Ce texte a été publié dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1897.
Laugier (Auguste-Ernest-Paul) fils du chimiste [André Laugier (1770-1832) cousin de Fourcroy auquel il succède en 1811 au Muséum, puis successeur de Vauquelin comme directeur de l'Ecole de pharmacie en 1829], frère du chirurgien qui fut, comme son frère aîné, membre de l'Académie des Sciences, est né à Paris en 1812.
Entré à l'Ecole Polytechnique en 1832, il en sortit, en 1834, pour entrer à l'Observatoire comme élève-astronome, sous la direction d'Arago. Plus tard, il remplaça son ancien professeur Savary à l'Académie des Sciences, en 1843, et fut attaché à cette date au Bureau des Longitudes, dont il devint membre titulaire en 1862. Il fut nommé, en 1848, examinateur à l'École navale.
Le monde savant a apprécié ses travaux: des observations astronomiques, qui sont des modèles de précision et de conscience; des recherches originales sur les nébuleuses, qui serviront plus tard à en déterminer les mouvements propres; d'autres sur les étoiles fondamentales.
Signalons ses études, si fines d'érudition, qui lui ont fait découvrir, jusque dans les antiques Annales des dynasties chinoises, les premières, les précieuses traces de la comète fameuse de Halley, et ces mesures si délicates d'optique et de magnétisme pour lesquelles son illustre maître Arago recourait si volontiers à son habileté consommée.
Mais il faut parler aussi, plus que Laugier ne l'a fait lui-même, de son Mémoire sur la rotation du Soleil et de ses belles mesures des taches. Longtemps on n'avait considéré ces études que comme un thème d'exercice pour les jeunes astronomes. Delambre, l'illustre secrétaire perpétuel de l'Académie, assurait qu'il n'y avait rien de plus à en tirer. Aussi n'y vit-on d'abord que l'habileté ordinaire de l'auteur et le courage avec lequel il avait poursuivi ses observations, si dangereuses avant la découverte toute récente des procédés qui ont fini par les rendre inoffensives, et où chaque jour, en effet, il risquait de se brûler les yeux, lorsque les verres protecteurs dont il se servait venaient à éclater par l'effet de la chaleur solaire. Mais plus tard une appréciation plus exacte s'est produite, à l'étranger d'abord ; d'autres astronomes ont suivi ses traces ; une branche nouvelle de la Science a pris naissance sur le terrain qu'il avait commencé à explorer, et elle s'est développée rapidement, mais à une époque où Laugier était forcé d'abandonner l'Observatoire à la mort d'Arago.
Cependant il ne cessa d'occuper ses loisirs comme membre du Bureau des Longitudes en calculant, avec Mathieu, dont il avait épousé la fille (si célèbre par son dévouement à son oncle Arago), tous les éléments qui ne pouvaient être confiés à des calculateurs ordinaires. Disons aussi que c'est à lui qu'est due la grande entreprise des méridiens fondamentaux pour lesquels Laugier avait obtenu la participation d'officiers de marine dévoués à la Science, et qui plus tard prit un développement inespéré par l'intervention de l'électricité dans les déterminations des longitudes géographiques.
Laugier a été toute sa vie un modèle de droiture. Caractère froid en apparence, toujours calme et réservé, il était au fond excellent, sympathique et surtout infaillible dans l'honneur, le type achevé des qualités polytechniciennes.