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Souvenirs d’un témoin actif à l’Ecole Polytechnique en mai 1968

20,00 

Avec le présent bulletin, consacré à l’École polytechnique en mai 1968, la Sabix quitte les savants du XIXème siècle ou les fondateurs de l’X pour aborder un sujet plus actuel, mais je n’aurai aucune difficulté pour montrer que la présentation par notre association d’un texte rédigé par son premier président s’inscrit dans la droite ligne de la vocation de la Sabix, comme de la petite cinquantaine de bulletins précédents.

Il y a quelques mois, Emmanuel Grison, professeur honoraire de l’École polytechnique et ancien directeur des études a décidé de faire don à la bibliothèque de l’École polytechnique de l’essentiel de ses archives. L’objet de ce bulletin n’est pas d’en faire l’inventaire détaillé, mais je souhaite cependant signaler que cet apport concerne divers aspects de l’activité professionnelle d’Emmanuel, avec des cartons concernant l’histoire contemporaine de l’École, comme des cartons relatifs à ses recherches sur la vie et les travaux de nombreux savants. Les adhérents de la Sabix connaissent d’ailleurs la vivacité de la plume d’Emmanuel Grison pour avoir lu dans nos publications les multiples articles qu’il a consacrés aux débuts de l’X et à certains de ses élèves les plus renommés comme Arago. Mais les familiers de l’histoire des sciences savent aussi que notre connaissance de Berthollet, Lavoisier, Hassenfratz, Gay-Lussac, doit beaucoup à Emmanuel Grison, lecteur acharné, chercheur passionné de documents inédits, historien scrupuleux attentif à confronter ses sources et à confronter ses résultats avec des confrères. La Sabix est heureuse de savoir que tous les travaux de son président fondateur sont désormais accueillis à la bibliothèque et accessibles aux chercheurs : en apportant son aide à ce transfert, notre association est fidèle à sa vocation originelle, celle précisément que Grison avait préconisée.

Parmi les documents classés dans ces archives se trouvent aussi des textes relatifs à une période plus récente, et en particulier les pages qui font l’essentiel de ce bulletin. Emmanuel Grison y raconte la fracture de mai 68 dans l’histoire de l’École polytechnique : souvenirs d’un témoin. Dans cet intitulé, tous les mots ont leur signification. L’auteur ne cherche pas à décrire dans leur globalité comment les événements de mai 68 ont été vécus par les innombrables acteurs qui se trouvaient alors dans notre école, sur la Montagne Sainte-Geneviève, au cœur d’affrontements politiques, philosophiques, ou physiques. Mais il décrit par le menu comment, témoin d’abord passif puis de plus en plus sollicité, il a vu les instances dirigeantes de l’École, ses professeurs et ses élèves réfléchir dans l’urgence, avec passion, à une réforme de cette institution (une de plus) en se demandant comment s’inscrire dans les soubresauts de la rue et de l’université – ou s’y opposer.

Cet exercice de restitution, appuyé sur des annexes précises, peut être lu avec une sorte distanciation, celle que les lecteurs de nos bulletins peuvent ressentir en étant instruits des discussions dialectiques survenues vers 1815 entre tenants de l’école de Monge ou de Laplace : je prends là un exemple cher à Grison. Mais 68 n’est pas si loin ; certains des acteurs de cette fresque ici racontée sont encore vivants, ou, pour ceux disparus très récemment, encore présents dans nos mémoires et notre estime ; c’est donc seulement après y avoir beaucoup réfléchi que l’auteur, la bibliothèque de l’École, et la Sabix ont décidé de rendre publiques ces pages, dans l’espoir que leur publication et leur lecture pousseront d’autres acteurs de cette époque à en compléter notre connaissance1. Je sais, par exemple, que des X qui ont été élèves à l’École pendant ces années aimeraient et pourraient utilement apporter leur témoignage, pour confirmer ou nuancer, ou, pourquoi pas, contester certains points de vue. Si elle arrive à recueillir de tels témoignages, la Sabix sera heureuse de les rendre accessibles dans un autre bulletin, ou sur son site internet.