La SABIX
Bulletins déja publiés
Sommaire du bulletin n. 19
 

LA GUERRE, LA CAPTIVITÉ ET LES MATHÉMATIQUES.

Irina GOUZÉVITCH
Centre de recherches en histoire des sciences et des techniques (Cité des sciences et de l'industrie)

Dmitri GOUZÉVITCH
Institut d'histoire des sciences et des techniques,
Académie des Sciences de Russie, Saint-Pétersbourg.
Centre d'histoire des techniques (CNAM)

Fait prisonnier à Krasnoë, le 18 (ou 19) novembre 1812, au soir d'un combat particulièrement meurtrier pour l'arrière-garde de la Grande Armée, le lieutenant Jean Victor Poncelet, âgé de 24 ans, fut conduit en captivité à Saratov, sur les rives de la Volga. Epuisé par une marche de 300 lieues dans les neiges glaciales de l'hiver russe, soumis à des conditions de vie sévères, et démuni de toute documentation, il voulut pourtant consacrer ses loisirs forcés à son activité de prédilection, la géométrie. Durant 15 mois il consigna méthodiquement les résultats de ses réflexions dans sept cahiers manuscrits qu'il rapporta en France après sa remise en liberté, en 1814. La Bibliothèque de l'Ecole polytechnique conserve le premier de ces précieux cahiers, et les études que nous avions poursuivies à Saint Petersbourg à propos des travaux de plusieurs ingénieurs français dans la Russie du XIXeme siècle nous prédisposaient à nous passionner pour ce document. Et cependant notre recherche à son sujet est née d'une conversation fortuite, tenue le 5 juin 1996 aux Archives de cette bibliothèque avec le chercheur américain Kenneth L. Manders, qui étudiait les pièces du fonds Poncelet.

demanda K. L. Manders, en tendant un cahier in-4° fait d'un papier bleu épais et rugueux. Pendant deux heures nous avons ensemble étudié le manuscrit en le comparant avec le chapitre correspondant du livre "Applications d'analyse et de géométrie..." publié par Poncelet en 1862 [2] et en copiant soigneusement les filigranes. La conclusion ne laissait aucun doute : le cahier était bien celui-là même que l'auteur avait rempli de notes dans le camp de Saratov.

[L'histoire de la captivité de J. V. Poncelet et de son exploit scientifique qui a abouti à la création d'une nouvelle branche des mathématiques est un sujet à la fois légendaire et canonique, qui remonte essentiellement aux souvenirs de Poncelet lui même (voir, par exemple, [2-7]). Voici quelques-uns des travaux où ce sujet est évoqué : [8, pp. 385-386 ; 9, pp. 50 ; 10, pp. 95-96 ; 11, pp. 163-166 ; 12, pp. 691-692 ; 13, pp. 256, 1052-1053 ; 14, p. 194 ; 15, pp. 18-23 ; 16-28 ; 29, pp. 40-60 ; 47c, p. 261 ; etc.]. Les auteurs ont également contribué à élargir cette liste (voir [30 ; 31, pp. 26-27]).]

Plus tard, ayant effectué des recherches à Saint-Pétersbourg, nous avons repris le manuscrit et nous y avons observé certains détails restés inaperçus au premier examen. Nous résumons dans le texte qui suit les résultats de ces explorations, et les réflexions que nous inspirent l'effort créatif et le cheminement intellectuel d'un jeune mathématicien dans les circonstances singulières auxquelles Poncelet dut faire face.

Par la suite, à l'article que nous avions proposé à la SABIX en 1997 et qui était centré sur le premier cahier, nous avons ajouté un complément qui traite :


Première page du premier cahier de Saratov.
Bibliothèque de l'Ecole polytechnique

Le cahier

Le cahier [1], in-4°, aux dimensions 356 x 230 mm, est fait de feuilles doubles aux contours mal découpés, assemblées à l'aide de fils bleus. Le papier, de couleur bleue, est assez épais, serré et rugueux. Le cahier, cousu de toute évidence par l'auteur, se compose de deux brochures dont la première ne compte qu'une feuille double (4 pages) et la deuxième - huit feuilles du même type (32 pages), pliées ensemble. La première feuille joue le rôle de la couverture. Le filigrane apparait ainsi :


dessin d'une main qui sort d'un nuage tenant un arc tendu avec une flèche


Armoiries de Vjatka (1672) avec "la main qui sort d'un nuage ..."
(tiré de N. Soboleva "Rossijskaja gorodskaja i oblastnaja gezaldika XVIII-XIX VV.")

Ce filigrane a un détail caractéristique : "1" dans la date est écrit à l'envers et en image reflétée. Le filigrane principal se situe sur un fond de grille "verger" fait de lignes verticales (au pas de 23,5 mm) et horizontales (au pas de 1,6 mm).

Le texte s'étend sur 29 pages numérotées. La numérotation est faite de la même écriture et avec la même encre que le texte principal, à l'exception de la page "1" et du chiffre "1" à la page "17". Ces deux chiffres ont été écrits plus tardivement et avec une plume plus large. La couverture (page 11) porte le titre "Cercles". L'écriture, et l'encre qui a servi à faire ce titre, sont plus proches de la facture du texte principal du manuscrit que de celle des corrections apportées ultérieurement afin de préparer l'impression du livre "Applications d'analyse et géométrie...".

Le travail est écrit d'une petite écriture bien nette, à l'encre noire ; il comporte 51 figures représentant des constructions géométriques dessinées à main levée sans règle ni compas, avec une précision remarquable, et une autre, dessinée plus tardivement avec un crayon.

Le texte initial porte les traces bien visibles d'une relecture ultérieure. Les corrections apportées au texte de la première page sont faites à l'encre noire, mais avec une plume plus grosse ; elles sont d'ailleurs très consistantes. Les corrections qu'on voit plus loin sont, elles, faites à l'aide d'un crayon. Les figures sont corrigées de la même façon ; non moins de 5 figures originales se trouvant dans le texte sont barrées et une autre ("fig. 2 - fig. 3") refaite à nouveau. A l'aide du crayon, elles sont numérotés de 1 à 42 ("fig. 42"). A en juger par l'écriture et l'encre, les notes ont été introduites lors de la relecture.

Le cahier, avec un ensemble de neuf notes, a été publié sur les pp. 1-55 du livre "Applications d'analyse et de géométrie < ... >" [2], paru en 1862. Le texte publié diffère à la fois de l'original et de la version corrigée par des changements de titres ou de notations. (A propos de la substance même des cahiers, Poncelet déclare qu'il s'est "fait un devoir scrupuleux de n'y apporter, à l'impression, aucun changement, aucun perfectionnement qui eût pu en altérer le sens, en modifier les conséquences et les résultats algébriques, géométriques, etc.." [2,pxij]. Quant aux figures, elles reproduisent celles qui ont été corrigées au crayon.

Notons que sur l'ensemble des quelque 180 pièces (8 cartons) du fonds "Poncelet" nous n'avons découvert aucun autre texte écrit sur du papier semblable.

Les origines du papier

La couleur du papier est très typique du début du XIXe siècle. Le papier bleu (parfois de nuance assez intense, comme dans notre cas) était très à la mode à cette époque, pour une raison d'ordre pratique : la teinture en bleu visait, en fait, à dissimuler la teinte grise très désagréable du papier brut fabriqué. Cette mode a duré jusqu'à ce que fût industrialisé le processus de blanchiment chimique du papier à l'aide du chlore [31a].

Nous avons identifié les filigranes à partir de quatre sources [32-35].

Les sources [32-35] ont été mises à notre disposition, avec tous les commentaires nécessaires, par les personnels du Fonds manuscrit de la Bibliothèque publique d'Etat de Saint-Pétersbourg. Nous tenons à leur exprimer notre reconnaissance.

La première, le livre de S. Klepikov "Filigranes et estampes sur le papier de fabrication russe et étrangère des XVIIe-XXe siècles." [33, p. 149], a permis de localiser le fabricant du papier, puisque l'arc tendu avec la flèche faisait partie des armoiries du gouvernement de Vjatka, ville située à 800 Km environ à l'est de Moscou et connue aujourd'hui sous le nom de Kirov.

Les index tendent à attirer l'attention sur le détail représentant l'arc tendu avec une flèche. En même temps "notre" filigrane ainsi que certains autres figurant dans ces mêmes index [32-35], présentent également une autre partie de ces armoiries (sous forme stylisée) : le bras qui sort du nuage et qui tient cet arc. Pour la description et la représentation des armoiries de la ville et du gouvernement de Vjatka (1856), voir [36].

Les ouvrages de cet auteur offrent quelques images de filigranes qui sont très proches de celui que nous recherchions, à la fois par la disposition de leurs éléments et par le mode de figuration. Tous, ils se rapportent au papier produit par la seule et même fabrique Vjatskaja Medjanskaja. Ainsi, le sigle
CEM - 1800-04,06
signifie - Vjatskaja Medjanskaja fabrika soderzhatel'nicy Ekateriny Mashkovcevoj" (la fabrique Vjatskaja Medjanskaja de la propriétaire Catherine Mashkovceva) [33, p. 43, n° 137]. Malheureusement, les sigles ne sont pas déchiffrés dans tous les cas.

Sur la page 154, n° 89, du même livre nous lisons : "Mashkovceva Ekaterina Mihajlovna (morte en 1808). La fabrique a été achetée en 1799 par P. S. Bedareva (n° 16) < ... >". Ainsi, ce n'était plus Ekaterina Mihajlovna qui a fabriqué le papier utilisé par Jean Victor Poncelet.

Le deuxième ouvrage de Klepikov [34, p. 17] permet d'observer un autre filigrane (n° 149) que l'auteur, de toute évidence, ne possédait qu'en version très réduite :


dessin des armoiries du gouvernement de Vjatka

Et plus loin, à la page 78 nous avons la signification précise de
" CMC",
soit : "«Vjatskaja Medjanskaja fabrika soderzhatelja Machkovceva Stepana». Rasshifr. Z. Uchastkinoj, s. 243 <...>" ("«La fabrique Vjatskaja Medjanskaja du propriétaire Machkovcev Stepan». Déchiffré par Z. Uchastkina, p. 243 <...>").

Nous connaissions bien l'un des ouvrages de Z. Uchastkina [32]. Il s'agit d'une grande monographie d'accès difficile publiée en Hollande [35], que nous avons pu consulter grâce au concours des conservateurs du Département des manuscrits de la Bibliothèque publique d'État de Saint-Pétersbourg (GPB).

C'est là que nous avons trouvé quelques versions du filigrane recherché. L'un d'eux est décrit à la p. 243 et reproduit sur la fig. 86 : il date de 1825 et porte le sigle (VMF SSM) - "Vjatskaja Medjanskaja fabrika soderzhatelja Stepana Mashkovceva" (La fabrique Vjatskaja Medjanskaja du propriétaire Stepan Machkovcev"). Tandis qu'un autre filigrane daté de 1830, décrit à la p. 264 et présenté sur la fig. 90 porte le sigle que nous recherchions - (VMF SMS) - "<...> Machkovceva Stepana". Les pp. 82-83 et 148 (nn° 199, 201) comportent les commentaires et l'histoire sommaire de cette fabrique, qui se résument ainsi :

Le lieu et la date du début du travail

La première page du cahier, avec le titre situé en haut à droite de la feuille, porte une inscription qui initialement se présentait comme ceci : "Saratow le 11 mars 1813".

Dans sa lettre du 13 septembre 1814 au baron de Caux, Poncelet orthographie le nom de la ville de la même façon- "Saratow" [37 p. 1136].
Nous nous interrogions sur l'exactitude de la date du "11", car les corrections apportées au texte en 1861 [1, p. 1] ont été faites par dessus le texte existant, ce qui rend le nombre "<...> le 11 <...>" difficilement lisible.

La date qui apparaît après la correction prend l'aspect suivant : "Saratoff fin de mars 1813". Or le livre publié en 1862 contient la mention : "Commencé à Saratoff, sur le Volga, en avril 1813" [2, p. 1].

Poncelet écrit "<...> le Volga <...>", en genre masculin, à la différence de l'usage d'aujourd'hui qui emploie le féminin. Cette même tournure est utilisée dans sa lettre au baron de Caux [7, p. 1136 ; 37] et dans les documents [38]. Elle correspond, à l'évidence, à l'usage de l'époque, puisqu'on la trouve jusqu'au début de notre siècle dans les notices encyclopédiques [25 ; 26], dans les discours publiés [12 ; 24], etc. H. Tribout [29, p. 45] et M. d'Ocagne [21] emploient eux aussi le genre masculin pour désigner ce fleuve.
Cette dernière date était effectivement celle que les historiens ont adoptée pour marquer le début du travail qui a lancé les bases d'une nouvelle branche des mathématiques - la géométrie projective.

Qu'est-ce qui a provoqué les changements dans la datation apportés presque un demi-siècle après l'événement par Poncelet en personne ou, en tout cas, à sa connaissance ? Il est, effectivement, fort possible que le travail sur le texte ait été commencé en début avril 1813. A quoi correspond alors la date du "11 mars" ?

On sait qu'une fois arrivé à Saratov, Poncelet a souffert d'une maladie grave [23, p. 32-33 ; 15, p. 19]. En confrontant ce fait avec le titre initial de l'ouvrage - "Notes sur la Géométrie" -, on pourrait éventuellement trouver la clef de l'énigme.

Pour commencer, essayons de retracer la marche des événements :

1 • La capture

Les auteurs ne sont pas unanimes quant à la date de la captivité. Les uns citent le 18 novembre , les autres le 19 novembre [11, p. 164], tandis que d'autres enfin, plus prudents, décrivent les événements sans préciser cette date.

