Quel est le fils Crozet qui est entré à l'Ecole polytechnique ? La question semble absurde et pourtant, la réponse n'est pas simple.
En effet, le registre matricule de l'Ecole polytechnique fait mention d'un Benoît Crozet, X.1805, né le 27 décembre 1788. Or, le Crozet de la promotion 1805 a fait carrière aux Etats-Unis après la chute de l'Empire ; mais là, il est connu sous le nom de Claude. On a longtemps pensé que , touché par la mode antiquisante, Benoît avait transformé son prénom en Claude ou Claudius. Mais le Claude ou Claudius Crozet, connu aux Etats-Unis est né le 31 décembre 1789. Une vérification s'imposait sur les registres de baptême de Villefranche-sur-Saône, ville natale de Benoît/Claude Crozet.
On y trouve deux actes de baptême :
"Le second janvier mil sept cent quatre-vingt dix a été baptisé Claude, fils légitime du sieur François Crozet, bourgeois de cette ville et de Pierrette Varion, né avant-hier."
Il y a bien eu un Benoît Crozet et un Claude Crozet. L'Ecole polytechnique connaît Benoît, les américains connaissent Claude. Un seul a "fait" Polytechnique.
On peut supposer que les américains ont demandé, et obtenu, de Crozet directement, les informations sur son prénom et sa date de naissance. Dans ce cas, le polytechnicien serait bien Claude, né le 31 décembre 1789.
Mais alors, comment expliquer Benoît ? La consultation des registres d'état civil nous a donné la réponse : Benoît est mort dans sa première année, ainsi qu'en témoigne l'acte de décès trouvé dans les archives de la commune d'Arnas, proche de Villefranche :
Selon une coutume fréquente, on aurait redonné son prénom à son frère qui, baptisé Claude, aurait été en réalité nommé Benoît ou Benoît-Claude, le second prénom l'ayant emporté sur le premier après le passage à l'Ecole polytechnique.
Mais pour expliquer la date de naissance de Benoît, 27 décembre 1788, inscrite sur le registre matricule de l'Ecole, on doit avoir recours à une double négligence : Benoît-Claude s'est présenté sous le seul prénom de Benoît ; sa famille, installée à Paris en 1805, ou même l'administration de l'Ecole, demandant un certificat de naissance pour Benoît Crozet, aurait très normalement reçu celui de Benoît, né le 27 décembre 1788, ce qui explique la teneur du registre matricule, s'il n'y a pas eu de vérification.
C'est ainsi qu'on trouve enregistré au registre matricule comme polytechnicien de la promotion 1805 un enfant né en 1788 et mort en 1789 ..., et personne, pas même Claude Crozet, n'a semble-t-il, essayé de rectifier cette erreur.
Il faut souhaiter qu'une telle situation soit unique, et qu'elle n'amoindrira pas la fiabilité des registres matricules, car que deviendraient les généalogistes qui utilisent les informations fournies par ces registres pour remonter des lignées ?
Reste que le polytechnicien Crozet semble donc bien être Claude, né un 31 décembre 1789 et baptisé un 2 janvier 1790. Il ne serait pas abusif de célébrer son bicentenaire cette année...