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Sommaire du bulletin 23
 

LAZARE CARNOT ET LE GRAND COMITE DE SALUT PUBLIC



Photo : Patrice Maurin-Berthier
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

On lit au bas de son portrait :
Appuie de toute son influence au Comité de Salut public la création de l'Ecole polytechnique.
Le rôle de Carnot est ainsi résumé en une phrase qui a le mérite de rappeler que la volonté fondatrice ne fut pas celle d'un seul homme : ni Monge ni Carnot, ni Prieur et encore moins Lamblardie - mais celle du « collectif» - pour prendre le terme moderne - qui assumait alors les pleins pouvoirs que lui avait délégués la Convention Nationale depuis août 1793 et qu'elle lui renouvelait chaque mois.

Le grand Comité de l'an II

Cette collégialité du Comité de Salut public, écrit un de ses historiens, « n'était pas une vaine formule. Entre le Comité et ses membres, les liens étaient si forts qu'ils s'oubliaient en lui. L'erreur des thermidoriens fut de rompre cette unité. La nôtre, qui n'est pas moindre, consiste à rechercher des personnalités à travers une œuvre collective ». Et Prieur de la Côte d'or écrivait en 1818 pour protester contre la tendance à donner au seul Monge l'exclusivité du titre de fondateur de l'Ecole polytechnique : « La circonstance de la formation de cette Ecole n'a pas été amenée par le désir de personne en particulier ; elle n'a même pas été prévue. Elle a été forcée par le cours des événements ». Le cours des événements, c'est le Comité de Salut public qui le dirigeait - ou qui y faisait face - et si ses membres avaient évidemment des attributions spéciales dans un secteur précis (comme la conduite des opérations militaires par Carnot, ou l'organisation de l'armement par Prieur), ils assumaient collectivement les décisions. Chaque arrêté du Comité était revêtu de la signature, non seulement de celui qui l'avait inspiré ou rédigé (souvent de sa propre main), mais de cinq autres membres au moins.

Ces hommes « capables et probes, laborieux et autoritaires » ( G. Lefebvre ), tenaient séance depuis le matin fort tôt jusqu'au soir fort tard. Carnot, Prieur et Lindet, qu'on baptisait les « travailleurs », étaient les plus assidus, chargés principalement de la guerre et des approvisionnements. Mais on y décidait aussi, bien sûr, des affaires politiques que rapportaient les triumvirs ( Robespierre, Saint-Just et Couthon ) et c'est le Comité tout entier qui assumait la responsabilité collective de la marche de la Révolution à travers la Terreur et ses condamnations dramatiques - n'oublions pas Lavoisier. Carnot a signé l'arrêté de mise en accusation de Danton, celui de Lucile Desmoulins. Plus tard, lorsque la Convention thermidorienne fit le procès des terroristes et des membres du grand Comité, très courageusement, il ne voulut pas se désolidariser de ses collègues et rappela que leur responsabilité était collective. Et si la Convention renonça à le poursuivre, c'est parce que, de son banc, un député s'écria : « C'est Carnot qui a organisé la victoire ». Le mot (au contraire de bien d'autres mots historiques, il fut véritablement prononcé ! ) passa à la postérité pour la gloire de Carnot.

A la fin de l'été 1793, peu après la constitution du grand Comité, la situation militaire était catastrophique. Les coalisés investissaient Maubeuge, assiégeaient Landau, menaçaient Strasbourg. A l'ouest, en Vendée, les insurgés étaient maîtres du terrain. Les troupes de la République, recrutées au printemps de 1793 en application de la loi de « levée en masse », n'étaient ni équipées, ni instruites. Carnot et Saint-Just, en mission l'un dans le Nord, l'autre dans l'Est, réussirent à stabiliser la situation avant l'hiver : ce fut la victoire de Wattignies ( 16 octobre 1793) gagnée par Jourdan et Carnot, celle de Landau remportée par Hoche. Mais la menace mortelle n'était pas conjurée : lorsque vint le printemps et que les opérations de grande envergure reprirent, il fallut que les armées de la République repoussent et vainquent définitivement l'ennemi. C'est ce qu'elles feront, mais ce sera l'aboutissement de l'effort gigantesque d'armement et d'organisation que dirigera le grand Comité pendant tout l'hiver 1793-1794.

