiés
Sommaire du bulletin n. 18
 

LA COLLECTION D'OBJETS SCIENTIFIQUES ANCIENS DE L'ECOLE POLYTECHNIQUE :
UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE...

par Marie-Christine Thooris

Responsable du service Patrimoine,
Bibliothèque centrale de l'Ecole polytechnique.

C'est en 1986, à l'initiative du général Chavanat, alors directeur général de l'Ecole polytechnique, que les collections patrimoniales furent partiellement regroupées, restaurées et mises en valeur. Mademoiselle Carpentier, conservateur en chef de la bibliothèque s'associa étroitement à cette entreprise, la conservation du patrimoine de l'Ecole étant l'une de ses attributions. L'Ecole était installée à Palaiseau depuis dix ans. Ses richesses muséographiques avaient été depuis ce déménagement stockées dans des magasins de la bibliothèque et dans une cave de laboratoire. Un inventaire rapide fut dressé et les professeurs d'arts plastiques consultés. Le projet de réalisation d'un musée ne pouvait plus être envisagé, la somme prévue à cet effet, dans le programme d'agrandissement des locaux à l'époque, étant " gelée " sine die. Les collections seraient donc partiellement réparties dans toute l'École.

Les vitraux de la chapelle du collège de Navarre furent alors installés dans le couloir du commandement ; les portraits des fondateurs, dans la salle des conseils ; des bustes de savants, dans les alvéoles du grand hall ; des matériels scientifiques, dans le salon d'honneur et sur sa mezzanine,...

En 1964, à l'initiative de Bernard Grégory (X 1938), alors directeur du Laboratoire de physique nucléaire des hautes énergies, une partie de la collection d'objets scientifiques fut déposée au Palais de la Découverte, lors de l'agrandissement des laboratoires de physique de l'Ecole à Paris. A l'occasion du rapatriement de ces objets en 1986 à Palaiseau, pour signaler le reclassement des archives historiques de l'Ecole et pour célébrer le dixième anniversaire de l'implantation des laboratoires sur le site, la bibliothèque réalisa une exposition retraçant l'histoire de la recherche scientifique à l'Ecole polytechnique. Elle montrait, pour la première fois au public, une partie des instruments scientifiques de la collection. Cette exposition, devenue permanente pour une centaine d'objets uniquement, n'est visible que sur rendez-vous. Ces derniers sont de nouveau présentés dans leurs grandes armoires vitrées du XIXe siècle, rapatriées de Paris et réparées.

Fin 1993, Madame Masson, conservateur en chef, créa un service Patrimoine à la bibliothèque. Ce service restructura alors l'exposition d'objets en une présentation thématique offrant un panorama d'instruments dans tous les domaines scientifiques.

Par ailleurs, le service Patrimoine a mis en place, depuis avril 1995, un musée virtuel accessible sur Internet afin de mettre en valeur et de faire découvrir sa collection d'objets scientifiques anciens jusque-là si peu accessible au public. Dans le cadre de ce musée virtuel, les images numérisées des objets scientifiques anciens ne sont pas seulement une présentation du fonds mais bien le noyau d'une base d'informations intégrant tant les données techniques de l'appareil qu'un historique de sa réalisation, une fiche biographique de l'inventeur et de l'appareilleur, éventuellement accompagnés de leur portrait,...


Collection de physique à l'Ecole Polytechnique (année 1960) à Paris.

Il faut en effet souligner que le travail effectué autour de chaque objet n'est jamais exhaustif car il s'appuie uniquement sur les collections patrimoniales de l'Ecole (archives et réserve de livres anciens). C'est ainsi que, rédigées à partir des cours de l'Ecole illustrés de nombreuses planches, ou des extraits des ouvrages scientifiques de la Réserve, les notices descriptives des appareils ne sont pas l'oeuvre de spécialistes. Elles invitent à approfondir une connaissance des techniques comme des théories développées dans le temps. Elles sont un point de départ à des travaux plus approfondis, une invitation à entreprendre des recherches annexes : en effet une correspondance ou des notes de laboratoires conservées par le service des Archives peuvent permettre de mieux saisir toute la complexité de la démarche intellectuelle précédant une découverte scientifique.

C'est dans cet esprit aussi qu'a été conçue l'exposition : " Les objets scientifiques, un siècle d'enseignement et de recherche à l' Ecole polytechnique ", présentée de mars à septembre 1997. Il s'agissait d'une chronologie historique des découvertes ou des progrès scientifiques réalisés par des élèves et des professeurs de l'Ecole polytechnique à travers les témoins que sont les objets scientifiques de la collection. Dans le cas de Gay-Lussac, ils sont associés aux pièces d'archives pour l'évocation de son laboratoire. Un aspect pédagogique de cette rétrospective pourrait être développé par la suite et susciter des intérêts pour des travaux en histoire des sciences. Cette exposition a fait l'objet d'un catalogue en vente à la bibliothèque de l'Ecole.
C'est encore dans cette perspective que l'exposition : "L'Ecole polytechnique, un patrimoine inattendu ", réalisée à l'initiative de Madame de Fuentes, actuel [partie en janvier 2007] conservateur en chef de la bibliothèque, présentera à Paris dans le cadre de la "Fondation Mona Bismarck" en janvier et février 1998, une nouvelle sélection d'objets scientifiques.

L'aspect esthétique de ces instruments de laboratoire peut susciter autant d'émotion chez les profanes que d'intérêt scientifique chez les spécialistes : c'est finalement aussi l'objectif de ces deux expositions.

Quel avenir pour cette collection ?

