La SABIX
Bulletins déja publiés
Sommaire du bulletin n. 12
 

LA TRANSCRIPTION DES REGISTRES DU CONSEIL DE L'ECOLE

 

LA COPIE DES REGISTRES

Outil de travail essentiel pour l'historien comme pour le curieux de détails généalogiques, ces précieux registres, bien qu'écrits heureusement sur un papier d'excellente qualité, commencent à accuser la fatigue d'avoir été feuilletés par d'innombrables mains. Une première précaution a été prise pour leur conservation : ils ont été photographiés en microfiches, mais la consultation de celles-ci n'est pas très aisée. En outre l'exploitation de cette source documentaire requiert, pour éviter qu'on la feuillette indéfiniment, des tables d'index des noms et, si possible, des sujets. Il fallait pour cela transcrire d'abord le manuscrit en une copie reproductible.

C'est ce qu'accepta de faire le colonel E. L. Dooley, adjoint au général commandant le Virginia Military Institute de Lexington (USA). De passage à l'Ecole polytechnique où il était venu consulter les archives en vue d'un travail sur l'histoire de la fortification(1), E. L. Dooley, pour reconnaître le bon accueil de nos archivistes, proposa, dans un mouvement d'heureuse imprudence, de saisir sur support informatique le contenu des deux registres, dont il emporta un exemplaire des microfiches avec lui. Voilà ce qu'écrivit plus tard à ce propos E. L. Dooley :

"c'est vrai qu'il m'a fallu presque trois ans pour mener ce travail à bien en raison de la difficulté de lecture de l'écriture qui se trouve dans le Registre, que j'ai déchiffré chez moi à partir de microfiches, en raison aussi de mon peu de temps disponible quotidiennement, mais surtout à cause de ma faiblesse en français et surtout en français du XVIIIe siècle ! Après trois ans de travail de bénédictin, ce copiste vous présente six cents pages qui permettront une consultation beaucoup plus commode, sans recours sytématique à l'original qui sera ainsi préservé. C'était le but de mon travail et le voilà enfin réalisé".

Pendant ces trois ans (1988-1991), de premières recensions furent faites en confrontant avec l'original la copie de E. L. Dooley : après deux ou trois allers et retours pour corrections, celui-ci put envoyer à l'Ecole un copie "définitive" sur support informatique. Elle fut reprise, mise en page, vérifiée encore par deux recensions complètes et assortie finalement des index des noms et des sujets : il a fallu deux ans à ce nouveau "travail de bénédictin" auquel mirent la main de nombreux collaborateurs de la Bibliothèque de l'Ecole polytechnique.

 

LES DEUX REGISTRES "AN III - AN VII" DU CONSEIL DE L'ECOLE POLYTECHNIQUE

Deux registres manuscrits distincts, réunis plus tard sous la même reliure, rassemblent les procès-verbaux du Conseil de l'Ecole centrale des travaux publics, bientôt devenue "polytechnique". Les folios du premier sont "cotés et paraphés" de la main de Lagrange, premier président du Conseil et vont du 14 frimaire an III (4 décembre 1794) au 22 nivôse an VII (11 janvier 1799). Ceux du registre 2 sont paraphés par Monge, commencent un peu plus tard (20 pluviôse an III = 8 février 1795) et s'achèvent vers la même date que le registre 1 (28 nivôse an VII = 18 janvier 1799).

Pourquoi deux registres parallèles pour les réunions du même organisme? Parce que Monge qui avait succédé à Lagrange comme président du Conseil le 1er pluviôse (21 janvier 1795) fit remarquer que le Conseil avait "deux objets principaux et très distincts ; l'un est relatif à l'instruction et aux sciences, l'autre concerne l'administration et la police de l'Ecole". Comme le Conseil tenait deux séances par décades, il proposa de consacrer alternativement l'une aux décisions administratives (chaque "quintidi"), l'autre à la discussion sur "les objets relatifs aux sciences" (le décadi). "Il y aurait un registre particulier pour ces deux sortes de séances". Ce qui fut fait, et devait durer quatre ans.

Mais, si les registres furent bien séparés, l'espoir de Monge que leur contenu serait différent, l'un administratif et l'autre scientifique, fut bien vite déçu. On trouve bien, au début du registre 2, après un bel exposé de Monge sur l'enseignement de la géométrie descriptive, quelques commentaires de Guyton sur la combustion du soufre ou sur un nouvel eudiomètre, mais bientôt les deux registres seront envahis par les multiples décisions de la vie courante : autorisations de congé pour les élèves, achat de livres pour la bibliothèque, réponse aux dépêches du ministre, prescriptions règlementaires aux "artistes" (les employés de l'École), aux aides de laboratoire, aux chefs de brigade, etc...