La date du 18 novembre est donnée par A. Bogoljubov, auteur de la biographie russe de Poncelet [23, p. 7, 24] qui d'ailleurs, ne se réfère à aucune source. Le "18 novembre" est cité également par l'académicien M. d'Ocagne dans son premier ouvrage [39]. Le second texte de cet auteur est beaucoup plus prudent : il n'y donne que la date de la bataille [21].
La biographie manuscrite de Poncelet est conservée aux archives de l'École polytechnique [16]. Son auteur est inconnu. On peut supposer qu'elle est sortie de la plume d'un des élèves de Poncelet: V. M. A. Mannheim (1831-1906, X 1848) ou T. F. Moutard (1827-1901, X 1844) [40, t. 3, p. 1433, 1589] qui l'avaient aidé à préparer la publication de 1862 [2 ; 3]. Quand bien même l'auteur aurait reçu directement de Poncelet l'information concernant la captivité, il fait toutefois preuve d'une grande prudence, en décrivant les événements de façon assez évasive : "Laissé pour mort sur le champ de bataille de Krasnoë près de Smolensk, le 18 Novembre 1812, il fut fait prisonnier de guerre et envoyé à Saratoff" [16, p. 2-3]. Cette phrase nous paraît curieuse quoique la tournure "laissé pour mort sur le <...> champ de bataille" soit employée par Poncelet lui même dans sa préface du 20 avril 1862 qui introduit le premier tome des Applications d'analyse et de géométrie [2, p. xiij] ; elle est reproduite presque mot à mot dans nombre d'autres ouvrages [25 ; 28 ; 29, pp. 74-75]. Traduite en russe dans les mêmes termes par I. Klado, c'est dans cette rédaction là qu'elle est connue du lecteur russe [41, p. 125]. Cependant, aucune source ne fait allusion au fait que Poncelet ait été blessé ou commotionné. Tribout, au contraire, affirme que Poncelet qui a perdu son cheval tué sous lui, est resté lui même indemne [29, pp. 44]. Le combat du 18 novembre à Krasnoë fut particulièrement meurtrier pour l'arrière-garde de l'armée française que commandait le Maréchal Ney. Il paraît vraisemblable que ceux qui, comme Poncelet, n'appartenaient pas au groupe des rescapés avec lesquels Ney réussit à rejoindre l'armée le 20 novembre, furent provisoirement considérés comme morts.

Les raisons de cette ambivalence deviennent claires à la lecture de l'ouvrage du général Didion [15], qui a écrit sa notice un an et demi après la mort de Poncelet, qu'il avait bien connu. Il en ressort, en effet, que celui-ci fut fait prisonnier durant la nuit du 18 au 19 novembre, plutôt tard au soir du 18 [15, p. 18].


Carte extraite de l'Atlas de l'histoire du Consulat et de l'Empire
dressé et dessiné sous la direction de M. Thiers, par A. Dufour et Duvotenay. Paris : Paulin, Lheureux et Cie, 1859.

Ce fait semble se confirmer par le témoignage de Poncelet qui dans son ouvrage [2, p. V] publié un demi-siècle après les événements, raconte qu'il fut "<...> amené vers minuit au quartier général russe <...>", autrement dit, le soir même de la bataille qui eut lieu le 18 novembre. Cependant une autre remarque de Poncelet brouille un peu la question. Il affirme que le "furieux, sanglant et dernier combat" fut livré "<...> le 18 novembre, anniversaire de la Saint-Michaël russe <...>" [2, p. V]. Cette assertion pourrait être considérée comme une erreur sans importance s'il ne poursuivait pas : "Je cite cette fatale coïncidence de dates parce que, amené vers minuit au quartier général russe pour y être interrogé comme officier du génie, j'eus l'ineffable chagrin d'y entendre fêter le patron du général en chef par un commissaire des guerres de notre armée, en ignobles vers français où était célébrée la gloire de saint Michel chassant les anges rebelles du paradis" [2, p. V]. Autrement dit, au quartier général russe on fêtait ou en tout cas on s'apprêtait à fêter le jour de Saint-Michel.

Or, ladite fête (le Concile) de saint Michel Archistratège de Dieu, revient le 8 novembre selon le calendrier russe ancien, ce qui au XIXe siècle, correspondait au 20 novembre selon le calendrier français. Par conséquent Poncelet ne pouvait pas se retrouver au quartier général russe à la fois le soir de la bataille et celui de la fête de saint Michel. Il ne peut être question que de la veille de la fête, à savoir, des premières heures du 19 novembre, bientôt après minuit.

Cette date du 18 novembre est citée dans un certain nombre de documents relatifs à la carrière de Poncelet, notamment le Relevé de services, l'État des services, la Pension militaire de retraite, etc. [38 ; 42].

Le dossier de Poncelet dans les fonds de la Légion d'honneur [43] ne contient aucun état de service, ni aucun autre texte de la main du mathématicien. Il ne comprend que quatre pièces dont deux se rapportent à l'époque beaucoup plus tardive, à l'an 1972 ; il s'agit, en fait, d'une demande et d'une notice d'archives faisant constat d'une incendie qui en 1871 (lors du siège de Paris) avait détruit une grande partie de documents conservés dans la Chancellerie générale de l'Ordre, et en particulier, les dossiers des mathématiciens S. S. Pouillet et L. Poinsot. Le dossier " Poncelet " aurait disparu vers la même époque.

Ces sources, vu leur caractère officiel, paraissent plus crédibles que les mémoires, mais elles ne lèvent pas le doute, puisque la plupart de ces documents ont été copiés les uns sur les autres. L'important serait de comprendre la façon dont cette date est apparue dans le plus ancien d'entre eux. Elle aurait pu être établie à partir des témoignages des camarades de régiment de Poncelet qui avaient réussi à rompre l'encerclement avec le maréchal Ney, ou au retour des autres officiers libérés de leur captivité. Il est évident que les premiers n'avaient pas d'information certaine sur les sapeurs de l'avant-garde de la colonne qui, restés dans l'encerclement, tentaient des assauts désespérés contre les batteries russes en couvrant la percée de leurs camarades. Tout ce qu'ils pouvaient savoir n'allait pas au-delà du soir du 18 novembre. Quant aux anciens prisonniers qui avaient rejoint leur Patrie deux ans après les événements, l'exactitude de leurs souvenirs n'en devenait que plus relative.

La date de sa capture est aussi mentionnée par Poncelet dans une lettre qu'il adressa au baron de Caux, Maréchal de camp du Génie, le 13 septembre 1814, peu de jours après son retour en France. Malheureusement l'original de ce document a disparu, et les trois copies que l'on peut consulter aujourd'hui présentent des incohérences sur ce point. Dans la version qui accompagne une communication faite par G. Bapst à l'Académie des sciences en 1897 [7, p 1136], on lit que Poncelet fut capturé le 10 novembre ! En 1936, H. Tribout dans son ouvrage préfacé par Maurice d'Ocagne, reproduit un texte de la même lettre, qu'il a trouvée dans les archives du Ministère de la guerre mais dont il ne donne pas la cote. Dans ce document Poncelet déclare qu'il fut fait prisonnier "dans l'affaire du 18 novembre, près de "Krasnoi". Le service historique de l'armée de terre conserve une copie de cette lettre, conforme à la version donnée par Tribout. Observant d'ailleurs que Poncelet était affecté à l'arrière-garde de l'armée qui ne quitta Smolensk que le 17 novembre, nous pensons que la date indiquée dans la version de G. Bapst résulte d'une erreur de copie.

Examinés un par un, les relevés et les états de service de Poncelet [38] où il s'agit de la bataille de Krasnoë, présentent curieusement un trait en commun : ils sont tous rédigés à peu près dans les mêmes termes que ladite lettre dont ils reprennent les détails [37]. Autrement dit, en ce qui concerne la date de la captivité, les documents administratifs qui d'habitude sont reproduits les uns sur les autres, avec quelques petits rajouts, s'appuient initialement sur le témoignage de l'ingénieur fait deux ans après les événements dans une lettre de caractère officieux, donc, finalement, sur une source épistolaire. Afin de préciser les conditions de la capture de Poncelet, il serait intéressant de retrouver les relations du général Miloradovitch qui reçut la reddition. Ces documents pourraient être conservés aux Archives Militaires Historiques de Moscou (RGVIA).

2 • La longue Marche ...

En revanche, les sources font preuve d'une unanimité quasi exemplaire quant au jour où la colonne de prisonniers de guerre français prit la route pour Saratov : le 19 novembre 1812 [11, p. 164 ; 15, p. 18 ; 23, p. 30, 211 ; 29, p. 49 ; 44]. Il n'y a, pour les contredire, que Poncelet et sa fameuse lettre qui relate : "On nous a fait partir de là quelques jours après pour nous diriger sur Saratow <...>" [7, p. 1136 ; 29, p. 47 ; 37, 1. 1 ver.]. Autrement dit, l'ingénieur a retenu le fait qu'entre le moment de la capture et celui du départ pour le camp un certain temps s'était écoulé. L'état de découragement, d'anxiété et d'incertitude qui avait certainement accompagné cette attente, a marqué sa mémoire beaucoup plus que le souvenir de la date précise. Par ailleurs nous avons déjà eu l'occasion de remarquer que la mémoire de Poncelet lui jouait de temps en temps de mauvais tours : ses souvenirs sont donc à confronter avec d'autres sources.

La durée du voyage et la date de l'arrivée à Saratov sont deux autres points sur lesquels l'information précise manque. Les historiens français s'accordent sur le fait que la colonne de prisonniers a parcouru la distance de 300 lieues en quatre mois environ [11, p. 164 ; 12, p. 692 ; 15, pp. 18-19 ; 21 ; 22 ; 29, p. 49 ; 39].

Cette information remonte, le plus probablement, au témoignage de Poncelet lui même. Il est donc difficile de dire de quelle mesure il s'agit : d'une lieue métrique égale à 4 km, ou d'une lieue terrestre (autrement, lieue commune ), égale à 4,444 km. Étant donné que la distance de Krasnoë à Saratov est légèrement supérieure à 1200 km, l'utilisation de la lieue terrestre comme mesure semble plus probable, d'autant plus qu'il s'agit du début du XIXe s., l'époque où régnaient presque sans partage les chemins vicinaux dont le tracé obéissait au relief du terrain. Dans ce cas la distance parcourue par la colonne de prisonniers de guerre était égale sinon supérieure à 1300 km. Le seul à donner cette distance en kilomètres fut A. Ocagne [21 ; 39]. Mais lui aussi parlait de "quelque 1.200 kilomètres" [21] ou de douze centaines de km [39]. Ses notices de journaux étaient écrites dans les années 1930, donc il emprunta cette évaluation à des ouvrages déjà publiés. Dans ce cas, ses 1200 km ne sont rien d'autre que la conversion de 300 lieues métriques faite sans aucun commentaire supplémentaire.
Seul, H. Tribout dont l'ouvrage date de 1936 est en dissonance avec eux, puisqu'il estime que pour parcourir 300 lieues les prisonniers n'auraient pas dû mettre moins de 5 mois [44, p. 391].

En tout cas, Poncelet a pu se retrouver à Saratov à la mi-mars 1813 au plus tôt. L'ingénieur, quant à lui, se contente d'indiquer le mois ("<...> parvenu en mars 1813 sur les rives de cet immense Volga <...>") [2, p. viii]. Tandis que le Général Didion affirme que les prisonniers "n'arrivèrent au lieu fixé pour leur résidence que vers la fin de mars" [15, p. 19].

Et tous, ils contredisent le fameux cahier dont la première note faite à Saratov date, comme nous l'avons vu, du 11 mars ! Et encore, avant de commencer à la rédiger, Poncelet avait à s'installer et à acheter (ou se faire offrir) du papier sur lequel écrire. Ceci nous conduit à croire que le groupe de prisonniers français auxquels Saratov avait été fixé comme lieu de résidence - cinquante officiers et quelques soldats qu'on leur avait affectés comme ordonnances au moment de quitter le reste de la colonne à Atkarsk - sont arrivés sur place au moins quelques jours avant le 11 mars.

L'histoire concernant 50 officiers détachés de la colonne de prisonniers à Atkarsk et envoyés dans le camp de Saratov (dont Poncelet faisait partie) est relatée par A. Bogoljubov dans [23, p. 31], malheureusement, sans aucune référence concernant les origines de cette information. Nous avons suivi la seule piste offerte par le biographe, la mention qu'il fait dans le texte du "médecin Roy" (en réalité Mercier). Les mémoires de Mercier dont nous avons consulté les versions française et russe comportent effectivement cet épisode, mais il s'agit de la colonne à laquelle il appartenait, partie de Wilno et donc, n'ayant pas de rapport direct avec Poncelet. A Bogoljubov ne donnant pas de référence on peut craindre qu'il n'ait confondu la colonne de Poncelet avec celle de Mercier. Il paraît vraisemblable que les prisonniers étaient soumis aux mêmes conditions dans ces deux groupes, cependant, nous croyons devoir faire connaître aux lecteurs notre sentiment quant à cette information. Chez A. Laussedat [11, p. 164] nous trouvons la phrase suivante : "Poncelet n'arriva à Saratoff qu'à la fin de l'hiver, après quatre mois de marche et de privations de toutes sortes". La date précise de l'arrivée de la colonne à Saratov est à rechercher dans les rapports correspondants des officiers qui accompagnaient le convoi, aux Archives historiques militaires de Moscou (RGVIA) ou aux Archives de la région de Saratov.

Ce qui amène à conclure que le voyage n'avait pas duré plus de 100-110 jours. Et même dans ces conditions, la relative lenteur de la progression de la colonne - environ 12 km par jour - révèle indirectement certains égards de la part des vainqueurs qui semblaient ménager les prisonniers, déjà assez épuisés, en s'abstenant de trop les aiguillonner.

A titre de comparaison : la marche diurne des bagnards et des exilés envoyés sous escorte en Sibérie prévoyait alors une distance à couvrir allant de 18 à 25 verstes (19,2 - 26,7 km), donc en moyenne deux fois celle imposée aux prisonniers de guerre français. Cependant nous ignorons la façon dont s'alternaient les jours de marche et de repos lors de la progression de la colonne. En ce qui concerne les condamnés russes, le repos de 24 heures suivait tous les deux jours de marche [47]. Dans ce cas, la vitesse moyenne de la progression des escortés était de 13 à 18 km en 24 heures, ce qui de toute façon allait au delà de la vitesse de la marche des prisonniers français. Nous remercions A. D. Margolis pour l'information concernant la vitesse de la progression des condamnés escortés en Sibérie.
Et pourtant en dépit de ces précautions, en raison des conditions climatiques, le convoi avait perdu en chemin entre la moitié et les deux tiers des captifs.