Avec sa présence " virtuelle " dans le serveur de l'Ecole sur Internet, nos collections ont acquis une certaine notoriété. La création d'un véritable espace d'exposition ouvert largement à tout public, élèves, enseignants, scientifiques ou simples visiteurs curieux de l'histoire de notre prestigieuse Ecole pourrait être envisagée. Une implantation différente ou mieux équipée d'un point de vue muséographique permettrait la présentation de documents d'archives ou de livres anciens associés aux différents domaines évoqués. C'est une des missions de la SABIX que de se faire le porte-parole d'une telle proposition auprès de la direction de l'Ecole et d'être le creuset de projets d'action de promotion autour de ces objets anciens associés à des innovations dans le même domaine scientifique.

En effet la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine de l'Ecole polytechnique, dont la conservation constitue une des missions de la bibliothèque, est à l'origine, toujours durant l'année 1986, de la création de la SABIX dont les objectifs sont la valorisation et l'enrichissement du fonds existant. Mademoiselle Carpentier, conservateur en chef de la bibliothèque est à l'origine de cette création dont Monsieur Bernard, directeur de l'enseignement et de la recherche avait eu l'idée. Madame Masson qui lui a succédé cette année-là, à la tête de la bibliothèque, s'associant à quelques bonnes volontés issues de l'Ecole, a contribué à son développement.

Outre la restauration de quelques appareils scientifiques, dont le dernier en date est la très belle balance du laboratoire de Gay-Lussac signée Fortin (actuellement en dépôt, dans le musée consacré au grand savant à Saint-Léonard-de-Noblat), la SABIX a tenté de susciter des vocations dans le domaine de l'histoire des sciences. Tel était l'objectif de l'appel lancé par Monsieur Bernard dans X Info n°56 de juin 1996, appel entendu par deux doctorants devenus de précieux collaborateurs du service Patrimoine : Louis Patard pour la chimie (Laboratoire de synthèse organique), Guilhem Gallot pour l'optique (Laboratoire d'optique quantique). Ce bulletin est l'occasion de saluer leur efficacité, leur perspicacité et leur enthousiasme pour toutes les entreprises menées avec leur aide : les deux expositions citées précédemment et la réalisation d'une première cassette vidéo : " Chronique d'une restauration : l'appareil à deux globes de verre de Gay-Lussac ", une seconde étant en cours autour de la mesure de la lumière.

Enfin, une vocation est née à l'occasion de la restauration de l'appareil de Gay-Lussac évoqué précédemment. Notre demande d'aide adressée à Yves Borrel, souffleur de verre, meilleur ouvrier de France, rattaché à la direction des laboratoire de l'Ecole, a été bien reçue. Ce dernier s'est passionné pour le travail réalisé sur les trois boules brisées de cet appareil et pour l'ensemble de la restauration qu'il supposait. M. Le Breton, restaurateur agréé d'instruments scientifiques anciens, avait travaillé sur cet objet dès 1986. C'est à lui en effet, que l'Ecole polytechnique avait confié la restauration d'une soixantaine de pièces, principalement d'optique, d'électrostatique ou d'électromagnétisme, dans le cadre d'un projet de "musée" qui devait être terminé pour la célébration du bicentenaire. Le restaurateur confirmé a bien voulu communiquer au restaurateur débutant quelques "ficelles" de ce métier qu'il pratique avec passion. La direction de l'Ecole, sollicitée par Yves Borrel, qui souhaite se reconvertir partiellement, lui a accordé l'autorisation d'organiser désormais son travail autour de deux pôles : le travail du verre et la restauration d'objets scientifiques.

Les appareils scientifiques contemporains posent problème : dès qu'un instrument n'est plus utilisé le réflexe spontané n'est pas la conservation mais l'élimination, parce qu'il est dépassé, qu'il est encombrant... Nous essayons pour la période contemporaine de préserver ce qui peut raisonnablement l'être, lorsque l'occasion nous en est donnée. Ainsi, Maurice Guéron (X 1954), directeur du laboratoire de biophysique, lors du remplacement d'un ordinateur Nova 3 de Data General, un " monstre " de 1 mètre cube (produit des années 1980) par un simple micro-ordinateur, a pensé au " musée " de l'Ecole. Il a fait don, entre autres, d'une carte mémoire à tores magnétiques de 8 kilooctets (le fin du fin dans les années 70) et de la tête de lecture/écriture du disque dur de 300 mégaoctets, qui pèse à elle seule une cinquantaine de kilos ! Le don comportait aussi des outils ayant appartenu à Jules Guéron, son père : deux règles à calcul et une machine à calcul de poche, exemples typiques des instruments qu'utilisèrent des générations d'ingénieurs, jusqu'à ce qu'ils soient brusquement supplantés au début des années 1970 par la calculette scientifique et l'ordinateur...

Ces deux témoignages montrent l'intérêt accru de l'Ecole pour son patrimoine, rejoignant les préoccupations de la SABIX ou plus exactement l'une des raisons d'être de cette association : la conservation et la mise en valeur de ses collections muséographiques. Rappelons que l'association a financé en 1997 l'inventaire d'environ trois cents pièces du patrimoine scientifique de l'Ecole dans le cadre d'une convention établie entre l'Ecole polytechnique et le ministère de la Culture, direction du patrimoine, sous-direction de l'Inventaire général et de la documentation du patrimoine. L'objectif de Madame de Fuentes, à l'origine de cette initiative, est d'obtenir le classement à l'inventaire national de ces objets scientifiques anciens, leur conférant ainsi une reconnaissance officielle et leur assurant une véritable sauvegarde.