L'uniformisation fut encore accentuée lorsque le professeur de dessin, Neveu, remarqua que les jours choisis pour le Conseil étaient bien peu commodes : le quintidi, l'Ecole faisait un peu "relâche" et le décadi était jour de repos officiel. Neveu se plaint "que les instituteurs et administrateurs ne se trouvent pas avoir un jour de libre dans la décade, que par là ils sont privés de pouvoir vaquer à leurs affaires. Il propose de les fixer désormais aux duodi et octidi de chaque décade". Ce qui fut accepté : le registre 1 sera dorénavant celui des octidis, le registre 2 celui des duodis.

Si l'on veut suivre la vie de l'Ecole, il faut donc constamment passer d'un registre à l'autre. On y sera aidé par la table chronologique qui figure en tête de la transcription. Cette table fut probablement dressée lors du dépôt aux archives des deux registres manuscrits, "dépôt ordonné dans la séance [du Conseil de Perfectionnement] du 27 messidor an X" (16 juillet 1802) et qui préluda à la réunion des deux manuscrits en un seul volume. Nous avons ajouté -en annexe - une table chronologique du même type, mais où nous avons fait figurer en outre pour chaque séance la date correspondante du calendrier grégorien, et le folio où sont enregistrés les émargements des participants à la séance. Les feuilles d'émargement où sont rassemblées les signatures se trouvent en effet en divers folios des registres, pas du tout en ordre chronologique. Les signatures ont été déchiffrées sans peine et rangées en ordre alphabétique pour une consultation plus facile des présents à la séance.

La table chronologique permet de constater d'un coup d'oeil que le rythme soutenu de deux séances par décade ne fut maintenu que jusqu'au début de l'an V (fin 1796), mais qu'à partir de 1797 l'indication "point de séance" devient de plus en plus fréquente : le Conseil ne s'est réuni que 48 fois en l'an VI, contre 76 fois en l'an IV.

 

PRÉSENTATION DE LA TRANSCRIPTION

Nous avons choisi de faire une copie aussi identique que possible à l'original. Corriger celui-ci, pour l'orthographe, la ponctuation ou pour tout autre raison, aurait introduit dans la source documentaire une appréciation personnelle, donc critiquable. On ne s'étonnera donc pas d'y trouver les fautes d'orthographe du secrétaire-écrivain [cf. 2, 18] (peut-être un employé administratif sous les ordres du secrétaire du Conseil signataire de chaque procès-verbal), les abondantes majuscules de son graphisme (nous n'avons supprimé que les S initiaux qui relèvent plus du tour de main que de la volonté d'écrire une majuscule), les mots répétés par inadvertance, l'orthographe phonétique de certains mots. Il y eut d'ailleurs plusieurs secrétaires-écrivains, au long de ces quatre années, plus ou moins lisibles, plus ou moins doués pour transcrire correctement les noms propres. C'est ce qui a souvent compliqué l'établissement de l'index des noms, qui sont très couramment déformés : on y a suppléé par de multiples entrées (ex. : Jonet, voir Jaunez) et en répétant derrière le nom correct ses diverses variantes (ex. : Welter [Velter, Vetter, Welther]).

Le texte du registre est généralement continu. Néanmoins nous y avons introduit des séparations pour mieux distinguer les sujets traités.

Les mots biffés, lorsqu'ils étaient lisibles, ont été mis en accolades. Les quelques mentions en marge ont été inscrites entre deux croix. Les lettres ou mots évidemment manquants sont restitués entre crochets. C'est ainsi qu'en tête de chaque folio figure seulement un numéro et le paraphe L ou M selon qu'il s'agit du registre 1 ou 2 : nous avons restitué partout : [Folio] L[agrange] ou M[onge].

Les feuilles d'émargement ne suivent pas l'ordre chronologique, mais sont rangées dans notre transcription, selon l'ordre des folios des registres : on pourra se reporter à la table chronologique annexe, où est indiqué pour chaque séance le folio correspondant de la liste d'émargement.

Le Conseil, comme l'Ecole, est très républicain : on n'utilise strictement que le calendrier révolutionnaire ; on n'y trouve de dates "vieux style" que pour commémorer le 10 août 1792 ou le 21 janvier 1793 : par exemple on trouve à la date du 2 pluviôse an V : "il n'y a pas de séance le 2 pluviôse à cause de la fête du 21 janvier (V : S :)"). Mais le secrétaire, apparemment, devait contrarier son naturel, car il hésite entre "octodi" et "octidi", "nonadi", "nonodi" et "nonidi". L'appellation "citoyen" abrégée en Cen est, bien sûr, universellement employée, qu'il s'agisse de ministres, de représentants du peuple, de fournisseurs ou d'élèves de l'Ecole. Là aussi, il fallait peut-être réagir contre le retour des vieilles habitudes puisque le Conseil crut nécessaire de préciser dans le règlement intérieur décrété le 28 brumaire an VII (18 novembre 1798) que "le seul titre de citoyen sera entendu dans l'enceinte de l'Ecole".

Emmanuel GRISON


NOTES ET REFERENCES

1 - Cf. Bulletin de la SABIX n° 6.