3 • La captivité et le début du travail

Tandis que la marche elle même a dû être effectivement très pénible, les plaintes persistantes de Poncelet concernant les conditions de son emprisonnement paraissent parfois quelque peu exagérées. Elles sont, en tout cas, à interpréter avec précaution. Un exemple pour illustrer ce propos. Didion, puis Tribout [15, p. 19 ; 29, p. 50 ; 44, p. 391] mettent en avant comme le comble des mauvais traitements le fait que les prisonniers étaient logés à quatre par chambre, lesquelles chambres étaient mauvaises et inconfortables. M. d'Ocagne, à son tour, souligne que Poncelet était "Mal logé, mal nourri, soumis aux plus dures privations ainsi qu'aux pires vexations <...>" [2]. Comparons ces lamentations avec le témoignage de l'un des camarades de captivité de Poncelet qui a écrit : "<...> notre table a été servie mieux que dans la plupart des pensions de garnison en France. La Volga nous fournissait du superbe poisson, y compris des sterlets et de magnifiques esturgeons ; le gibier ne manquait pas non plus dans ces lieux, on en trouvait en abondance et, en plus, tout ceci était extrêmement bon marché".

Cité d'après [23, p. 33] avec la référence sur : Rua I. Francuzy v Rossii. - SPb., 1912. - pp. 102-104. -Tout récemment nous avons eu l'occasion de consulter, en les confrontant, les publications originales de cet ouvrage en versions française et russe [47a] et [47b]. Malgré le titre (Les Français en Russie souvenirs de la campagne de 1812 et de deux ans de captivité en Russie par J. J. E. Roy), le Roy en question n'est pas l'auteur du livre mais son éditeur intellectuel. La paternité de l'ouvrage lui a été attribuée par erreur lors de la préparation de l'édition russe, et tous les auteurs russes qui ont écrit sur Poncelet par la suite, ont reproduit et multiplié cette erreur. L'auteur réel des mémoires est un certain "docteur M..., médecin militaire, attaché à la Grande Armée ..." [47b, pp. 5-6]. L'exemplaire de l'édition russe que nous avons consulté à la Bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg comporte des notes au crayon en marge des pages correspondantes faites par l'ancien propriétaire du livre, K. A. Voenskij, qui a participé à la préparation de l'ouvrage sur le gouvernement de Saratov pendant la campagne de 1812 [47c]. Dans cet ouvrage, Voenskij a publié la liste des prisonniers de guerre incarcérés à Saratov et dans ses environs [47c, pp. 252-255]. Il a non seulement signalé l'erreur du traducteur mais il a réussi, en analysant la liste, à identifier l'auteur effectif des mémoires. Selon Voenskij, ce ne pouvait pas être une autre personne que le chirurgien Franz Mercier (Mercié?, n° 152). "Le lieutenant Poncelet" figure sur cette liste sous le n° 168 [47c, p. 254]. Malheureusement, la liste est publiée en version russe, en cyrillique, et elle n'offre donc que la translittération des noms français dont l'orthographe authentique est très difficile à établir. En 1912 cette liste était encore conservée dans les archives du Ministère de l'Intérieur (MVD), dans les fonds du Bureau spécial du Ministre de la Police (Osobaja Kanceljarija Ministra Policii) qui se trouve probablement aujourd'hui à RGIA de St-Pétersbourg. La liste comporte 238 noms d'officiers, médecins et fonctionnaires de la Grande Armée, y compris 161 Français, 23 Polonais, 12 Italiens, 10 Westphaliens, 10 Hollandais, 9 Prussiens, 4 Saxons, 3 Autrichiens, 2 Bavarois, 2 Wurtembergeois, 1 Illirien et 1 Portugais.
En utilisant les mémoires de Mercier il faut tenir compte du fait que nulle part il ne fait mention de Poncelet et qu'il a fait la marche vers Saratov avec une autre colonne de prisonniers formée à Wilno et ayant quitté cette ville le 22 décembre 1812. On sait que cette colonne est arrivée dans la ville de Kirsanova, à 60 milles de Saratov, le 10 février 1813, ayant perdu en route entre la moitié et deux tiers de ses effectifs. 1200 personnes sont arrivées au lieu de destination [47a, p. 79-97]. Ces mémoires peuvent donc servir pour présenter l'ambiance générale, mais ils n'ont pas de lien direct avec le personnage de notre histoire, Jean Victor Poncelet.
En même temps, il existe des lettres d'un officier qui a fait la marche avec Poncelet, dans la colonne partie de Krasnoé. Il s'appelle Alexandre Coudreux. Les lettres en questions ont été publiées dans le livre Lettres du commandant Coudreux à son frère 1804-1815 (Paris, 1908). Nous avons pu prendre connaissance de deux d'entre elles (des 21 mai et 14 juin 1814) publiées dans [47c, pp. 262-263]. Remarquons que Poncelet, dans sa lettre au baron de Caux demande qu'on l'affecte auprès du "Colonel du Coudrai" [37, p. 4]. Malgré l'orthographe un peu différente, on peut se demander s'il ne s'agit pas ici du destinataire des lettres de son camarade d'infortune ?

Les prisonniers étaient libres dans leurs déplacements au cours de la journée. Le gouvernement russe leur payait des appointements qui revenaient à chacun suivant son rang [23, pp. 32-33], tandis qu'en France ils n'ont cessé d'avancer en grade de façon suivie. Ainsi, le 1er janvier 1813, Poncelet a été affecté à l'État-major du Génie, le 2 juin il a reçu le grade de Capitaine en second de sapeurs, le 24 décembre 1813 celui de Capitaine en premier, et le 4 août 1814 — affecté de nouveau à l'État-major avec le grade inférieur de Capitaine en second, la rétrogradation étant due à la réduction des effectifs de l'armée [15, p. 24 ; 23, p. 40 ; 29, p. 56 ; 38].

La copie certifiée du formulaire de service du 23 mars 1931 [42] ne comporte aucune mention relative à ladite rétrogradation. Selon ce document, Poncelet aura été tout simplement gradé "capitaine en premier" deux fois de suite - les 24 décembre 1813 et 4 janvier 1822.

Passons à la confrontation des dates et aux conclusions qu'on peut en tirer.

Ayant acheté du papier à Saratov, Poncelet entreprit de rédiger les premières notes presque aussitôt à l'arrivée dans cette ville. N'oublions pas son état physique qui, après une centaine de jours de marche sur les routes d'hiver russes, était loin d'être parfait. Selon son propre témoignage écrit en septembre 1814, Poncelet était couvert de rhumatismes "qui proviennent de ce que j'ai été gelé dans plusieurs parties du corps" et qu'il avait, en plus, "deux hernies qui proviennent de cette terrible campagne." [7, p. 1135].

Pour la traduction de la version plus détaillée publiée par H. Tribout [29, p. 47] voir A. Bogoljubov [23, p. 40]. Voir aussi [37,1. 2 ; 44, p. 391].
Si dans un état pareil, au milieu de tous les problèmes et privations qui affectaient dorénavant son existence nouvelle, il a pensé en premier à se procurer du papier pour mettre par écrit les quelques réflexions sur un sujet mathématique, on peut imaginer que l'idée d'un tel travail avait dû germer dans son esprit durant la marche. Et plus encore, elle avait sans doute soutenu son moral, surtout à la fin du chemin. L'idée d'écrire un ouvrage scientifique n'avait rien d'étonnant en soi puisque Poncelet comptait déjà à son actif un article en géométrie écrit en 1809 lorsqu'il était encore élève de l'École polytechnique [48]15.
En parlant du premier ouvrage de Poncelet "Problèmes relatifs au cercle tangent à trois autres sur un plan et à la sphère tangente à quatre sphère dans l'Espace" [48], A. Bogoljubov en donne une référence fausse. Dans son livre sur Poncelet il écrit au moins deux fois [23, p. 25] que ce travail a été publié par le savant en 1864, dans le second tome des Applications d'analyse et de géométrie [3]. En réalité, ce travail a été publié en 1862, dans le premier tome dudit ouvrage [2, p. 443-446]. Voir également sur ce travail [15, p. 9 ; 29, p. 204 ; etc.] .

Nous n'avons aucune raison de mettre en doute le titre initial de l'ouvrage : il s'agissait bien de notes sur la géométrie, des notes permettant, avant tout, de formuler certaines idées. Au début l'auteur semblait être très loin d'imaginer qu'elles donneraient suite à une oeuvre considérable. Il a dû quand même changer d'avis avant d'avoir rempli la deuxième page, puisqu'il n'est pas passé à la troisième de la même feuille double, mais en a rajouté une autre au milieu. Cette partie du travail terminée, il n'a pas tenu à remplir les quelques pages vides de ce cahier improvisé. Après avoir cousu les feuilles ensemble, Poncelet en a utilisé une, pliée, en guise de couverture et il a mis le titre correspondant à l'ensemble du travail "Cercles".

Au premier examen du cahier nous avons supposé qu'il était primitivement composé de deux brochures. De façon indirecte, cela pouvait confirmer l'hypothèse suivant laquelle le projet d'un traité mathématique eût été couvé de longue date par le savant. Or, l'état détérioré du papier à l'endroit du pliage témoigne, nous semble-t-il, du fait que la couverture fut longtemps pliée de façon normale jouant le rôle de la dernière page. Dans ce cas là, le cahier devait initialement se composer d'une seule brochure. Il est difficile d'établir avec précision le moment où le cahier a pris sa structure actuelle. A en juger du peu de différence entre l'état d'encrassement du papier sous les fils qui retiennent les pages ensemble et à côté d'eux, la couture a été effectuée lorsque le papier était déjà suffisamment encrassé, vers la fin du séjour à Saratov, voire peut-être déjà en France. C'est alors que la dernière feuille a été tournée. L'avant-dernière feuille (devenue par conséquent la couverture arrière) est encrassée elle-aussi quoique un peu moins. Cela signifie qu'une fois recousu, le cahier a été conservé dans les conditions plus favorables par rapport à la période précédente - à domicile et non pas en marche. Un rectangle plus clair imprimé sur la première page, celle de la couverture [1, p. 11] rappelle la trace d'un autre document (une lettre ?) conservé pendant longtemps avec le cahier.

Sans pouvoir reconstituer en détail la chronologie des événements survenus par la suite, nous pouvons toutefois évoquer au moins deux raisons susceptibles d'arrêter le travail au tout début.

Premièrement, c'est l'absence d'ouvrages de référence, de manuels ou de quelque littérature mathématique que ce soit. Comme il le dit lui-même, Poncelet se voyait obligé de reconstituer nombre de formules de la géométrie plane et sphérique dont il remplissait d'autres cahiers, de caractère cette fois-là proprement scolaire. Avant son départ de Saratov, en juin 1814, il les a laissés à ses camarades d'infortune puisque ces cahiers n'avaient, selon lui, aucune valeur scientifique [2, pp. 97-98 ; 23, p. 163].

Cependant même ce travail de reconstitution à peine commencé (pour autant qu'il l'ait vraiment commencé immédiatement) a dû être interrompu. Ayant survécu à la marche hivernale effectuée à pied, sans manteau (réquisitionné ainsi que le cheval lors de la prise en captivité), à la température de -26° C [15, pp. 18-19 ; 29, pp. 49-50], Poncelet en a subi cependant les conséquences néfastes : une fois à l'abri, "Il tomba malade et ne se rétablit que lentement sous l'influence bienfaisante du soleil d'avril" [15, p. 19 ; 21 ; 29, p. 50 ; 2, p. viii].

Au fur et à mesure que les événements s'éloignaient dans le temps, les conditions du voyage, telles qu'on les présentait dans les textes, devenaient de plus en plus pénibles. Ainsi, dans l'ouvrage du l'académicien M. d'Ocagne, la température tombe déjà jusqu'à -39° [39]. Il est vrai aussi que six ans plus tard elle n'a pas manqué de s'élever jusqu'à -25° [21].

Ainsi le travail n'a-t-il pu être repris qu'en avril, et la note publiée en 1862 nous le précise [2, p. 1]. Avant la maladie Poncelet avait, de toute évidence, si peu progressé qu'il a jugé plus conforme à la réalité d'indiquer avril comme son début effectif.

Voir chez Poncelet : "<...> tomba malade en atteignant le but, c'est-à-dire en arrivant dans la ville alors peu hospitalière de Saratoff. <...> sous la bienfaisante influence du splendide soleil d'avril, il recouvra quelques forces et voulut se distraire par le travail de l'esprit <„.>" [2, p. viij-ix].

Que signifie alors dans ce contexte la date de "fin mars" qu'on trouve dans le manuscrit sous forme de correction ? Très probablement, il s'agit là d'une simple aberration de la mémoire : il est difficile, en effet, de se souvenir des dates exactes à 50 ans de décalage. Pourtant l'hésitation entre les deux datations -"fin mars" et "avril"- est assez significative en soi. Le choix de Poncelet fait penser qu'il a repris le travail au tout début du mois d'avril.

Sans garantir la reconstitution fidèle des événements, nous pensons toutefois que cette version s'accorde avec tous les faits connus à ce jour, en les expliquant en même temps.

La livraison du papier à Saratov

Comme nous l'avons établi précédemment, le papier a été fabriqué dans le territoire du gouvernement de Vjatka, ce qui lève tous les doutes quant à l'authenticité du manuscrit. Nous avons en effet devant nous non pas une copie, mais le cahier original, l'un des sept remplis par Poncelet lors de son séjour dans le camp de prisonniers de guerre français à Saratov, entre le 11 mars 1813 et le mois de juin 1814.

