La SABIX
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Sommaire du bulletin 28
 

Albert Caquot (X1899)

par Jean Kerisel (X1928) et Thierry Kerisel (X1961)

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Introduction

Alors que l'oubli s'étend rapidement sur certaines vies prématurément jugées illustres, le temps ne cesse d'apporter un éclairage supplémentaire à l'œuvre d'Albert Caquot. Lorsque celui-ci nous quitta fin 1976, ce fut le même jour que l'acteur de cinéma Gabin : la presse évoqua largement la disparition de ce dernier, laissant dans l'ombre les mérites du premier.

L'Académie des Sciences s'émut de cette prééminence donnée au septième art et, quelques semaines après, debout une demi-heure durant, avec une déférente attention, ses membres écoutèrent la notice nécrologique établie par leur confrère Maurice Roy [Comptes rendus de l'Académie des Sciences. Séance du 10 janvier 1977, partie académique. Gauthiers-Villars, Paris, n° 193398-77].

Elle débute ainsi :

" Aux dernières heures du 27 novembre de l'an 1976 et en la 96ème année de son âge s'éteignait à Paris celui qui, depuis un demi-siècle, était et restait le plus grand des ingénieurs français vivants. "

" Retracer sa vie et son œuvre dans le cadre restreint d'une notice, en faire ressortir les traits marquants, faire saisir les vertus exceptionnelles de l'homme ainsi que la qualité de ses services et leur portée exemplaire constitue une gageure tant cette œuvre est vaste, tant les mérites de son auteur sont nombreux et divers. Que sa mémoire veuille bien pardonner l'imperfection de ma tentative inspirée cependant par un attachement forgé par l'admiration et la gratitude. "

Cette notice situait les traits dominants de la vie de celui qui avait siégé quarante-deux années dans cette Académie. Force est aujourd'hui de constater que le caractère exceptionnel et généreux de l'œuvre n'a cessé de s'accuser avec le temps. En 2001, année du cent-vingtième anniversaire de sa naissance, sa vie et son œuvre seront largement évoqués dans notre pays. Le gouvernement a en effet décidé de diffuser en juin un timbre à sa mémoire ; à l'occasion de l'émission de ce timbre, les 30 juin et 1er juillet, la municipalité de Vouziers, sa ville natale, vient d'organiser une série de manifestations, auxquelles l'Académie des Sciences ainsi que celle des Technologies se sont associées et ont délégué notre camarade Jean Salençon (X 1959). En octobre prochain, d'autre part, sous le parrainage de quinze académies ou sociétés savantes, s'ouvrira à Paris la première des Conférences Internationales Albert Caquot, s'adressant à un vaste public de praticiens, ingénieurs et chercheurs.

Caquot fut, en effet, l'un des savants marquants de son siècle et l'un des observateurs les plus éclairés de son époque, dont le talent s'exerça avec bonheur dans de multiples domaines. Les ingénieurs, au premier chef, se devraient d'être des inventeurs, imaginant en tout premier quelque chose de vraiment nouveau. En fait, combien d'entre eux, même ceux issus de notre illustre école, peuvent s'en prévaloir ? Chez Caquot, la faculté d'invention et la diversité de celle-ci furent exceptionnelles. Qu'y a-t-il de commun, en effet, entre un ballon à empennage, une usine marémotrice, un pont à haubans, ou une caquoïde ? Ces constructions si diverses furent conçues et dessinées par lui. Habile dessinateur, infatigable calculateur, Albert Caquot savait discerner le trajet des forces dans la matière pour les discipliner, passant également avec aisance de l'aérodynamique à l'hydrodynamique. A la première, il se consacra au sortir de l'École Polytechnique, à la deuxième, en fin de vie.

Il fut le témoin des premières décennies du siècle écoulé qui vit de jeunes intelligences issues d'un milieu modeste manifester la volonté de s'élever dans la société en s'illustrant dans le domaine des sciences appliquées à l'art de construire ; on trouvait encore dans de petites villes des maîtres de l'instruction d'un grand dévouement suscitant des vocations. Les premiers vols aériens exaltèrent l'enfance de Caquot et il imaginait déjà ce que serait la primauté du plus léger que l'air dans les batailles terrestres et navales.

La première guerre mondiale suscita chez lui un patriotisme indomptable et il est fort peu d'ingénieurs qui, comme lui, au cours d'une guerre, aient conçu tant d'armes offensives et défensives, en les mettant à disposition de leur pays et de ses alliés.

Dans la lignée des ouvrages des Expositions Universelles, subsistait un enthousiasme populaire envers les grands ouvrages de génie civil ; il galvanisera cet enthousiasme dans la période de l'entre-deux guerres.

Enfin, plus âgé, assistant au laisser-aller de nos finances, aux dévaluations ruineuses et à l'hémorragie de nos réserves de change, il devient l'apôtre des énergies renouvelables et imagine des moyens de les récupérer.

Oui, la vie d'Albert Caquot s'inscrit sur cette toile de fond, la toile de fond du XXème siècle dont elle épouse les contours. A travers la description de la vie et l'œuvre de ce personnage hors du commun, c'est tout un pan de l'histoire du XXème siècle qui revit avec lui, un roman plein de richesse et de passion.

Son gendre et modeste disciple Jean Kerisel, et son petit-fils Thierry Kerisel, tous deux ingénieurs généraux des ponts et chaussées comme il le fut lui-même, vous proposent de retracer les grandes lignes de ce roman et remercient vivement la SABIX de leur avoir donné occasion de le faire en cette année 2001.


Albert Caquot, élève de Polytechnique. Il est le beau-père de Jean Kérisel et le grand-père de Thierry Kérisel.
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Jean Lehuérou Kérisel (1908-2005), ici élève de la promotion 1928 de polytechnique, ingénieur des ponts et docteur d'Etat en sciences physiques, devint après la 2ème guerre mondiale directeur du plan et directeur de la construction au ministère de la reconstruction. Il créa un bureau d'études privé en 1951-52 et enseigna le cours de mécanique des sols à l'Ecole des ponts et chaussées de 1951 à 1969. Il devint ingénieur général des ponts et chaussées et succéda à son beau-père Albert Caquot à la présidence des ISF
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Thierry Kérisel (le fils de Jean Kérisel et de Suzanne Caquot), ici élève de la promotion 1961 de polytechnique, devint ingénieur général des ponts et chaussées. Après une carrière essentiellement dans l'administration des ports, et après avoir été directeur des ports et de la navigation maritime, il devint inspecteur général d'Aéroports de Paris et préside la section des bases aériennes à l'inspection générale de l'aviation civile et de la météorologie
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

 

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