Le Kremlin-Bicêtre & Fresnes
Ce vingt mai 2015
Nous écrivions le trente mai 2014 : « Il y a deux cents ans, jour pour jour, naissait à Bruges Charles Eugène Catalan. Décédé en 1894, il y a cent vingt ans, le savant constitue un point d'entrée privilégié pour appréhender le XIXe siècle entre le début de la première Restauration et le commencement de l'affaire Dreyfus. Auteur de centaines de mémoires et de dizaines d'ouvrages adressées à de multiples publics, il a, à Paris puis à Liège, été en contact avec la plupart des mathématiciens européens. Sa vie et son oeuvre ont été longuement explorées par François Jongmans dans son ouvrage Eugène Catalan : Géomètre sans patrie. Républicain sans république et dans différents articles fruits d'un patient travail d'archives. François Jongmans a été un successeur de Catalan à l'université de Liège. Mathématicien, il est devenu historien des mathématiques avec et grâce à Catalan.
Depuis 2006, nous échangions épistolairement avec François Jongmans autour des différents fonds d'archives disponibles aux quatre coins de l'Europe notamment sur le fonds Catalan accessible aux archives de l'université de Liège. Les lettres de François Jongmans - écrites avec humour et malice qu'il est possible de retrouver dans les titres de ses articles de mathématiques comme « Complainte sur un algorithme de Ford-Fulkerson » (1965), « De frictions internes en incidents de frontière » (1975), « De l'art d'être à bonne distance des ensembles dont la décomposition atteint un stade avancé » (1979), « Essai sur la pluralité des chemins qui mènent à Rome », etc. - étaient chacune porteuses de multiples informations sur un siècle qu'il connaissait mieux que tout autre. J'écris à l'imparfait car, il y a une semaine, au moment de boucler cet ouvrage, sa fille Claire m'apprenait le décès de François Jongmans à l'hôpital de Chambéry. J'aurais souhaité le rencontrer et qu'il puisse avoir entre les mains cet opuscule fruit des collaborations de Jacques BAIR (université de Liège), Jenny BOUCARD (université de NANTES), Bernard BRU (université de Paris 5), Jean-Jacques DUPAS (Commissariat à l'Énergie Atomique de Bruyères le Châtel), Preda MIHAILESCU (université de Göttingen), Pauline ROMERA-LEBRET (université Paris 8) et Eugene SENETA (université de Sydney). Cet ouvrage est aussi, en filigrane, un hommage à l'historien François Jongmans qui restera le biographe de Catalan.
Notre fascicule est constitué de dix chapitres dont quatre entretiens qui sont organisés autour d'un triptyque : vie/archives/mathématiques. Chaque chapitre peut se lire indépendamment. Désireux de laisser cette liberté de lecture - linéaire ou par centres d'intérêt - nous avons laissé chaque auteur aussi libre que possible dans son écriture. Libre à lui de mettre en place son paratexte (système infrapaginal plus ou moins développé, normes d'écriture des noms de journaux ou des références, système de renvois aux figures, illustrations, etc.) ; notre seule exigence a été la volonté d'écrire professionnellement l'histoire comme Michel de Certeau a si bien su en exprimer les exigences dans son Écriture de l'histoire, en 1975. Nous commencerons par situer Catalan dans son temps ; ensuite, nous nous focaliserons sur les sources archivistiques et nous terminerons en offrant quelques éclairages sur l'oeuvre mathématique de Catalan. Nous remercions Catherine Goldstein pour sa relecture d'une première version de ce texte sans omettre Michèle Antibe qui, par de multiples biais et à diverses reprises, a su - par sa prodigieuse habilitation à dynamiser des recherches - encourager et finalement permettre la finalisation de cet ouvrage. Insistons seulement ici sur les fonds d'archives largement utilisés dans ce fascicule. Il y a quelques années, François Jongmans nous avait offert toute la documentation qu'il avait réunie ici ou là pour écrire ses textes avec notamment des dizaines de copies de lettres entre Catalan et des savants de toute l'Europe. Ce fonds d'archives sera prochainement remis aux archives de l'École polytechnique et sera dénommé : « Fonds Catalan-Jongmans ».
Écrire sur Catalan est une démarche périlleuse à qui sait la passion qu'il portait - au-delà des mathématiques - à la représentation matérielle des textes. La nécrologie que lui consacre le Journal de mathématiques élémentaires en 1894 en atteste ; l'un des responsables de la revue, Gaston Gohierre de Longchamps, rapporte : « Au congrès de Nancy, il y a quelques années, me trouvant avec Catalan et causant du Journal, il me dit : « Longchamps, ton Journal est plein de fautes typographiques. » [...] Je reçus en effet une lettre de lui quelques jours après. Elle commençait ainsi « Je t'ai promis de signaler les fautes typographiques du dernier numéro de ton journal ; je n'ai pas eu besoin d'aller bien loin : j'ouvre et, à la première page, je trouve deux virgules qui manquent ; par compensation, il y en a une qui est de trop. » Puissions-nous ne pas avoir fauté au point de passer sous les fourches caudines de Catalan ! Un espace insécable est si vite oublié ; pardon monsieur Catalan : une espace insécable ! »
Moins d'un an après, notre ouvrage en hommage à Catalan et à son biographe, François Jongmans, est sous presse. C'est avec plaisir que nous vous convions à sa lecture afin d'en savoir plus sur ce mathématicien, qui a été l'un des plus productifs du XIXe siècle, et à explorer les arcanes d'un siècle si prospère pour les mathématiques.
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