La date de son départ de Saratov n'est pas connue avec précision. D'habitude on se contente d'indiquer le mois de juin. H. Tribout mentionne "à la fin du juin 1814" [29, p. 54-55], et cette estimation nous paraît juste, d'autant plus qu'elle est en cohérence avec les délais indiqués par Poncelet qui, selon ses propres paroles, a voyagé deux mois et demi pour atteindre la France [23, p. 40 ; 29, p. 47 ; 37, f. 2]. Il est rentré dans sa patrie le 7 septembre 1814 [23, p. 40 ; 29, p. 56 ; 38 ; 41], donc, il a dû quitter Saratov pendant la dernière décade de juin. D'ailleurs sa libération résulte des dispositions du traité signé à Paris le 30 mai 1814 et il a fallu un certain temps pour que les clauses de cet accord soient mises en application à Saratov, à 4 000 Km de Paris. Cependant Tribout donne des délais peu réels du séjour de Poncelet à Saratov : "Depuis dix huit mois qu'il se trouvait à Saratoff <...>" [29, p. 54]. Cette même affirmation figure dans les autres travaux, p.ex. : "<...> il fut emmené en captivité à Saratov, où il demeura dix-huit mois <...>" [28]. Or, d'après les calculs les moins stricts, Poncelet n'a pas pu rester à Saratov au delà de 16 mois (et encore si on inclut dans cette totalité les mois entiers de mars 1813 et de juin 1814). Si, par contre, on compte tous les mois de sa captivité, à partir du 18/19 novembre 1812 et jusqu'à la fin juin 1814, on aura le séjour dépassant 19 mois. Les deux mois et demi que Poncelet avait mis pour son chemin de retour ne devraient pas être inclus dans le temps de captivité puisque ce trajet a été fait par un homme déjà libre. En même temps, les formulaires de service, indifférents à ces nuances, prennent en compte les délais effectifs de l'absence de l'officier, et le chemin de retour compte pour eux comme le temps de captivité. Les extraits de documents financiers publiés dans [47c, pp. 229-242] (voir note 12) permettent d'apporter quelques précisions complémentaires. Déjà le 26 mai, c'est-à-dire avant la signature du traité, l'administration impériale a informé les gouvernements de l'ordre de l'Empereur de libérer tous les prisonniers. Le financement pour cette opération a été alloué le 17 juin. Il était prévu de former 4 groupes d'officiers comptant 40 à 50 personnes chacun, et une quinzaine de groupes de soldats, ces derniers devant être accompagnés de leurs propres officiers à raisons d'un officier pour 100 soldats. Les ex-prisonniers étaient transportés en chariots : 12 soldats ou 2 malades sur chaque chariot traîné par un cheval, et deux officiers sur chaque chariot traîné par deux chevaux. Le premier groupe d'officiers (11 lieutenants-colonels, une femme de colonel et 29 officiers) est parti le 20 juin, le second (1 colonel et 43 officiers), environ le 24 juin, le troisième (40 officiers), environ le 26 juin. Les sommes destinées à assurer leur départ ont été allouées les 23 et 25 juin respectivement. Le financement pour faire partir le quatrième groupe (2 lieutenants-colonels et 49 officiers) a été alloué le 25 juin. 10 à 20 soldats ont été associés à chacun de ces groupes, ainsi que quelques officiers venant des régions avoisinantes. Le premier groupe de soldats-prisonniers a été envoyé de Saratov le 29 juin, le dernier (119 soldats et 48 officiers), le 29 juillet. Le groupe d'officiers italiens (1 lieutenant-colonel, 13 officiers et 6 soldats) a été envoyé séparément le 14 juillet. Notons que les représentants des états qui se sont retournés contre Napoléon ont été relâchés parmi les premiers. Ainsi, les Hollandais sont partis dans leur patrie après le 21 mai 1814 ; l'un d'eux a emporté notamment avec lui la lettre de Coudreux à son frère [87, p. 262-263].
Tous ces prisonniers ont été rapatriés aux frais de la Couronne russe, mais ceux d'entre eux qui avaient leurs propres moyens, pouvaient partir à leurs frais. En dix jours, jusqu'au 30 juin, 6 groupes sont partis ainsi, 4 autres s'apprêtaient à partir [47c, p. 229-242]. Mercier se souvient être parti avec un petit groupe par eau (Volga-Don-la mer) le 1 juillet ; il faisait donc, probablement, partie de l'un des 4 groupes voyageant à leurs propres frais.
Nous avons ici un rare exemple de publication où toutes les dates s'accordent. Le voyage de Poncelet (arrivé en France le 7 septembre) a dû commencer le 24 juin, le jour du départ du second groupe d'officiers. Poncelet aurait pu partir quasiment le même jour avec l'un de six petits groupes d'officiers voyageant à leurs frais. Il a écrit au baron de Caux : "... j'ai profité de l'argent que mes parents m'ont fait parvenir pour prendre la poste une grande partie du chemin" [37, p. 3] (voir aussi [23, p. 40 ; 29, pp. 47-48]). Selon les décomptes de Coudreux, ceux qui d'emblée partaient à leurs frais par la poste devaient faire le trajet jusqu'à la France en six semaines [47c, p. 263]. Poncelet, quant à lui, a mis 11 semaines (donc presque deux fois plus de temps) pour rejoindre la France. Ce qui nous fait penser qu'il n'a fait à ses frais qu'une partie du trajet, et donc a quitté Saratov avec le second groupe d'officiers, le 24 juin, ou, au plus tard, avec le troisième, le 26 juin.
Une autre question persiste : à qui a-t-il laissé ses cahiers "préparatoires" dont il écrit : "<...> ces cahiers n'ont point été rapportés en France, parce que j'en avais disposé en faveur de compagnons d'infortune avant mon départ de Saratoff, en juin 1814" [2, p. 98]. Étaient-ce les officiers qui devaient partir une ou deux semaines après lui ? (Auquel cas ces cahiers auraient pu être emportés en France et ils seront peut-être un jour retrouvés). Ou étaient-ce les officiers qui sont entrés au service de la Russie ? Nous en connaissons deux qui sont dans ce cas : les lieutenants [Vesselink] et [Burgarelli] qui le 14 juillet ont exprimé un tel souhait et reçu bientôt après un avis favorable [47c, p. 241]. Dans ce cas-là les cahiers de Poncelet n'ont jamais été ramenés en France.

Leur volume d'ensemble correspond à environ 25 feuilles imprimées [2, pp. 1-441].
A. Bogoljubov affirme que le volume total de sept cahiers constituait "à peu près 20 feuilles d'impression" [23, p. 39]. Ce chiffre implique qu'on ignore de nombreux dessins intégrés dans le texte, ce qui nous paraît incorrect. En tout cas il faudrait en prévenir le lecteur. Les textes des sept cahiers publiés occupent 441 pages [2] ou 27,6 feuilles d'impression. Même si on en exclut les notes écrites plus tardivement, le volume total des textes avec les dessins sera d'environ 25 feuilles.

Selon Z. Uchastkina qui a étudié le fonctionnement de la fabrique du papier de Medjansk, dans les années 1780 le cycle de production y démarrait en septembre, se poursuivait durant tout l'hiver et s'achevait en avril lorsque toute la production était transportée à la fabrique Nikol'skaja, où l'on découpait le papier et le préparait à la vente. Il paraît évident que, dès le début du cycle, il était fabriqué avec les filigranes de l'année suivante, c'est-à-dire celle durant laquelle le cycle de production allait être achevé. Mais le papier sur lequel Poncelet met la date du 11 mars 1813 porte les filigranes de cette même année. Ceci ne paraît pas compatible avec une date de fabrication en avril, d'autant qu'il faut tenir compte du temps de son transport par voie de traînage, de Nikol'skoé à Vjatka, puis de Vjatka à Saratov, un trajet long de plus de 1100 km ! Il reste à supposer que le cycle a été modifié en fonction de la production accrue : des lots du papier non-découpé déposés régulièrement d'une fabrique à l'autre allaient en vente au fur et à mesure qu'une nouvelle quantité était produite. Une fois arrivé à Saratov, Poncelet achète ou se procure par un autre moyen une pile de papier neuf à peine apporté dans la ville. Et il se met aussitôt au travail.

Notons que le filigrane de la fabrique Medjanskaja pour l'année 1813 est à ce jour absent des catalogues et des index spécialisés. Ses quelques uniques échantillons sont conservés en France.

Les versions du texte.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de voir, sur l'exemple de la date du début du travail, les corrections apportées au texte original du cahier n'étaient pas définitives. Le texte publié reprend parfois les formules initiales de la version "de Saratov". Pour nous en assurer, comparons le titre et la première phrase du texte dans les trois versions [1, p. 1].

Le texte "de Saratov", 1813 Corrections à la relecture, 1861 Texte publié, 1862
1er Cahier PREMIER CAHIER.
Notes sur la Géométrie Lemmes de géométrie synthétique susceptibles d'être étendus aux systèmes de conique. LEMMES DE GEOMETRIE SYNTHETIQUE:
Contact(s) des cercles et des lignes droites Sur le contact et l'intersection des cercles et des droites dans un plan SUR LES SYSTEMES DE CERCLES SITUES DANS UN MÊME PLAN
Saratow 11 Mars 1813 Saratoff, fin de mars, 1813 Commencé à Saratoff, sur le Volga, en avril 1813
Les cercles considérés entre eux ou avec des lignes droites donnent lieu à différentes propriétés qui à leur tour fournissent des moyens assez simples pour résoudre une classe de problèmes assez intéressants par eux mêmes et par l'application qu'on en peut faire aux courbes du 2eme degré. Les cercles combinés entre eux ou avec des lignes droites donnent lieu à de nombreuses propositions qui fournissent des moyens simples pour la solution la recherche ou la démonstration d'une classe de problèmes et de théorèmes intéressants par eux mêmes et par l'application qu'on en peut faire aux courbes du 2ème degré. Les cercles combinés entre eux ou avec des lignes droites donnent lieu à de nombreuses propositions qui fournissent des moyens simples et élégants pour la solution d'une classe de problèmes par eux mêmes par l'application et l'extension qu'on en peut faire aux courbes du second degré.

En confrontant ces trois versions on imagine qu'il en manque encore une, correspondant à la deuxième relecture et intermédiaire entre le texte du cahier corrigé et le texte publié. Il se peut que les dernières corrections aient été apportées dans un manuscrit mis à net ou, ce qui est encore plus probable, directement dans les épreuves. Aucun texte de ce type ne figure dans le fonds "Poncelet". Pourtant, ceci nous étonne moins que la disparition à ce jour de cinq cahiers parmi les sept remplis à Saratov. Le fonds du mathématicien est très bien conservé.

En ce qui concerne la collection des livres de Poncelet - 550 ouvrages et brochures scientifiques - inventoriée le 3 janvier 1868, la veuve du mathématicien en a fait don à la bibliothèque de Metz, sa ville natale [23, p. 176 ; 29, pp. 179-180; 44, p. 395].
On y trouve jusqu'aux manuscrits qui datent des études de Poncelet à Metz (1810-1811). Il semble également certain que les sept cahiers ont survécu jusqu'en 1861-1862, autrement ils n'auraient pas pu être publiés. Alors, sachant que la Bibliothèque de l'Institut de France conserve le dernier manuscrit de la série, où sont les cinq cahiers qui manquent ? Seraient-ils restés chez l'éditeur de la maison Mallet-Bachelier ? Auraient-ils été gardés par l'un de ses plus jeunes collègues, Mannheim ou Moutard, qui avaient aidé Poncelet à préparer son ouvrage pour la publication ? Il est fort possible qu'ils soient à ce jour conservés dans quelques archives privées.

Si tel est le cas, espérons qu'un jour ils viendront compléter le fonds "Poncelet" aux archives de l'Ecole polytechnique où sont regroupés, avec le premier cahier "de Saratov", d'autres ouvrages géométriques du savant.

Voici la liste des manuscrits géométriques de Poncelet conservés dans le carton n° 5 (fond "Poncelet", Archives de l'École polytechnique) :

Outre les manuscrits mathématiques, ce fonds contient nombre d'autres documents intéressants, notamment la correspondance de Poncelet avec l'Académie des Sciences concernant ses mémoires soumis à l'examen de cette institution, et une collection de comptes rendus (copies contresignées par J. B. D'Alembert, alors secrétaire perpétuel de la Section des mathématiques de l'Académie des Sciences et, à sa mort, entre 1822 et 1830, par J. B. Fourier, puis, à partir de 1830, par D. F. Arago).
Le carton n° 4 contient l'imprimé du Mémoire sur la théorie générale des polaires réciproques; pour faire suite au Mémoire sur les centres de moyennes harmoniques lu à l'Académie Royale des sciences de Paris, le 12 avril 1824, et approuvé le 18 février 1828, par une commission composée de M.M. Legendre, Poinsot et Cauchy, rapporteur, par J. V. Poncelet, Capitaine au Corps Royal du Génie (SI, s. d. — [1], 71 p.). La correspondance avec l'Académie des Sciences et les rapports de cette dernière sont rangées dans le carton n° 1 (Carton 1, Dossier n° 2 : Pièces diverses relatives à la carrière scientifique de Poncelet, 1820-1858) : 5 lettres de l'Académie des Sciences adressées à Poncelet et 6 rapports (publiés plus tard ; voir . [49]). Ce dossier contient également 16 lettres dont celles de Ch. Dupin, H. Carnot, J. Dumas, M. J. Jacobi (lettre de S.Pétersbourg du 2(14).01.1858 annonçant l'élection de Poncelet membre-correspondant de l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg [50]), etc.


Première et dernière page du Procès verbal de la séance de l'Académie Royale des Sciences. 1820.
Fonds Poncelet. Bibliothèque de l'Ecole polytechnique.

La publication du texte.

Pendant un demi-siècle, les cahiers de Saratov n'ont existé que sous forme manuscrite. De retour en France en septembre 1814, Poncelet a beaucoup travaillé sur le développement de ses idées : il consultait les savants, publiait des articles, soumettait ses ouvrages à l'Académie des Sciences. Les résultats de ce travail intense ont été résumés dans le Traité des propriétés projectives des figures, ouvrage qui marque les origines de l'histoire "légale" de la géométrie projective ressuscitée [4].

Cette première publication fondamentale a une longue histoire, qui a fait l'objet de nombreuses études.

Voir sur ce sujet : [11 ; 12, pp. 692-696 ; 13, pp. 708-709, 783-784 ; 14, p. 194 ; 15, pp. 26-29 ; 17 ; 22 ; 23 ; 25 ; 29, pp. 61-75 ; 51, pp. 1-7 ; etc.].
Une attention particulière y est généralement -et à fortes raisons- portée sur l'avis d'Augustin Cauchy fait en collaboration avec S. D. Poisson et D. F. Arago et exprimé dans un rapport sur un mémoire que Poncelet considérait comme une ébauche de son traité. Ce rapport, lu à l'Académie des Sciences le 5 juin 1820, fut publié avec commentaires en septembre de la même année par J. D. Gergonne [3, pp. 553-563 ; 49 ; 52]. L'avis de Cauchy, pour le moins très réservé, a marqué le début d'un profond conflit dont le souvenir ne cessa d'obséder Poncelet pendant de longues années.
D'autant plus que Cauchy a recensé par la suite nombre d'autres travaux de Poncelet soumis à l'Académie des Sciences. Ces mathématiciens ont eu, par ailleurs, nombre d'autres discussions relatives aux différents problèmes de leur science [6, p. 345-363 ; 53].
Quarante ans après les événements, dans le second volume des "Applications d'analyse et de géométrie <..>", il publie ce rapport avec ses propres objections [3, p. 553-569] sous le titre d'"Examen critique des opinions et du jugement émis par M.Cauchy dans son rapport sur le Mémoire inséré au Ve Cahier". Vu l'importance de ce compte rendu, nous reproduisons ici le fac-similé de ses première et dernière pages fait à partir de la copie certifiée par le Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences D'Alembert [49].

