Parmi les instruments retraçant les avancées scientifiques et techniques de l'Ecole polytechnique, se trouve un objet, qui n'a sans doute pas le même impact auprès du grand public qu'un microscope ou une lentille de Fresnel, mais dont l'importance scientifique est considérable. Cet objet d'optique est l'interféromètre de Fabry-Pérot, du nom de ses deux inventeurs et utilisateurs, Charles Fabry et Alfred Pérot, qui furent tous deux élèves puis professeurs de physique à l'Ecole polytechnique au début de ce siècle. Après une brève biographie les concernant, nous étudierons le principe de fonctionnement de cet interféromètre, et surtout le vaste champ de ses applications, avec en particulier son utilisation pour la détermination du mètre étalon, qui fut l'une des plus importantes mesures métrologiques de la première moitié du XXe siècle. Actuellement, cet interféromètre est toujours utilisé.
Alfred Perot 1863-1925, (X 1882)
Charles Fabry 1867-1945, (X 1885)
Né à Marseille en 1867, Charles Fabry entre à l'Ecole polytechnique en 1885. Il en sort en 1887 et décide de se consacrer à l'enseignement. Agrégé de sciences physiques en 1889, il est professeur dans différents lycées et arrive au lycée Saint-Louis à Paris en 1893. Docteur ès sciences depuis 1892, il est nommé en 1894 maître de conférences puis professeur de physique industrielle à la faculté des sciences de Marseille. En 1921, il obtient une chaire à la Sorbonne et prend la direction de l'Institut d'optique. En 1926, il succède à Alfred Pérot comme professeur de physique à l'Ecole polytechnique, jusqu'en 1937. Enfin, il est élu membre de l'Académie des sciences en 1927.
L'interféromètre de Fabry-Pérot est un instrument d'optique qui tire parti des propriétés de superposition de la lumière. Rappelons que la lumière peut être considérée comme l'oscillation d'un champ électromagnétique, la luminosité étant directement reliée à l'amplitude de ce champ. Lorsque deux faisceaux lumineux se superposent, leurs champs s'ajoutent. Si les maxima des champs coïncident, le champ global a une amplitude double. On dit qu'il y a interférence constructive (figure 1 à gauche). Par contre si les deux champs sont décalés de façon qu'à un maximum de l'un corresponde un minimum de l'autre, les deux champs s'annulent mutuellement. Il en résulte une interférence destructive (figure 1 à droite). Dans ce cas, les deux faisceaux lumineux créent une zone d'ombre.
Figure 1:Interférences constructives (gauche) et destructives (droite).
Figure 2:Principe de fonctionnement du Fabry-Pérot
Interféromètre de Fabry-Pérot
Les caractéristiques de ce filtre dépendent de l'épaisseur séparant les miroirs, ainsi que du pouvoir réflecteur du verre argenté composant les miroirs. Plus les miroirs sont réfléchissants et plus le filtre est sélectif. Si l'épaisseur change, les couleurs filtrées sont différentes. Ce sont ces variations qui confèrent sa grande précision au Fabry-Pérot. En effet la période des oscillations de la lumière visible est de l'ordre du micromètre (un millionième de mètre). Le Fabry-Pérot est donc sensible à des variations d'épaisseur de cet ordre de grandeur.
Nous pouvons maintenant résumer les deux grands axes d'utilisation de cet appareil. En tant que filtre très sélectif, il permet d'analyser les différentes couleurs composant la lumière. A cet effet il est employé dans le domaine de la spectroscopie. Sa grande sensibilité aux variations d'épaisseur est quant à elle utilisée pour la mesure des déplacements ou des longueurs, notamment en métrologie. C'est d'ailleurs en 1909 que fut utilisé l'interféromètre de Fabry-Pérot pour la comparaison du mètre étalon avec une lumière monochromatique.
L'idée de comparer l'unité de longueur avec une quantité physique immuable date de l'établissement du système métrique en 1795. Ainsi le mètre fut primitivement défini comme la longueur du dix-millionième du quart du méridien terrestre (1799), qui conduisit à la réalisation du premier mètre étalon. En 1889, la Conférence internationale des poids et mesures définit le mètre comme la distance séparant à 0°C deux traits parallèles tracés sur un prototype en platine iridié, et déposé au pavillon de Breteuil à Sèvres. Toute mesure de longueur consiste donc à comparer la longueur à mesurer avec l'étalon de longueur. En métrologie ordinaire, cet étalon est une règle divisée comparée plus ou moins directement avec le mètre étalon. Par contre en métrologie interférentielle, la règle de comparaison est un rayon de lumière monochromatique, c'est-à-dire composé d'une couleur pure. Les avantages sont nombreux. Tout d'abord, la précision obtenue est très grande à cause de la petitesse de la longueur d'onde de la lumière (l'espacement de deux maxima successifs). D'autre part, une fois la comparaison effectuée entre une couleur de référence et le mètre étalon, chacun aura à sa disposition une règle divisée de grande précision.
Les premières comparaisons entre une longueur d'onde de référence et le mètre étalon datent de la fin du XIXe siècle, et furent réalisées par M. Michelson en 1893 au Bureau international des poids et mesures. En 1909, Charles Fabry et Alfred Pérot utilisèrent leur interféromètre pour améliorer sensiblement la précision des mesures.
Le principe est le suivant : il s'agissait de construire un appareil qui fût à la fois un étalon métrologique de 1 mètre de long, directement comparable au mètre étalon, et un étalon optique mesurable en longueur d'onde de la raie rouge du cadmium. Cet appareil se compose, comme les interféromètres de Fabry-Pérot, de deux lames planes argentées parallèles, séparées de 1 mètre, et appliquées aux extrémités d'une barre d'Invar en forme de U. Cet étalon est comparé avec une copie du mètre étalon, et simultanément mesuré en longueurs d'onde. La détermination en longueurs d'onde n'est cependant pas immédiate, car il était impossible de l'effectuer directement avec une distance de 1 mètre séparant les lames. Une série de quatre interféromètres supplémentaires, construits sur le modèle précédent, fut nécessaire. Ces étalons avaient des longueurs procédant environ par moitié, ayant par suite environ 50, 25, 12,5 et 6,25 centimètres de longueur. Par un procédé interférométrique, il était possible de comparer avec une très grande précision, les longueurs de deux de ces interféromètres successifs.
La série des étalons Fabry-Pérot.
Vue d'ensemble du rouage expérimental.
Elles établirent que le mètre contient 1 553 164,13 fois la longueur d'onde de la raie rouge du cadmium, avec une précision d'environ le dix millionième, soit avec un écart de 0,1 mm sur le mètre. La précision obtenue est la même que celle des règles définissant le mètre étalon.
Par la suite, la précision des comparaisons du mètre en longueur d'onde fut telle que la définition du mètre changea en 1960 pour devenir la longueur égale à 1 650 763,73 longueurs d'onde, dans le vide de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux 2p10 et 5d5 de l'atome de krypton 86. De nos jours, le mètre n'est plus défini par une longueur d'onde, mais depuis 1983 par rapport à la distance parcourue par la lumière en une seconde.
Benoit (J.-R.), Fabry (Ch.) et Pérot (A.). Nouvelle détermination du rapport des longueurs d'onde fondamentales avec l'unité métrique. Paris : Gauthier- Villars, (1909-1910).
Dictionnaire des inventeurs et inventions . Paris : Larousse, 1996.