Au Comité, Carnot et Prieur, tous les deux sortis de l'Ecole du Génie de Mézières, étaient les seuls à avoir une formation scientifique et technique ; leurs collègues étaient tous des avocats ou des juristes. Devant l'urgence, c'est eux qui assumèrent la responsabilité d'équiper et d'armer les « soldats de l'an II ». Ils avaient des amis, républicains convaincus ou « hommes de gauche » comme eux, qui avaient fait partie de cette élite scientifique parisienne si brillante à la fin de l'Ancien Régime. Patriotes, on pouvait compter sur eux pour qu'ils consacrent toutes leurs forces à l'effort de guerre.

Guyton de Morveau, ami intime de Prieur, conventionnel ; Monge, le professeur de Mézières, révolutionnaire convaincu et premier ministre de la Marine de la République, mais retiré des affaires politiques auxquelles, à vrai dire, il n'entendait guère ; Hassenfratz, chimiste et métallurgiste, un vrai républicain lancé dans la politique la plus virulente, qui avait participé à l'investissement de la Convention par la Commune de Paris pour exiger la mise hors la loi des Girondins ; Fourcroy, professeur éloquent et chimiste de valeur, député de Paris à la Convention depuis l'assassinat de Marat ; Berthollet, dont on dit qu'il était à l'époque le meilleur chimiste français après Lavoisier, qui se tenait, lui, à l'écart de la vie politique, mais adhérait à l'idéal révolutionnaire : tous avaient fréquenté avant 1789 à l'Arsenal chez Lavoisier ou à l'Académie, tous figuraient parmi les dix fondateurs des « Annales de Chimie », la nouvelle revue lancée en 1789.

C'est donc une véritable équipe, au sens fort du mot tel qu'on l'emploie aujourd'hui dans les laboratoires de recherche, qui se mit au travail pour décupler, de toute urgence, la production des armements.

L'insuffisance de l'encadrement technique, tant dans les ateliers que dans les travaux de génie militaire, apparut, elle aussi, évidente. Les écoles d'ingénieurs ou d'officiers de l'Ancien Régime avaient disparu. On adopta un premier palliatif en lançant un cycle d'un mois de « formation accélérée » sur la fabrication de la poudre et des canons : ce furent les « cours révolutionnaires » de pluviôse an II (février 1794) dont les professeurs furent ces mêmes savants, de cette même équipe. Il fallait continuer en organisant un recrutement régulier, en ouvrant, en un mot, une école d'ingénieurs : c'est ainsi que dès ventôse an II (mars 1794), fut lancé le projet de l'Ecole centrale des Travaux publics : comme dit Prieur, le projet avait été « forcé par le cours des événements » ; les agents d'exécution s'en trouvèrent naturellement dans l'équipe qui travaillait avec lui.

Ainsi se distribuent clairement les rôles, en cette période critique du printemps de l'an II. La volonté politique - une volonté aussi ferme que terrible ... - émanait du grand Comité. S'agissant de la conduite de la guerre, c'est Carnot qui incarnait cette volonté, et c'est à juste titre qu'on le crédite de la création de l'Ecole polytechnique.

On ne le trouvera, pour autant, jamais sur le devant de la scène quand il s'agira d'organiser ou de pourvoir matériellement l'Ecole : c'est Prieur, - son jeune « second » ( bien qu'il n'y ait dans le collectif aucune hiérarchie ! ) - qui en est chargé. Le scrupuleux historien de l'Ecole qu'est Fourcy ne cite d'ailleurs qu'une seule fois le nom de Carnot - alors que celui de Prieur revient sans cesse.