Cauchy apparaît dans cette polémique comme un critique sévère des idées de son collègue. Cependant, le point qui semble l'irriter particulièrement est le principe de continuité [6, p. VII ; 12, p. 693 ; 13, pp. 708-709, 783-784 ; 14, pp. 197-198 ; 16, pp. 4-5 ; 17 ; 18 ; 23, pp. 50, 74, 162 ; 25 ; 29, pp. 67-71 ; 54 ; 55 ; etc.]. Certaines de ses objections ne manquent pas de justesse. A commencer par le fait que Poncelet n'a même pas tenté la démonstration de ce principe qui lui paraissait intuitivement clair. Une approche totalement inadmissible pour l'analyste Cauchy. D'autre part, on ne peut pas ignorer le problème de l'universalisme de la loi de continuité [14, pp. 197-198] ou, autrement, des limites de son application. Or, délimiter les domaines de son applicabilité ou fournir sa démonstration rigoureuse relève déjà du perfectionnement, de l'affinement et du développement de cette loi, alors que sa critique par Cauchy montre, malgré tout, que le mathématicien n'a pas entrevu son potentiel opérationnel. D'autant plus que l'idée de ce principe n'était pas tout à fait neuve.

Ce sujet a été traité par B. A. Rozenfel'd dans [56]. L'auteur y a examiné : "<...> l'émergence du principe général de continuité chez Kepler et la formulation la plus générale de ce principe chez Leibniz, l'apparition du principe analytique de continuité chez Euler et son application la plus large dans la géométrie de Carnot, de Poncelet et de Lobachevskij " [56, p. 273]. A. Bogoljubov, en se référant à Rozenfel'd, a écrit que : "<...> le principe général de continuité a été pour la première fois appliqué par Kepler en 1604 ; la formulation générale du principe a été donnée par Leibniz " [23, p. 36]

Citons à cette occasion un passage curieux tiré d'une biographie de Poncelet manuscrite et non signée [16] qui porte notamment sur l'avis de Cauchy concernant le principe de continuité : "Poncelet a toujours repoussé cette dernière appréciation que Cauchy a persisté à maintenir. Il semblerait toutefois comme un de ses premiers élèves l'a fait remarquer il y a une quinzaine d'années à Cauchy, que son système d'analyse où il considère les quantités réelles comme cas particuliers des imaginaires ou de leurs équivalents symboliques, justifie au contraire le principe de continuité de Poncelet" [16, pp. 5-6]. Cauchy, aurait-il lui même utilisé ce principe de facto, sans l'avoir formulé de façon explicite ?

La biographie en question semble avoir été écrite bientôt après la mort de Poncelet, décédé en décembre 1867. "Il y a une quinzaine d'années" se rapporte, dans ce cas, à la première moitié des années 1850 (Cauchy est mort le 23 mai 1857). De quel élève de Cauchy s'agit-il dans le passage cité ? Nous l'ignorons. Il n'empêche que la discussion a duré plus de trois décennies et qu'elle ne s'est pas arrêtée à la mort de l'un des protagonistes. Curieusement, les idées géométriques de Poncelet ont été très vite comprises par les mathématiciens allemands, tandis que les français ont tardé à les reconnaître [23, p. 74 ; 55]. Et l'avis de Cauchy a probablement joué son rôle dans ce retard.

Analyser à fond l'histoire du compte rendu de Cauchy n'est pas l'objectif de cet article. Un détail a toutefois attiré notre attention puisqu'il apporte un nouvel éclairage sur un autre débat difficile qui opposera par la suite dans le même conflit d'incompréhension deux autres mathématiciens notables.

Le compte rendu de Cauchy date de 1820. Le Traité de Poncelet voit le jour en 1822. Dix ans passeront, et l'histoire se reproduira : l'élève russe de Cauchy, Mikhaïl Ostrogradskij, rejettera les idées du géomètre Nikolaj Lobachevskij [57 ; 58]. Pour chacun de ces cas on peut, bien entendu, trouver des explications particulières : les critiques font preuve du scepticisme scientifique irritant ou des imperfections du style répréhensibles ; les maîtres, quant à eux, ne dissimulent pas leur attitude hautaine.

G. Isotov, biographe de N. Lobachevskij, qui a consacré beaucoup de temps et d'efforts à essayer d'élucider l'histoire de ce conflit, a fini par conclure que : "La cause d'un jugement si erroné de l'ouvrage de Lobachevskij de la part d'un si grand savant que M. Ostrogradskij n'est pas claire" [58, p. 9]. Nous pouvons rajouter que le "grand Ostrogradskij" quoique déjà académicien, était alors âgé de 31 ans (ce qui exclut des explications du type : "... l'esprit conservatif qui apparaît avec l'âge "), tandis que Lobachevskij avait 39 ans. Cette "aberration" d'âge due à l'impact et à la renommé ultérieure d'un tel savant est un phénomène assez curieux qu'on observe par ailleurs. Ainsi, A. Bogoljubov, écrit : "<...> Cauchy <...> a traité le jeune géomètre [Poncelet - I. D. G.] de haut estimant que ses aspirations étaient trop ambitieuses" [23, p. 74]. Voir aussi chez B. Belhoste, dans la version anglaise de son bel ouvrage sur Cauchy (traduit en anglais par F. Ragland) : "Among the young mathematicians whose studies Cauchy examined were Poncelet <...> [20, p. 55]. Et ceci au sujet du rapport lu par Cauchy à l'Académie des Sciences le 5 juin 1820 alors que ce dernier avait 30 ans et que donc, il était plus jeune que Poncelet ! Les deux savants avaient commencé à s'intéresser aux recherches mathématiques lorsqu'ils étaient encore élèves de Polytechnique. Lequel des deux est "jeune" ?
Sans oublier la différence des mentalités qui distingue généralement les "analystes" et les "géomètres". Cependant des situations de ce genre n'ont pas manqué au sein même de ces groupes. Ainsi Cauchy n'a pas apprécié à leur juste valeur les travaux de N. Abel et d'E. Galois, tandis que Poncelet a sous-estimé la géométrie "cinématique" de M. Chasles, etc. [18 ; 20 ; 23, pp. 50, 167-168 ; 59].
De ce point de vue, l'exemple de K. Gauss et de sa découverte de la géométrie non-euclidienne nous paraît probablement l'un des plus étonnants [60]. Le savant semble n'avoir pas compris l'importance de ses propres idées ou, inversement, l'avait compris si bien qu'il en a eu peur. La réponse se situe probablement quelque part entre ces deux extrêmes.

On pourrait multiplier les exemples de ces controverses et rechercher les interprétations propres à chacune d'elles, ou au contraire les globaliser et chercher leurs causes dans le déroulement même du processus de changement de paradigme. Il nous semble toutefois que si l'on essayait de dégager un certain comportement-type à partir de l'étude de quelques cas historiques concrets, ce phénomène pourrait être qualifié, avec un grain d'ironie inévitable, "le problème de l'étroitesse des grands" où la psychologie intervient à égalité avec les lois mathématiques et cognitives. Mais c'est déjà une autre histoire.

Revenons à Poncelet et à la publication de ses textes géométriques. A l'approche de la fin de sa carrière, le mathématicien bientôt octogénaire décide de réunir sous une seule couverture toutes les oeuvres en relation avec la découverte principale de sa vie, la géométrie projective. Le projet demande un grand effort de synthèse, de récapitulation et de relecture puisque il s'agit d'organiser de façon cohérente les textes hétérogènes qui existent aussi bien sous forme publiée (articles et Traité de 1822) que manuscrite (cahiers de Saratov).

Conscients de l'importance de ces travaux, quelques élèves de Poncelet se mobilisent pour aider leur vieux maître à assumer cette tâche difficile. Ce sont, avant tout, les polytechniciens V. Mannheim et T. Moutard déjà mentionnés qui se chargent de vérifier les calculs, de corriger les dessins et de relire les épreuves des manuscrits de Saratov.

Ces gens se rangent parmi les premiers à avoir reçu la médaille Poncelet : Manheim était deuxième de la liste, en 1872, et Moutard - quatrième, en 1879 [29, p. 184-185].
Leurs propres travaux sont inclus par Poncelet comme annexes au premier volume "Applications d'analyse et de géométrie <..>" [2, pp. 499-560].
Il importe de tenir compte du fait suivant : le premier tome est paru en deux versions qui ne se distinguent que par la page du titre [2a ; 2b]. Aucun des ouvrages connus ne fait mention de cette distinction, tandis que la description bibliographique elle-même est souvent très confuse. Ainsi, le catalogue de la Bibliothèque Nationale [61] offre la description du premier tome à partir de l'édition [2a] et du second - à partir de l'édition [3]. The National Union Catalog [62] propose la description unifiée des deux tomes faite à partir des deux éditions [2b ; 3]. Deux biographes de Poncelet - Bogoljubov [23, p. 215] et Tribout [29, p. 19] - ont fait preuve d'une originalité d'approche particulière : ayant donné la description de l'ouvrage analogue à l'édition [2a], ils l'ont étendue sur les deux tomes bien que le second [3] ne soit pas paru dans cette version. Bogoljubov a simplement reproduit la référence donnée par Tribout puisqu'il en répète les erreurs. Du point de vue des sources, le travail de Tribout est d'ailleurs critiquable ; il ne contient aucune référence précise, même par rapports aux citations qui abondent dans le texte.
Quelques autres remarques concernant les deux versions du premier tome : Laquelle des deux versions a été la première ? Essayons de l'établir. La page de titre de la version [2a] comporte des indices intéressants : l'auteur a réussi à y résumer l'histoire de l'ouvrage et à fixer ainsi sa priorité. Bizarrement, ce titre n'a pas de numéro de tome. Cela peut signifier qu'au moment où Poncelet le publiait, il ne pensait pas encore à le faire suivre d'un second, portant le même titre. Autrement dit, l'idée de la deuxième partie est venue plus tard. Probablement, après l'impression de la préface avec le titre et le faux-titre mais avant que soit imprimé l'ensemble du texte principal. Cette hypothèse se confirme par le fait que les feuilles imprimées sont numérotées selon le même principe, indépendamment de la version. Autrement dit, lors de la composition typographique du texte on savait déjà qu'il paraîtrait en deux tomes. Pour cette même raison on a rajouté plus tard de nouvelles pages de titre qui correspondaient au premier tome, et le texte introductif qu'elles portaient était modifié en conséquence. En résultat, le livre qui a vu le jour en 1862 a paru en deux versions. D'où viennent donc les brochures "autobiographiques" [2c]. N'est-ce pas la partie du tirage de la préface avec les pages de titre qui faisait double emploi avec la réimpression de la première feuille imprimée, encore non numérotée ?
Quelques-uns de leurs suppléments paraissent aussi dans le second volume [3]. Le savant a aussi bénéficié du concours de l'ingénieur Claudel, du contremaître Bailleul, imprimeur de la maison "Mallet-Bachelier", et des éditeurs eux mêmes [2, p. xiij].
Joseph Claudel (17.4.1815-25.7.1880), ingénieur civil et inventeur d'un nouveau procédé simple de gravure sur cuivre utilisé pour reproduire les dessins géométriques [64].
Le second volume a paru chez "Gauthier-Villars, <...> successeur de Mallet-Bachelier" [3, page de titre].

Pressentant la fin proche, Poncelet, déjà gravement malade, fait preuve d'un dynamisme sans égal : en cinq ans, de 1862 à 1866, il publie quatre tomes [2 ; 3 ; 5 ; 6], d'un volume total de 2100 pages, auxquels il adjoint une notice tirée à part et consacrée à Desargues [65].

32 Cette notice n'est rien d'autre que l'extrait de quelques pages de la préface et du § 178 (p. 95) de son livre de 1822 [4]. Le tout ayant été réédité dans le tome 1 de l'édition de 1865 [5] (voir pp. XXV-XXVII et § 178 du texte principal).
Ces ouvrages sont riches en éléments autobiographiques dont abondent surtout les préfaces et les commentaires.
Les extraits des préfaces de Poncelet aux deux tomes tes"Applications d'analyse et de géométrie <..>" (1862-64) [2 ; 3] et à l'édition de 1822 [4] ont été publiés en version russe en 1955 [41]. Voir aussi [10].
Dans leur ensemble ils constituent, en fait, la source primaire de nos connaissances sur l'histoire de la géométrie projective redécouverte, après Desargues, par Poncelet au XIXe siècle. La richesse autobiographique de cette dernière publication du savant est telle, qu'elle peut donner une signification à tout document nouvellement trouvé ayant trait à cette époque et à ce domaine, même si, au premier regard, il contient peu d'éléments biographiques proprement dits.

La captivité et la recherche : le cas de Poncelet est-il unique ?

Rappelons-nous, sans les détailler, les travaux scientifiques des décembristes, anciens membres des sociétés secrètes qui avaient provoqué la fameuse révolte des nobles contre le pouvoir absolutiste en Russie le 25 décembre 1825 (d'où leur désignation collective - "décembristes") et qui ont, dans leur majorité, passé le reste de leur vie en exil sibérien. Le XXe siècle abonde, lui aussi, en "exploits" de ce genre. Pour n'en offrir que quelques-uns, citons le cas du futur académicien Igor Tamm qui a passé la nuit précédant la fusillade à déduire la formule pour la série de Taylor, ou celui de philosophe religieux Florenskij qui n'a cessé de travailler dans les camps de Solovki, enfin, celui de N. S. Koshljakov, membre-correspondant de l'Académie des Sciences de l'URSS qui, enfermé dans le camp, faisait des calculs sur un morceau de bois à l'aide d'un clou, sans parler de milliers de chercheurs qui ont excellé pendant leurs séjours dans les "sharashka" (laboratoires de recherche-prisons de l'époque du GOULAG)... [66].

