Les polytechniciens et la musique
20,00 €
Lors des cérémonies du bicentenaire de l’Ecole polytechnique, riches en rencontres et débats en France comme à l’étranger, une place exceptionnelle avait été faite à la musique. Je me souviens d’une demi-douzaine au moins de concerts de haute volée ; ils rendaient hommage à l’œuvre de polytechniciens compositeurs (comme Koechlin ou Schaeffer), à la classe d’interprètes de réputation internationale (comme Helffer ou Abadie), mais aussi au talent de camarades jeunes et moins jeunes, par exemple actifs au sein du groupe X-Musique.
Je me souviens aussi de Rostropovitch à Londres dirigeant le Royal Concert pour clôturer une prestigieuse journée de débats scientifiques, réalisée pour le bicentenaire.
Cette abondante « présence » de la musique en 1994, au milieu de manifestations dédiées sans surprise à la science, à la gestion, au service public, à la défense, etc. ne fut évidemment pas le seul effet du hasard, ou de l’activité d’organisateurs ambitieux et hyperactifs comme Salmona, ou de la générosité de partenaires mécènes eux-mêmes mélomanes ou dirigés par des patrons mélomanes (Lyonnaise des Eaux, Matra-Hachette, Sema Group, etc.). Elle reflétait plutôt une sorte de tropisme permanent et délibéré de nombreux polytechniciens vers la musique, son écoute ou son service.
Je parle de musique, au sens large… pas seulement des fanfares militaires propices à de martiaux défilés, des chansonnettes allègres poussées dans le cadre de traditions au long cours, ou encore de l’opportune et utile présence des orchestres et des DJ aux soirées des Points Gamma. Tous les historiens de l’X, les rédacteurs du Livre du Centenaire (1894 – 1898) comme notre plus moderne Jean-Pierre Callot, ont en fait apporté le même type d’explications pour ouvrir les chapitres de leurs ouvrages consacrés au lien entre l’X et la musique, où à certaines « vocations singulières » (une expression qu’ils reprennent en boucle !) : convergence des séries et des rythmes, mathématiques et musique, harmonie et rigueur, esprit de géométrie et esprit de finesse, etc, etc.
Les divers articles parus dans la Jaune et la rouge (ou la Rouge et la jaune quand, les années passées, elle portait cet autre nom)1 chaque fois qu’elle abordait ce sujet mettaient l’accent sur ce même mystère et la même conclusion : il y a, peut-être, une logique de construction dans cette convergence ; mais il y a surtout et d’abord une volonté personnelle, un goût et un désir, un talent des mains et des oreilles.
C’est donc pour reprendre ce thème, mais aussi en dépasser les idées reçues et parfois trop convenues, que la SABIX est heureuse de présenter ce sujet sous un angle nouveau, en multipliant les regards sur ce binôme Polytechniciens et Musique. Elle le fait sur une idée de Patrice Holiner, qui a organisé en « maître », en mélomane et en directeur musical de l’Ecole les multiples perspectives proposées dans ce bulletin, et en faisant appel à une approche ethnologique qui privilégie le dialogue avec les acteurs et cette connivence : compositeurs, artistes professionnels ou amateurs, scientifiques, choristes, chefs d’orchestre, vocations précoces ou vocations tardives, jobs à plein temps ou …violons d’Ingres. Qu’il en soit profondément remercié : je suis donc sûr que ce bulletin, même s’il présente un contenu fondamentalement différent des numéros précédents plus souvent orientés par des rencontres dans des bibliothèques, avec des savants, ou avec des personnes, intéressera tous nos adhérents.
Christian MARBACH