Et la conception de la nouvelle école est typique des idées de Carnot, ingénieur militaire, savant mécanicien, expert en fortification. Il savait que la République avait besoin de savants pour le service de la Nation, et qu'il fallait donc les former. Il voulait que les responsabilités, jusqu'aux plus hautes (comme les siennes), soient confiées aux « hommes à talents ». Et, comme il l'écrira à la fin de sa vie « les fonctions ne doivent être confiées qu'à des personnes dont l'aptitude a été constatée par des examens ». La mission de l'Ecole telle qu'elle a été définie et confirmée de nombreuses fois depuis deux cents ans, tout comme les conditions de son recrutement, portent la marque de Carnot, auprès de qui Prieur et Monge même font figure d'exécutants.

Carnot, officier du génie.

Il est temps de nous arrêter maintenant devant le portrait de cet homme violent, autoritaire, d'une droiture exemplaire et d'une probité sans faille. C'est le seul des portraits de Colin qui porte l'épaulette. Il nous présente un Carnot rajeuni par une perruque qui le coiffe « à la Titus » ( Carnot avait la calvitie de la quarantaine), en tenue de général, simple chevalier de la Légion d'Honneur. Ce n'est pas l'extérieur du Carnot de l'an II, encore moins du Directeur de l'an V, mais celui du Carnot de retour d'exil après que le 18 brumaire eût effacé les suites de Fructidor, du Carnot nommé général par Bonaparte, ministre éphémère du début du Consulat mais qui, sous l'Empire, restera républicain. En fait, en dépit de l'anachronisme, le peintre a vu juste : Carnot est d'abord un officier, et c'est bien cette tenue qu'il doit revêtir pour l'Ecole polytechnique.

Carnot était entré dans le corps royal du Génie militaire en passant par l'Ecole de Mézières. Le concours d'entrée à Mézières était assez difficile. Recalé une première fois, il avait été reçu l'année suivante, 3ième sur 12 admis, parmi 86 candidats. C'était l'abbé Bossut, un mathématicien connu, membre de l'Académie des Sciences et professeur à Mézières - nous le retrouverons à propos de Monge - qui faisait passer l'examen où l'on devait évidemment faire preuve de solides connaissances en mathématiques.

Mais avant de se présenter au concours, il fallait y faire admettre sa candidature et Mézières, qui ouvrait une carrière dans l'armée, était réservée aux nobles ou aux fils d'officiers. Situation typique de la fin de l'Ancien Régime où dans les barrières qui cloisonnaient la « société à ordres » héritée du haut Moyen Age, la monarchie avait progressivement ménagé quelques passages : sans « naissance », on pouvait devenir noble en accédant à certains emplois, et notamment, en servant dans l'armée du roi ; mais ce portillon était trop étroit devant une demande de plus en plus importante, car la prospérité générale aussi bien que la forte croissance démographique de cette seconde moitié du siècle multipliaient le nombre de candidats intelligents et compétents, mais roturiers.

Le père de Carnot, un notaire bourguignon, n'était ni noble ni officier. Il avait donc fallu avoir recours à la faveur pour forcer la porte. C'est un protecteur de la famille, le duc d'Aumont, qui s'en chargea, et, en lui faisant octroyer les « lettres d'examen » pour Mézières, ouvrit la voie d'une carrière noble à Carnot - qui sera d'ailleurs, avant la Révolution, un « M. de Carnot », cependant que son frère, officier comme lui, entré à Mézières grâce au même protecteur, sera « M. de Feulint ». Il est fort probable que ce curieux mélange d'appel à la compétition par concours et de recours à la faveur fit réfléchir le jeune homme et contribua à accentuer un des traits les plus fondamentaux de son caractère : Carnot, fier de ses capacités et assez orgueilleux intellectuellement, a toujours estimé, nous l'avons dit, que les premières places doivent revenir à ceux que son siècle appelait les « hommes à talents ». Compétence, intelligence, valeur personnelle, voilà, pensait-il, ce dont l'Etat a le plus besoin pour son service. La naissance noble, - pas plus que, plus tard, la réputation de sans-culotte - ne confère aucun privilège. Il faut des militaires pour conduire les opérations de guerre, des « artistes » pour fabriquer des fusils, des chimistes pour faire de la poudre ou gonfler des aérostats : Carnot qui est lui-même d'ailleurs ingénieur et savant est un champion du « professionnalisme ». D'où cette caractéristique essentielle de l'Ecole polytechnique : un concours d'entrée et un recrutement ouverts à tous sans distinction d'origine. Une pépinière pour les « hommes à talents ».