L'histoire quasi légendaire de la découverte de Poncelet fascine, en grande partie, par son caractère insolite et romantique. L'histoire des rapports franco-russes, et notamment celle, concrète, des campagnes napoléoniennes de 1812, 1813 et 1814, nous en offre pourtant d'autres exemples lesquels, même s'ils sont moins connus (puisque n'ayant pas abouti à des découvertes d'une telle envergure), n'en sont ni moins romantiques, ni moins insolites.

Deux exemples tout aussi spectaculaires pourront illustrer ce propos.

La première de ces deux histoires, relatée en détail dans notre livre "Petr Petrovich Bazaine 1786-1838 [31, pp. 26-27, 59], porte sur l'extraordinaire aventure russe des quatre jeunes polytechniciens, ingénieurs des Ponts et chaussées, Pierre Dominique Bazaine, Alexandre Fabre, Maurice Destrem et Charles Potier. Venus en Russie en 1810 avec l'accord du gouvernement français pour aider le pays allié à développer ses travaux publics, ils ont été temporairement engagés au service de la Couronne avec les grades et les appointements des ingénieurs du Corps des voies de communication, nouvellement créé à Saint-Pétersbourg. Cependant, à l'ouverture des hostilités, ces officiers napoléoniens ont dû subir le sort des représentants de l'État ennemi : ils ont été exilés d'abord dans la province russe, à Jaroslavl' (29 juin 1812), puis à Pochekhonjé (28 juillet), et enfin en Sibérie méridionale, dans la ville d'Irkoutsk (17 août) où ils sont restés pendant deux ans et demi, jusqu'au 8 (9?) février 1815.

Selon le récit de M. Destrem relaté par le baron Korf dans son journal intime, le 29 mars 1839, "ils vivaient à Irkoutsk sous la surveillance la plus sévère, avec l'interdiction de quitter leur demeure ou de recevoir chez eux qui que ce soit. Leur seule satisfaction était leur société réciproque <...> et les occupations scientifiques" [31, p. 26 ; 67]. Ils apprenaient les langues, faisaient des traductions, et Bazaine, en outre, consacrait une partie de son temps aux recherches mathématiques. Son manuscrit sur le calcul différentiel (12 pages) a disparu avec ses autres papiers abandonnés à Pochekhonjé. Une fois à Irkoutsk, le jeune ingénieur semble avoir repris ses recherches. Le premier biographe de Bazaine, son disciple Erakov, a écrit plus tard dans sa nécrologie : "En Sibérie il a rédigé le traité du calcul différentiel et quelques mémoires sur les applications de la géométrie plane et sur les différentes propriétés des corps tridimensionnels" [69].

Le destin de ses travaux géométriques est incertain. Très probablement, ils ont été publiés sous forme d'articles (voir. [31, pp. 208-211]). Quant au Traité du calcul différentiel, ce travail aurait, à l'évidence, servi de base au manuel du même nom publié à Saint-Pétersbourg en 1817 [70] (en version russe - 1819 [71]) et destiné à l'usage des élèves de l'Institut du Corps des ingénieurs des voies de communication (ICIVC). Ainsi, la captivité a donné naissance au premier manuel russe de calcul différentiel pour les grandes écoles techniques.

Le deuxième cas "français" qui pendant un siècle et demi est passé d'un ouvrage à l'autre sous forme d'une anecdote historique, a été élucidé tout récemment grâce aux recherches menées par les auteurs dans les archives de Paris et de Toulouse [31]. L'histoire est peu connue, résumons-là.

Le nom qui nous intéresse semble avoir été pour la première fois mentionné dans la littérature en 1878 par P. N. Andreev dans son "Aperçu de l'état de l'Institut des Ingénieurs des voies de communication sous le règne de l'Empereur Alexandre 1er" [72] : en 1813 "décéda également l'académicien Gur'jev ; son poste fut confié au français captif, capitaine du génie Gleizes qui, outre la mécanique, enseigna à l'Institut l'architecture civile et militaire du 1er septembre 1813 à juillet 1814". Le même texte est quasi littéralement répété par A. M. Larionov [9, p. 50]. Le nom de Gleizes apparaît aussi dans l'ouvrage de Charukovskij [73] et dans la thèse beaucoup plus récente de M. Voronina [74].

Tous ces auteurs ont ceci en commun qu'ils ne donnent aucune référence ; leurs textes remontent, à l'évidence, au recueil de rescrits et de rapports visés par l'Empereur, conservé à l'Institut des voies de communication [75]. Dans son rapport à l'Empereur du 31 décembre 1815 l'Inspecteur de l'Institut A. Bétancourt écrivait : "Votre Majesté Impériale a daigné autoriser au Capitaine du Corps du Génie et des Mines Gleizes, prisonnier de guerre français, à venir à Saint-Pétersbourg. - Il a repris le Cours de Mécanique et a enseigné les premiers fondements de l'Architecture Civile et Militaire. - J'ai donné l'ordre de lui payer 150 roubles par Mois à commencer du 1er Septembre 1813 jusqu'au 25 Juin 1814 - c'est-à-dire jusqu'au moment de son départ" [75, pp. 48, 50] (voir aussi [31, pp. 27, 219]).

Nous avons conservé dans les citations les particularités de l'orthographe et du syntaxe de l'original.

En été 1813, la situation à l'Institut était effectivement critique : A. Majurov qui assurait l'enseignement des mathématiques et de la mécanique étant appelé dans l'armée active [9, p. 47], Bétancourt était à la recherche d'un suppléant au poste de professeur de mathématiques pures et appliquées. Or, même si le nom du prisonnier Gleizes était déjà connu de l'inspecteur (pour des raisons que nous allons examiner plus loin), ce dernier ne pouvait pas le faire venir à Saint-Pétersbourg sans l'autorisation personnelle de l'Empereur. En attendant, Bétancourt a invité à l'Institut le mathématicien académique S. Gur'jev. Lorsqu'il est enfin arrivé, Gleizes s'est vu confier, pour commencer, le seul cours de l'architecture civile et militaire.

Conformément au rapport de Bétancourt relatif au règlement de l'Institut en 1813 [72, p. 9 ; 76], l'académicien Gur'jev donnait deux leçons de mécanique par semaine. Gleizes qui lui a succédé dans cet enseignement, devait en donner autant. Or, Gour'jev est mort le 11 décembre 1813 [8, p. 153 ; 77]. Par conséquent, Gleizes a commencé l'enseignement de cette discipline en décembre 1813 ou en janvier 1814 au plus tard. La date du début du payement - le 1er septembre 1813 - ne signifie pas encore le début de l'activité pédagogique, d'autant que la reprise des classes se faisait généralement le 1er octobre, puisqu'en été les élèves étaient censés s'occuper des travaux pratiques. Il ne s'agit là, au plus sûr, que d'une date intermédiaire qui marquait l'une des étapes de sa remise en liberté : l'autorisation de l'Empereur, le départ de Gleizes pour Saint-Pétersbourg ou son arrivée dans cette ville. En tout cas, cette même procédure avait été suivie lors de l'entrée au service des Russes, de Bazaine, Fabre, Potier et Destrem [31, p. 20].

Cette information résume à peu près tout ce qu'on peut extraire des documents conservés en Russie. Il restait toujours à savoir qui était ce capitaine Gleizes, quelle était sa formation et quelles étaient les causes de la persévérance que Bétancourt avait mise en œuvre afin d'obtenir la libération de cet officier français, un parmi tant d'autres, du lieu de son incarcération.

Que les prisonniers de guerre aient eu une possibilité théorique de s'installer provisoirement à Saint-Pétersbourg, le cas de Poncelet nous le confirme : il dit avoir eu l'intention d'adresser à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg son traité (où plutôt, son cahier publié dans l'édition de 1862 sous le n° 7) dans l'espoir d'obtenir d'elle une invitation et résider dans la capitale jusqu'à la signature de la paix. Cependant, la paix a été conclue plus vite que le prisonnier ne s'y attendait, si bien que le cahier n° 7 n'a jamais été achevé [2, p. 373 ; 23, p. 35].
Les réponses à toutes ces questions se trouvaient à la surface, mais ... en France. En feuilletant l'ouvrage de Fourcy sur la première histoire de l'École polytechnique et le "Répertoire des anciens élèves de l'Ecole" nous avons pu établir que Gleizes était polytechnicien [40, t. 2, p. 954 ; 78].
Le nom de Gleizes est aujourd'hui inclus dans la banque des données de 202 promotions de l'École polytechnique (1794-1993 ; près de 44 000 notices), travail auquel les deux auteurs ont participé pendant deux ans.

Aux archives de l'École polytechnique nous avons effectivement trouvé son matricule [79] ; un dossier de 36 pièces embrassant toute la carrière de Gleizes est conservé au Service historique de l'Armée de Terre à Vincennes [80]. La biographie de Gleizes a fait objet de deux publications que, malgré leur rareté, nous avons repérées à la Bibliothèque nationale ; l'auteur des deux, N. Joly, avait connu Gleizes en personne [81 ; 82]. Une notice lui a été consacrée dans le Dictionnaire de biographie française [83].

A partir de ces documents, nous avons tenté d'esquisser le portrait de Gleizes que voici : Joseph Marie Anne Jean Antoine Auguste Gleizes naquit le 23 mars 1781 à Dourgne (Tarn). Son père fut avocat et commissaire révolutionnaire à Toulouse. En 1798 Gleizes entra à l'École polytechnique et, à sa sortie en 1801, il fut intégré au Corps du Génie militaire. Il fit la campagne russe en qualité d'adjudant du général F. Ch. L. Chasseloup-Laubat (1754-1833), ingénieur en chef de la Grande Armée [84]. Gleizes prit part à la bataille de Borodino, décisive pour l'issue de la guerre, et plus tard fut chargé d'assurer la traversée de la Berezina lors de la retraite des troupes françaises. Épuisé à l'extrême et atteint d'une maladie grave, il se vit obligé de quitter l'armée (9.12.1812) et de s'attarder à Vilna où il fut hébergé, soigné et quasiment arraché à la mort grâce aux efforts d'un médecin juif.

Ainsi, chez N. Joly on lit (le texte reproduit, à l'évidence, les souvenirs de Gleizes) : "Un médecin juif, pour lequel il a conservé jusqu'à son dernier jour un souvenir plein de reconnaissance, le recueillit chez lui, et à force de soins et de dévouement, parvint à arracher à la mort cette malheureuse victime de la guerre et des frimas" [81, p 9]. Et dans l'autre brochure : "<...> il se vit obligé de s'arrêter à Wilna, chez un médecin Israélite, aux soins duquel il dut la vie, et qu'il n'a jamais oublié."[82, p. 4].Ce passage a attiré notre attention comme un contre-exemple du témoignage du comte Langeron tel qu'il se présente dans la fameuse publication de ses notes concernant la campagne de 1812 dans la revue "Russkij arhiv" (Les Archives russes) [83]. En parlant de la retraite des troupes françaises qui avaient quitté Vilna le 27 novembre (9 décembre) 1812, Langeron en offre la description suivante : "Vilna était pleine de malades et de blessés ; nous [les troupes russes -I.D.G.] en avons trouvé environ vingt mille" [85, p. 160]. Ce texte est accompagné d'une note faite soit par le mémorialiste lui-même, soit par l'éditeur de la revue Petr Bartenev, connu par ailleurs pour ses opinions antisémites. Le texte n'étant muni d'aucun commentaire permettant d'établir la paternité de cette note, nous sommes plutôt censés croire que c'était Langeron lui-même, d'autant plus que son traducteur emploie les termes "le juif" et "juif", tandis que Bartenev, là où il met ses initiales (p. ex. la note sur la p. 154) utilise le terme moins neutre -"jidovskij" qui, à l'époque revêtait déjà cette nuance péjorative qu'on lui connaît aujourd'hui en russe. Voici cette note : "Les Juifs mettaient à la porte tous ceux qui cherchaient un refuge chez eux et les jetaient dehors où ils mouraient" [85, p. 160].
On peut admettre que ces deux comportements opposés se soient manifestés (d'autant que les Juifs des territoires polonais sympathisaient avec les Russes et aidaient leurs troupes en guerre). D'ici à chasser les blessés en masse, il y a une grande distance, et le témoignage de Gleizes, acteur des événements et un des secourus, le confirme.
Suivant le récit quelque peu emphatique de Joly, Gleizes aurait décliné la proposition avantageuse d'entrer au service de la Moscovie en qualité d'ingénieur. Occuper le poste de professeur de mathématiques (sic !) dans un établissement nouvellement créé, encore que temporairement, jusqu'à la conclusion de la paix, fut l'unique concession qu'il accepta de faire [81, p. 9 ; 82, pp. 4-5]. De surcroît, il aurait été chargé d'un projet portant sur la délimitation des frontières en Caucasie [81, p. 10]. Une fois la paix conclue, Gleizes rentra en France où il poursuivit son service au Corps du Génie militaire. Nommé colonel de ce corps en 1838, il en démissionna en 1841 et rentra à Toulouse où il s'adonna à l'activité scientifique. En 1842 il devint membre de la Société d'Archéologie du Midi, puis, en 1843, fut élu à l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse et admis dans quelques autres sociétés savantes. Il mourut le 6 avril 1863. Ses travaux scientifiques portèrent essentiellement sur l'art de construire, l'architecture, l'économie, mais point sur la mécanique ou les mathématiques.

Il reste toujours à expliquer le choix qu'on a fait de la personne de Gleizes pour assurer l'emploi de professeur de mathématiques dans un établissement de Saint-Pétersbourg.

La clé de l'énigme se trouve dans la généalogie de Bazaine [86], futur directeur de l'ICIVC, et, comme Gleizes, considéré comme prisonnier de guerre en 1813. En 1817 Bazaine a épousé Stéphanie Alexandrine de Sénovert (1801-47), fille du général-major Etienne François (Stepan Ignatévich) de Sénovert (1753-1831), premier directeur de l'Institut [87].

C'est en étudiant la branche des Sénovert que nous avons trouvé les chaînons manquants de l'aventure russe de Gleizes. E. F. de Sénovert avait une cousine du côté maternel - Aglaé Jeanne Antonine Laurence Angliviel de La Beaumelle (1768-1853).

La mère de F. E. de Sénovert est née Lavaysse [86]
En 1794 cette cousine a épousé Jean Antoine Gleizes (1773-1843), écrivain de renom et frère aîné de notre personnage [83 ; 86]. Un degré de parenté assez proche pour un grand clan toulousain de l'époque.

