Ce texte a été publié dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1897.
Dandelin, par sa nationalité définitive comme par le développement de sa carrière, appartient régulièrement à la Belgique; mais la France, pour laquelle, à deux reprises, il a vaillamment exposé sa vie, et l'Ecole Polytechnique, où il s'est fait remarquer, ont le droit absolu de revendiquer ses origines.
Né au Bourget en 1794, d'un père français et d'une mère belge, Pierre Germinal Dandelin fut emmené de très bonne heure en Belgique, alors terre française, où son père venait d'obtenir un emploi à la préfecture de l'Escaut. Entré en 1807 au lycée de Gand, le jeune Dandelin y gagnait dès la première année les galons de sergent-major. En 1813, son jeune patriotisme trouva l'occasion de se manifester. Les Anglais venaient de débarquer dans l'île de Walcheren. Le collégien s'enrôla parmi les volontaires et prit part à la défaite de l'envahisseur, ce qui ne l'empêchait pas, quelques mois plus tard, de remporter le prix de Mathématiques spéciales. A la fin de cette même année, il était reçu à l'Ecole Polytechnique.
Arrivent les événements de 1814. Avec ses camarades, Dandelin se signale à la défense de la route de Vincennes, où il est blessé d'un coup de lance. Aussi, durant les Cent-Jours, le vaillant Polytechnicien, devenu le huitième au passage en première division, recevait-il le ruban de la Légion d'honneur.
Cette distinction, accordée d'office à Dandelin, sur le refus obstiné des élèves de désigner spécialement l'un d'entre eux, lui créa quelques difficultés avec ses condisciples, et l'on raconte que Michel Chasles en garda toujours une vive irritation (J. Bertrand, Eloge de Michel Chasles). Mais cela n'empêcha pas Carnot de témoigner son estime au jeune légionnaire, en l'attachant à sa personne au Ministère de l'Intérieur (Quételet, Notice sur Dandelin, dans l'Annuaire de l'Académie royale de Belgique, 1848).
L'exil de son protecteur, après Waterloo, détermina Dandelin à retourner en Belgique, où résidait presque toute sa famille. Naturalisé en 1817, il devenait sous-lieutenant du Génie dans l'armée des Pays-Bas et se voyait assigner un poste à Namur, où un ouvrage de fortification, édifié par lui, a toujours porté son nom.
C'est à Namur que Dandelin commença, en compagnie de Quételet, son camarade du lycée de Gand, des recherches géométriques sur les courbes du second degré. Un travail sur la focale parabolique lui ouvrit, en 1822, les portes de l'Académie de Bruxelles, qui formait à cette époque un centre où la Géométrie était en particulière faveur. A cette publication succéda celle d'un mémoire sur l'hyperboloïde, ainsi que sur les hexagones de Pascal et de Brianchon. Dans cet ouvrage, qualifié par Quételet de « chef-d'œuvre d'élégance géométrique », l'auteur réussissait à démontrer, avec une remarquable simplicité, les propriétés devinées par ses illustres devanciers.
En 1825, Dandelin, momentanément dégoûté du service militaire, se faisait nommer professeur à l'Université de Liège. Mais, en 1830, il rentrait dans l'armée avec le grade de major, rapidement échangé en 1831 contre celui de lieutenant-colonel. Par une curieuse coïncidence, Dandelin allait retrouver, comme organisateur de l'armée belge, le général Evain, le propre frère de celui qui, en 1814, avait commandé, en qualité de major, le détachement de l'École préposé à la défense de la route de Vincennes.
Désireux de ne pas mettre obstacle à la carrière scientifique du savant officier, le gouvernement belge l'autorisait, en 1835, à cumuler ses fonctions militaires avec celles de professeur à l'Athénée de Namur. Appelé à Bruxelles en 1841 puis brusquement envoyé à Liège, il revenait deux ans après, comme colonel, dans la capitale de la Belgique, où il devait mourir prématurément en 1847.
Brillant causeur et écrivain de talent, même, à l'occasion, auteur dramatique plus sévère à lui-même que le public, Dandelin a laissé la réputation d'un esprit étendu et distingué, d'un cœur loyal et généreux, parfois accessible à une assez grande exaltation. C'était aussi un vrai tempérament de géomètre. Quelques-uns de ses écrits scientifiques sont encore renommés aujourd'hui, et son nom demeure attaché au théorème qui fixe la position des foyers et des directrices dans les sections coniques. Si son illustration n'a pas été plus grande, c'est que chez lui un défaut d'équilibre a constamment entravé l'essor du génie. Comme a dit M. Joseph Bertrand : « Dans toutes les voies où l'a conduit son esprit inquiet, on l'a jugé supérieur à son œuvre, trop promptement abandonnée. »