Le mot « élitisme » revient souvent dans les critiques de l'Ecole pour mettre en accusation une impartialité qui ne serait que formelle, étant entendu que les origines sociales ou familiales des candidats, si elles ne sont pas prises en compte officiellement dans un concours qui se pique d'anonymat, jouent en fait un rôle important, autant par les facilités plus ou moins grandes que leur donnent un milieu « aisé » que par la conformité de certains programmes du concours avec les traditions culturelles dudit milieu.

A part quelques détails, maintenant hors d'âge, comme l'épreuve de latin demandée au concours au XIXème siècle ou les points supplémentaires accordés aux titulaires de baccalauréats de lettres, ces critiques dénoncent en fait l'organisation scolaire française autour du baccalauréat et l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, plutôt que l'Ecole polytechnique elle-même. Si celle-ci est bien « élitiste », c'est au sens qu'elle cherche à recruter et à former ceux qui devraient assumer des responsabilités au sein de ce qu'il est convenu d'appeler « l'élite » du pays - sous réserve, bien sûr, qu'ils en aient montré, en pratique, les capacités, aucun diplôme ne conférant en soi, un droit d'accès à cette « élite ». C'est toujours l'idée de Lazare Carnot : choisissons ceux qui sont capables de devenir des « hommes à talents », et, s'ils font effectivement leurs preuves comme tels, confions-leur les emplois où ils donneront leur mesure.

Depuis sa sortie de Mézières jusqu'à la Révolution, Carnot se révéla un brillant ingénieur militaire, très attaché à son métier d'officier du corps royal du Génie, prenant part aux réflexions sur les techniques de la fortification et leur usage dans la guerre. Il écrivit un « Eloge de Vauban » qui lui valut une médaille de l'Académie de Dijon - alors académie provinciale de grand renom, qui avait lancé, en son temps, J-J. Rousseau. La forteresse est pour lui, selon la doctrine de l'époque, le point d'appui essentiel dans tout conflit armé, qui se solde finalement par la conquête ou la perte de places fortes. La défense ou l'attaque d'une place est au centre de l'art militaire. Ceci explique, incidemment, que Carnot, lorsqu'il fut chargé de diriger les armées en 1793, ait considéré comme une trahison majeure, une forfaiture, le fait que certains officiers émigrés à l'armée des Princes aient remis aux alliés les plans des forteresses françaises. Selon les idées du temps le concept de « Nation » s'était progressivement affirmé en l'esprit de Carnot et pour lui, de façon très concrète, la « Nation » était gardée par ses forteresses : en donner les clés à l'ennemi était le pire des crimes.

D'où la dureté de Carnot en l'an II, sa rigueur non seulement dans la guerre contre l'ennemi extérieur, mais dans le combat contre l'ennemi intérieur ; sa solidarité avec ses collègues du Comité qui menaient la lutte politique à Paris contre le « complot » contre-révolutionnaire, et aussi sa sévérité dans la guerre de Vendée. C'est lui en effet qui avait sous sa responsabilité l'armée de l'Ouest engagée dans la répression de l'insurrection vendéenne. On ne veut pas lui imputer les horreurs de cette guerre civile, les noyades de Nantes, le ratissage sanglant de la Vendée par les « colonnes infernales » du général Turreau en pluviôse de l'an II, et l'on se souvient plutôt de Kléberet de Marceau, qui menaient bataille contre l'armée vendéenne et non contre les femmes et les enfants. Mais c'est Carnot qui ordonna la sévérité et l'usage de la force. C'est lui qui écrivit à Turreau, en pluviôse : « exterminer les brigands jusqu'au dernier, voilà ton devoir ». L'autorité de la République devait être maintenue : on poursuivra les prêtres réfractaires « non comme prêtres, mais comme rebelles ou factieux ». Il maintint cette ligne rigoureuse même après que l'insurrection ait été militairement anéantie - seule continuant une guérilla de coups de main - en autorisant, en juin 1794, la destruction de Saint-Florent-le-Vieil. Mais il écrira peu après : « Nous n'avons qu'un seul but, celui de terminer enfin l'horrible guerre de la Vendée, objet dont on s'écarte également soit par une lâche indulgence, soit par des exécutions qui, en frappant sur la faiblesse, ne pourraient que révolter la justice et l'humanité ».