Le Sénovert en question s'était installé en Russie à partir de 1804. Son adresse ainsi que ses succès professionnels devaient être connus de la famille. Une fois en captivité, Gleizes aurait tout simplement écrit à son cousin en sollicitant son concours. Le reste n'était qu'une procédure administrative mise sur pied par Sénovert avec l'aide de Bétancourt, son supérieur et son camarade d'exil. De retour en France, Gleizes a encore renforcé ses liens familiaux avec Sénovert en épousant en 1817 sa nièce du côté maternel, Jenny Henriette Cafarelli du Falga (1796-1869), Lavaysse de par sa mère [80].

Jenny Henriette était parente éloignée de F. E. de Sénovert : ses liens avec la famille des Sénovert étaient doubles : par sa mère et par son père, L. M. J. de Cafarelli, l'un des six fameux frères qui ont marqué l'histoire française. Les deux familles, celles des Cafarelli et des Sénovert, se sont croisées au niveau de la troisième génération [86]

Ainsi, l'arrivée de Gleizes à Saint-Pétersbourg a cessé d'être une énigme. Mais il y a un aspect qui étonne toujours : comment cet homme choisi selon le principe de parenté et n'ayant jamais plus travaillé par la suite en matière de mathématiques ou de mécanique a-t-il su s'acquitter avec honneur de ses charges professorales dans ce domaine, et ceci à la place d'un notable des mathématiques qu'était l'académicien Gur'jev ?

En trouvant la réponse à cette question nous réussirons peut-être à élucider en même temps le phénomène Poncelet et le cas Bazaine.

CONCLUSION

Qu'y a-t-il, en effet, en commun entre les personnages aussi différents que Poncelet, Bazaine et Gleizes ?

La réponse est explicite : ils appartiennent tous à l'une ou l'autre des premières promotions de l'École polytechnique de Paris. Aussi différents que fussent les domaines de l'exercice de leur art, le degré de leur talent et l'impact de chacun sur le monde de la recherche, ils ont tous été élèves de L. Lagrange et de G. Monge, de N. P. Hachette et de L. Carnot, mathématiciens, mécaniciens et enseignants de premier rang. L'esprit de mathématiques qui représentait pour ces maîtres l'essence de la formation de l'ingénieur, ils ont réussi à l'inculquer à leurs disciples, ayant formé chez eux une mentalité professionnelle toute particulière, "mathématisée" à l'extrême, qui devint un exercice quotidien, une démarche coutumière inséparable de la vie courante, voire un trait de caractère. De façon que, une fois en captivité, isolés, vivant dans des conditions extrêmes, ils ont tous choisi les mathématiques et la mécanique comme leurs activités privilégiées, ils se sont accrochés à elles comme aux bouées de sauvetage qui les arrachaient à la solitude et à la misère, à la mélancolie et à l'inaction. Quelle que soit la forme que revêtait cette activité. Quels que soient ses résultats et son impact effectifs. Poncelet lui même nous offre un témoignage émouvant de cette attitude quand, à l'âge mûr, revoyant cette épisode de sa jeunesse à travers l'épaisseur du temps, il en retrouve la fraîcheur et l'élan, libre de l'amertume de la défaite et des souffrances passées, et avoue, nostalgique : "Lorsqu'en juin 1814, à la notification de la paix générale, je dus inopinément quitter Saratoff, séjour pour moi de privations et d'exil, ce fut avec une joie bien vive que je pensais au bonheur de revoir ma patrie, ma ville natale, mes parents, mes amis. Et cependant, en jetant un dernier regard sur cette contrée qu'arrose le plus grand des fleuves de l'Europe, sur ce Volga que sillonnent à pleines voiles de gros navires chargés des riches tributs de la mer Caspienne, de la Géorgie et de la Perse, après que le soleil d'avril l'a débarrassé de ses immenses et épais glaçons qui, chaque année, viennent soulever, briser ces mêmes navires mal abrités le long d'un quai créé par la nature, et saper avec une puissance irrésistible le pied des rives et des côtes voisines entièrement dénudées ; quand je dus abandonner cette ville renaissante, à longues files de maisons isolées, en bois, etc., les steppes incultes, mais non pas stériles, qui l'entourent, je ne pus me défendre d'une émotion profonde et d'un vif sentiment d'appréhension, en me demandant si, au milieu de la vie active qui m'attendait, je pourrais poursuivre, comme dans le silence et la solitude de l'exil, les études qui en avaient adouci l'amertume et m'étaient par là devenues si chères." [3, p. V] (Voir aussi [23, p. 39]).

Dans ce contexte, le fait même nous paraît significatif puisqu'il traduit à sa façon le triomphe de l'enseignement organisé par une poignée de réformateurs emportés par l'élan révolutionnaire et patriotique. Pendant les premières décennies de son existence, l'établissement appelé à dispenser cet enseignement a formé une pléiade de savants de premier rang, tels que A. Cauchy, G. Lamé, J. V. Poncelet, S. Carnot ou L. M. A. Navier. De surcroît, il a fourni toute une population de chercheurs extrêmement qualifiés et instruits qui, même s'ils étaient d'une envergure moindre, réalisèrent pourtant des travaux de qualité dans les domaines concernés. Même si ces travaux scientifiques, envisagés individuellement n'ont pas marqué d'une façon considérable l'histoire de chacune des disciplines , ensemble, ils constituent toutefois une entité impossible à ignorer. L'étude de ce phénomène offre un champ d'action assez vaste pour les historiens des mathématiques. Une des premières tentatives dans ce domaine a déjà été entreprise, notamment par I. Grattan-Guinness, dans son importante monographie Convolutions in French Mathematics, 1800-1840 [13].

Retournons maintenant à Poncelet, au sujet qui est à l'origine de cet article et aux questions qu'il suscite, dont la première et la plus simple se résume en ceci : que nous apporte le cahier de Saratov rempli par Poncelet il y a 185 ans et sur lequel Kenneth Manders appelait notre attention en mai 1996 ?

Son authenticité nous paraît assez significative en elle-même puisqu'elle constitue la preuve éloquente des événements révolus et devenus quasi légendaires. Cette conclusion nourrit l'espoir de découvrir un jour d'autres textes originaux du savant, et notamment ses lettres, envoyées en 1814 à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg dont il est devenu membre-correspondant 43 ans plus tard [3, p. 1-2 ; 8, pp. 387-388 ; 23, p. 35 ; 41 ; 50] (voir aussi la note (26)). Elles sont probablement à rechercher non pas aux archives académiques, mais aux archives des administrations militaires ou régionales.

D'autre part, cette recherche nous a permis d'établir avec précision la date du début du travail qui a marqué la deuxième naissance de la géométrie projective. Cette date est le 11 mars 1813.

Elle a également permis d'apporter quelques compléments et corrections dans l'histoire des filigranes et de l'industrie du papier russe.

Elle a surtout offert une possibilité de réaliser une recherche impossible par ailleurs : faire une analyse comparée de l'original de Saratov et de sa version publiée. Les connaissances de Poncelet de 1813 et de 1861 ne sont pas comparables. Ces deux époques sont séparées par un demi-siècle de travail intellectuel intense et productif. De quelle manière et en quelle mesure a-t-il influencé la rédaction finale ? La prolifération des commentaires et des annexes ? Tout en tenant compte de la remarque de Poncelet qui déclare dans l'introduction s'être abstenu d'y apporter des changements significatifs [2, p. xij]. Ceux qu'il a tenu quand même à faire sont d'autant plus intéressants à étudier. L'analyse des dessins non-intégrés dans le texte publié nous paraît d'un intérêt tout particulier.

Une opportunité nous est donnée de suivre en action la pensée créatrice d'un homme travaillant dans les conditions exceptionnelles de l'isolement scientifique total et de voir comment ce même homme, armé de 50 ans d'expérience professionnelle, a tenté de "nettoyer" le manuscrit, sans en altérer le sens primitif en éliminant du texte final les imperfections de la pensée et du style qui constituent la preuve majeure de son exploit scientifique. Le pari de cette étude réside dans l'analyse en filigrane du style du texte mathématique écrit à l'heure d'une grande tourmente par un jeune ingénieur "romantique" fraîchement émoulu de l'Ecole, et relu par un vieux savant renommé et reconnu qu'il est devenu par la suite, à l'heure où il s'apprête à mettre le point final à l'oeuvre de sa vie. Ce travail est de taille à passionner les historiens des mathématiques, et notre article vise à faire appel à leurs compétences pour tenter cette fascinante analyse.

En conclusion, les auteurs tiennent à exprimer leur profonde reconnaissance à tous ceux qui ont apporté leur concours lors de la réalisation de cette recherche, et en premier lieu aux personnels des archives et de la bibliothèque de l'École polytechnique Claudine Billoux, Marie-Christine Thooris, Jacqueline Brenot et Sébastien Langlois, ainsi qu'au directeur de la Bibliothèque de l'Institut slave Mme Marina Petrenko.

COMPLEMENTS

Le dernier cahier.

Alors que notre article était déjà terminé, nous avons pu examiner le dernier des cahiers de Saratov, conservé par la bibliothèque de l'Institut de France qui le reçut de Poncelet.

Il s'agit d'un document in 4°, 360 x 222 mm qui présente quelques différences avec le premier cahier, mais qui est rédigé sur le même papier bleu provenant de la fabrique Vjatskaja Medjanskaja et portant le filigrane de 1813. Il est aujourd'hui protégé par une couverture de papier, blanc à l'origine, maintenant assez jauni, très probablement de fabrication française. Il est longtemps resté sans couverture, à en juger par les taches et l'état détérioré de la première feuille. Les traces laissées par les fils font penser qu'il a été recousu à neuf, peut-être lorsque Poncelet s'apprêtait à le déposer à la Bibliothèque de l'Institut de France, à l'occasion de la présentation aux académiciens de ses "Applications d'analyse et de géométrie < ... >" nouvellement publiées [88-90]. Cette présentation eut lieu lors de la séance du 2 juin 1862.

Inspirés et intrigués par le résultat de notre recherche, nous nous sommes appliqués à relire avec une attention redoublée tous les procès verbaux (textes publiés, originaux manuscrits et enveloppes qui les renfermaient) des réunions de l'Académie des sciences durant lesquelles Poncelet aurait présenté ses derniers travaux [89-92]. Tout ceci pour constater qu'il n'y figurait aucun autre texte écrit de sa main. Mais par ailleurs les documents étudiés sont explicites quant à l'état de sa santé à cette époque : il était effectivement très malade puisqu'en 1864 et 1866 deux de ses ouvrages ont été présentés, à sa demande, par le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, Elie de Beaumont [91 ; 92].

Quelques mots sur le texte du manuscrit. Comme dans le premier cahier, les corrections apportées lors de la relecture de 1861-62 sont faites au dessus du texte original de 1814, à l'aide d'un crayon et d'une plume large, à l'encre noire et rouge. Occupant une place importante sur la première page, elles diminuent par la suite.

Nous tenons à remercier les documentalistes de la bibliothèque de l'Institut de France, Mesdames Chassagne et Queroux, pour l'aide qu'elles nous ont apportée lors du décryptage de ce texte.

La couverture porte l'inscription faite par Poncelet et contresignée par lui : "Dernier cahier manuscrit de l'ouvrage rédigé à Saratoff, dans les prisons de Russie, et qu'il déposa à la Bibliothèque de l'Institut conformément au procès verbal de la séance du lundi 2 juin 1862. Général Poncelet, membre de l'Académie des sciences" [88].

Une vaste note qu'on trouve à la première page nous informe de l'espoir que le jeune officier avait conçu à Saratov, d'être convoqué à l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Rédigée au moment de la relecture, elle a été publiée dans l'ouvrage de 1862 [2, p 873] (voir aussi la note (39)).

En haut de la première page, comme sur le premier cahier, apparaît une date, "Saratoff sur le Volga, le 13 mars 1814", qui marque le début du travail sur ce manuscrit. Elle nous permet de situer une étape de l'avancement de la recherche. L'auteur semble avoir daté chacun des cahiers. Malheureusement il n'a pas voulu rendre publique cette information, à l'exception de la datation (encore qu'altérée) de l'introduction du premier cahier et d'une phrase conclusive rajoutée à la fin du dernier en 1861 ou au début de 1862 : "Interrompu en juin 1814, à la notification de la paix générale. Poncelet" [88, p 32]

Lors de la publication cette phrase a été quelque peu modifiée : "Interrompu brusquement à Saratoff, en juin 1814, lors de la notification de la paix générale "[2, p 441].

Tout fait penser que ce manuscrit a été rédigé par un chercheur déjà assez sûr de lui et non par un débutant qui avançait à tâtons dans la pénombre. Il faut peut-être attribuer cette assurance au caractère plutôt récapitulatif et conclusif de ce texte, qui reprend certaines idées exposées auparavant. Notons que Poncelet lui-même le confirme dans son œuvre publiée [2, p 273].

Une feuille de papier blanc accrochée à la première page porte les instructions écrites à l'encre rouge de la main de Poncelet et destinées, à l'évidence, à ses assistants (Moutard et Mannheim ?) : "Détachez, pliez les feuillets séparément pour faciliter l'impression mais ne les coupez pas afin qu'on puisse les recoudre en cahier proprement. Poncelet. Vous retrouverez la majeure partie des opéraions des pages 10 à 22 dans les feuilles 7, 8 et 13 et feuille 19". Cette note faite à l'encre rouge clôt la relecture. On peut en inférer que toutes les autres corrections faites à l'encre rouge ont été apportées plus tardivement que les corrections faites à l'encre noire (d'autant qu'on ne trouve point de notes à l'encre rouge dans le premier cahier par lequel Poncelet a fort probablement commencé sa relecture).

Cependant la date en haut de la première page n'était pas la seule surprise que nous réservait le cahier de l'Institut. Juste au dessous du titre, on voit, clairement écrit à la main, probablement encore à Saratov. "6e cahier" et à côté une correction à l'encre rouge "7e cahier". Si on se rappelle qu'à l'époque de Saratov, le premier cahier n'était pas numéroté, et qu'il est devenu "cahier 1er" lors de la relecture, on constate que Poncelet a hésité quant à la numérotation des cahiers : peut-être parcequ'au moment où il acheva le premier manuscrit il ne considérait pas encore cette ébauche comme une partie intégrante d'une œuvre plus importante.