Un grand homme, au-dessus du commun.

Carnot n'était pas un idéologue, ni un orateur de club. Ce n'était pas non plus, du tout, le jacobin « charismatique » (si l'on peut se permettre d'allier les deux mots), incarnation de la Révolution en marche par la volonté du peuple, dont les derniers et plus émouvants modèles furent Saint-Just et Robespierre. Il est froid, courageux - il le montre lors de ses altercations avec Robespierre -, positif, trop dédié à sa tâche écrasante pour donner dans une rêverie philosophe : on l'imagine très mal à la fête de l'Etre suprême, le 20 prairial, suivant la procession, bouquet de fleurs à la main, derrière Robespierre qui menait le cortège ... Y fut-il ? ... Homme de grand caractère et d'autorité, l'exercice du pouvoir, dans le domaine où il se savait compétent, n'était pas pour lui faire peur, mais l'ambition personnelle n'était pas son mobile principal. Il le prouvera plus tard lorsque, sous le Directoire, il ne se mêlera pas à l'intrigue et sera éliminé par Barras. Et plus encore sous le Consulat, lorsque loin de flatter le nouveau maître, il votera avec ostentation - et discours à l'appui - contre l'établissement de l'Empire. Le service de la Nation était sa première loi, le bien public sa première norme. « Cet homme, écrit Michelet, aima tant la patrie, il eut un désir si violent de sauver la France...».

Former des officiers, des ingénieurs militaires, des serviteurs de l'Etat animés du même dévouement et faisant passer l'accomplissement de leur devoir avant toute considération personnelle, telle devait être son intention en « soutenant de toute son autorité auprès du Comité de Salut public » le projet d'Ecole centrale des Travaux publics, mais sans apparaître nommément, nous l'avons dit, dans aucun des discours ou des écrits fondamentaux : c'est Barère - le porte-parole habituel du Comité auprès de la Convention - qui fait, en ventôse an II, le premier rapport proposant la création de cette « Ecole centrale ». C'est Prieur qui signe les arrêtés mettant en place progressivement, avant thermidor an II, les moyens nécessaires au fonctionnement de la future Ecole. C'est Fourcroy enfin qui présentera à la Convention, en vendémiaire an III, le projet de décret portant création et organisation de l'Ecole. Plus tard, que ce soit à la Convention thermidorienne ou lorsqu'il devint Directeur, on ne voit pas de marque positive de l'intérêt de Carnot pour l'Ecole, pas de visite, ni de présence aux Conseils.

Tout se passe comme s'il comptait sur son émule et ancien collègue, Prieur, pour en être le protecteur et le gardien. Carnot se tient en quelque sorte en retrait. Et cependant Marcel Reinhard, dans son excellente biographie de Carnot, n'hésite pas à le qualifier de « fondateur de l'Ecole polytechnique ». Et ce titre - qu'il partage, nous le savons, avec d'autres - ne lui est pas seulement attribué parce que l'impulsion originelle, au plus haut niveau de l'Etat, est venue ( probablement ) de lui, mais parce que cette Ecole se reconnaît en Carnot et que Carnot se reconnaît en elle. A travers toutes ses vicissitudes et son histoire complexe, elle a gardé les traits essentiels du caractère de Carnot. Lorsque, en 1804, en militarisant l'Ecole ( Carnot est alors loin des allées du pouvoir ) on lui forgera une devise, ce sera pour y inscrire, comme d'instinct, les vertus majeures de Carnot : le patriotisme et la foi en la science.


Emmanuel GRISON

Biographie

Marcel Reinhard. Le grand Carnot. 2ème éd. Paris : Hachette, 1994, VIII - 709 p.


Le Grand Carnot
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