On peut supposer que même en achevant le premier cahier Poncelet n'était sûr ni de lui, ni de ce qu'il faisait. Il aurait donc attribué le n °1 au cahier suivant. Lorsqu'en 1861 il a procédé à la relecture, il n'était toujours pas convaincu de la nécessité de changer la numérotation. On en trouve la preuve à l'avant-dernière page (vierge) de la brochure [88, p. [9]] où l'on voit, marqué en gros caractères, au même crayon qu'on a employé pour les corrections : "VIe Cahier". Les origines de cette inscription sont faciles à expliquer si on se souvient de la structure du premier cahier confectionné de deux brochures. Ayant décidé de publier les manuscrits de Saratov Poncelet a dû, avant tout, les remettre en bon état. La feuille double extérieure (pp. 1, 2 - [11,12]) du dernier cahier est très usée à l'endroit du pliage ; par conséquent, elle ne pouvait plus servir de couverture même si on employait pour cela la dernière page ordinaire retournée. On a donc décidé de retourner non pas une mais deux pages dont celle qui devenait alors la couverture portait notamment le numéro du dernier cahier "VI". Une preuve de plus des hésitations de Poncelet qui encore au début de la relecture considérait ce premier cahier comme un manuscrit plutôt isolé.
L'avant-dernière page comporte, elle aussi, quelques annotations intéressantes, et avant tout les mots "VIIe Cahier" écrits à l'encre rouge. Cette note se rapporte, de toute évidence, à la phase finale du processus de relecture ; elle témoigne justement de la décision de modifier la numérotation. D'autre part, au dessous des mots "Cahiers à Saratoff on devine plutôt qu'on ne voit des colonnes de chiffres semi-effacées écrites au crayon : apparemment les calculs relatifs aux volumes des manuscrits qu'on préparait à la publication. Nous avons réussi à en lire quelques-unes, dont voici un échantillon :
"1er Cahier 28 1/2 pages 
2e -------- 14
3 --------- 30
4 --------- 42
5 --------- 50
6 --------- 32
     Total 196 1/2
Impression in 8° 393 pag. et 24,5 feuilles avec préface et notes — 480 <...>".
Ceci nous donne l'idée des volumes initiaux des manuscrits. D'après les calculs de Poncelet, leur volume global est de 24,5 feuilles d'impression et non pas 20 (voir la note 23). Les cahiers sont de nouveau en nombre de 6, mais le cahier n° 1 est effectivement celui qui figure comme premier dans notre recherche. Or, il existe à côté encore une colonne, moins explicite :
" 28 1/2
        32
        30
  4e .... 28
  5  .... 14 (? 24 ?)
  6  .... 32
  7  .... 32
        -----
         116
N'a-t-on pas essayé, lors de la publication, de diviser en deux les gros cahiers numérotés comme 4 et 5 dans la première colonne ? Comparons les volumes respectifs des cahiers dans les deux colonnes du manuscrit et dans le texte publié [2] en prenant pour unité celui du premier cahier, même si les notes introduites de façon inégale dans le texte publié manquent quelque peu de précision.
nn° cahiers______Colonne n° 1 Colonne n° 2______Texte publié______________
1                  1            1                 1
2                  0,49         1,12              1,09
3                  1,05         1,05              1,2
4                  1,47         0,98              1,24
5                  1,75         0,84              1,07
6                  1,12         1,12              1,18
7                               1,12              1,25
Ce tableau démontre que les volumes des cahiers de la colonne n°2 sont comparables à ceux du texte publié.

Ainsi notre examen de ce cahier, avec de nouvelles dates et l'information complémentaire qu'il apporte sur le travail de Saratov permet, nous semble-t-il, d'élargir la problématique par rapport à celle que nous avons cernée plus haut. D'abord nos trouvailles augmentent notre conviction de la possibilité de découvrir un jour d'autres documents de Poncelet datant du temps de sa captivité qui permettraient de connaître les conditions de son existence quotidienne et de suivre la progression de ses démonstrations. Et la première chose à tenter dans cette direction serait peut être de relire attentivement les sources publiées ; c'est par elles que nous avons nous mêmes été menés vers le dernier cahier (voir [29, p.206 ; 89 ; 93] et archives [45 ; 89]). Ces sources sont accessibles à tous. L'un des biographes de Poncelet a décrit le cahier conservé par l'Institut de France comme l'original du "Traité des propriétés projectives" de 1822 [29, p. 206] mais il ne s'est pas intéressé au texte lui-même, au support matériel du document et aux annotations qui ont été ajoutées au texte.

Où faut-il chercher ces documents ? En France, outre les fonds des éditions et des assistants de Poncelet déjà mentionnés, il faut scruter : les archives de l'École de l'artillerie et du génie de Metz, de la bibliothèque de la ville de Metz et des archives départementales de la Moselle. En Russie les fonds des Archives historiques militaires à Moscou dans la partie relative aux prisonniers de guerre français, ainsi que ceux des archives de la région de Saratov (les fonds de la police, de l'administration du gouverneur, etc.). Il existe une possibilité réelle de faire revivre en menus détails quotidiens, la première histoire de la création d'une branche des mathématiques dans un contexte politico-culturel assez exceptionnel. Il suffit de creuser ...

Le boulier.

Le séjour de Poncelet à Saratov a un autre lien curieux avec l'histoire des mathématiques en France, ou plutôt avec l'enseignement de cette discipline dans les écoles françaises.

Le premier à nous signaler ce détail peu connu est Simonov, historien russe, qui en fait mention dans son article consacré aux connaissances mathématiques du XVIe siècle. [96, p. 236]. Ainsi, il a écrit : "Dans sa vie quotidienne l'Europe occidentale ne connaissait point le boulier, et l'habileté avec laquelle les Russes le maniaient suscita à plusieurs reprises l'étonnement des étrangers. Le boulier scolaire comme outil de l'enseignement des mathématiques est apparu en Europe occidentale dans les années 1820 par le cheminement suivant : lors de la campagne napoléonienne en Russie en 1812, pendant la bataille de Krasnoë (du gouvernement de Smolensk) qui valut au feld-maréchal Koutouzov son titre de "Prince de Smolensk", fut fait prisonnier le lieutenant du régiment des sapeurs Jean Victor Poncelet (1788-1867). Le groupe de prisonniers de guerre français fut envoyé à pied à Saratov alors qu'il gelait à moins 30°. Poncelet fut parmi les rares à être arrivé au lieu de destination après une marche de 4 mois. En partant pour sa patrie, il y emporta le boulier russe qui sous ce nom fut utilisé dans les écoles", lors de la notification de la paix" [96].

Simonov se rapportait aux travaux de Depman [97] et de Tylor [98], et notamment au passage suivant de ce dernier :

Ce passage est absent de la 3e édition de l'ouvrage d'E. B. Tylor et de sa version française traduite à partir de la 2e édition que nous avons pu consulter [99]. Il est également absent de la 1ere édition du livre (1871) consultée à Saint-Pétersbourg. La version russe aurait été faite à partir de l'une des éditions plus tardives qui comportent au total une quinzaine d'éditions en diverses langues.
Cependant aucun des auteurs cités ne se référait à une source originale. Était-ce encore une légende suscitée par l'aventure peu commune du jeune Poncelet ? Les recherches que nous avons entreprises à Saint-Pétersbourg, avec l'aide de notre collègue russe Serguej Snjatkov, versent quelques lumières sur cette histoire confuse. Ainsi, nous avons obtenu l'extrait de l'article d'I. Spasskij consacré à l'histoire du boulier [100, p. 405] où l'auteur dit : A la différence des autres auteurs, Spasskij donne trois références. A la vérification, l'une d'elle -"Nouvelle biographie générale Didot frères, Paris, t. 40, p. 18"- s'est avérée dénuée de toute mention concernant le boulier ou Poncelet.
Ce volume contient néanmoins une notice sur Poncelet (p. 735), mais elle non plus ne souffle mot sur le boulier [26].
Une autre référence se présente ainsi : "Nouveau Larousse illustré, 1, Abaque". Nous avons consulté toute une série d'éditions du dictionnaire "Larousse" parues entre 1866 et 1982 et nous pouvons constater que la phrase concernant la Russie comporte au moins deux erreurs. Cette phrase reste immuable dans toutes les éditions du^XXe siècle. : "Abaque <•••> cette machine a été introduite en Russie vers la fin du Moyen Âge par les mongols, et importée en 1812 dans notre pays, où elle est employée dans les écoles sous le nom de boulier-compteur" [101]. La notice de l'édition 1866 s'étend un peu plus sur l'usage scolaire de cet outil :
"Abaque <•••> cette machine a été <•••> importée en 1812 dans notre pays, où elle est employée dans les salles d'asile, sous le nom de boulier, pour enseigner aux enfants les premiers éléments de l'arithmétique" [102].

Les erreurs que nous avons mentionnées concernent les périodes de l'introduction du boulier ("stchoty" ou "schëty"en russe) à la fois en Russie et en France. Ainsi, les articles de la fameuse encyclopédie contrarient à l'unanimité l'assertion de Spasskij qui se réfère à eux.

Selon les études russes le "schëty" n'apparaît en Russie que vers la fin du XVIe siècle, donc à une époque beaucoup plus tardive que l'invasion mongole [96 ; 100 ; 103]. Sur le boulier russe voir aussi [104].
Soit le boulier a été amené en France par quelqu'un d'autre que Poncelet, rentré dans sa patrie en 1814, soit une confusion s'est produite lors de nombreuses rééditions.
Depman cité plus haut semble encore plus négligent quant aux dates ; selon lui Poncelet avait rapporté le boulier de la campagne russe tandis que cet instrument a fait son apparition en Europe dans las années 1820 [97]. Poncelet aurait-il mis six ans à venir de la Russie en France ?

Curieusement, l'encyclopédie publiée 13 ans avant la première édition de "Larousse" que nous avons consultée est beaucoup plus prudente : "Abaque <•••> Voici en quoi consiste ce petit appareil d'une simplicité extrême, fort habilement manié par les Russes, qui le désignent sous le nom de stchote <•••> L'abacus que nous venons de représenter a été introduit dans quelques écoles en France, pour l'instruction des plus jeunes enfants" [105].

Ce même Spasskij nous fournit finalement la clé pour rétablir les faits exacts. Il se réfère à la première édition du livre de M. Cantor [106].

Nous remercions S. Snjatkov qui nous a fourni cet extrait de l'ouvrage de Cantor, et A. Boulbitch qui nous a aidé à traduire les passages concernés dans les deux éditions du livre de cet auteur [106 ; 107].
Ayant décrit le "stchot" que, selon lui, on pouvait trouver dans n'importe quelle boutique russe, Cantor poursuit : "<•••> l'appareil de calcul russe arriva en France par les soins de Poncelet qui l'avait apporté de la campagne russe dans les écoles de Metz. Il est maintenant d'usage dans presque toutes les classes pour les jeunes enfants <•••>". Dans la réédition de 1913 Cantor réfléchit sur les modalités de ce transfert et s'interroge sur les raisons qui ont pu inciter Poncelet, ce "mathématicien hors rang", à introduire en France "une planche de calcul avec des boules quelconques dont il avait observé l'usage lors de son séjour de prisonnier en Russie", une planche qui sous le nom de "boulier" ou, en allemand, "kugelbrett" s'est répandue par la suite dans presque toutes les écoles primaires en Europe ? Et il répond : "Poncelet a compris l'avantage de cet appareil qu'il n'a jamais privilégié dans ses propres calculs, mais dans lequel il a entrevu un outil d'enseignement de la même façon que nous l'estimons par rapport aux époques des XVe et XVIe siècles".
A la différence de l'Europe occidentale ou le boulier a effectivement été utilisé dans l'enseignement par excellence, l'usage de cet appareil de calcul a persisté en Russie jusque dans les années 1970 où il a été remplacé progressivement par les microcalculateurs. Les auteurs de cet articles en sont témoins puisqu'ils ont eux-mêmes utilisé cette machine dans leur enseignement primaire, secondaire et supérieur. L'un d'eux, armé de cet appareil et de la règle à calculer, a même gagné le pari contre un étudiant qui maniait le microcalculateur fabriqué à Hong-Kong pour effectuer une série d'opérations mathématiques dans un temps donné.
Cantor nous donne enfin une référence relative à la source primaire relatant le rôle de Poncelet dans l'histoire du boulier. C'est le rapport de Chasles présenté à la séance de l'Académie des Sciences de Paris le 26 juin 1843 [108]. Citons le passage concerné de la version publiée de ce rapport : "De nos jours encore on se sert de cet instrument en Russie et dans quelques parties de la Pologne. Depuis quelques années il a été introduit dans nos salles d'asile pour l'instruction des plus jeunes enfants ; il y porte le nom de boulier. C'est, je crois, à M. Poncelet que l'on doit d'avoir importé de Russie cet instrument, et d'en avoir introduit l'usage en premier lieu dans les écoles de Metz".

Ce témoignage nous paraît sérieux : Chasles connaissait Poncelet en personne, et l'histoire du boulier lui a probablement été relatée par son acteur principal. Malheureusement Poncelet, alors membre de l'Institut depuis neuf ans, n'a pas assisté à cette réunion (en tout cas sa signature ne figure pas sur la liste du registre de présence pour la date concernée) alors que certaines décisions de l'assistance le concernaient directement [109].Cependant il a sans doute pris connaissance du rapport de son collègue, d'autant qu'il y était question de ses travaux. Or, Poncelet ne l'a jamais contesté. Ni le rapport ni sa version publiée n'ont suscité, à l'évidence, une quelconque polémique.

Ainsi, en confrontant les travaux de Chasles, de Cantor et de Tylor, auteurs qui ont introduit dans les milieux scientifiques l'information concernant l'apparition et l'usage du boulier en Europe occidentale, avec les dates établies nous pouvons tenter de reconstituer les faits :

Poncelet apporta le boulier de la Russie en France en automne 1814.

L'information concernant l'usage en Russie d'un appareil de calcul assez particulier à l'époque pré-pétrovienne a été connue en France par les soins de Voltaire qui l'avait relatée dans ses "Histoire de Charles XII" (1729) et "Histoire de l'empire de Russie sous Pierre-le Grand" (1757-59) [110 ; 111]). L'idée des origines mongoles du boulier ne remonte-elle pas, elle aussi, à Voltaire ?
Aussitôt après il l'a introduit dans l'enseignement des mathématiques dans quelques écoles primaires de Metz, lieu de son affectation professionnelle de l'époque. Vers le début des années 1840 le boulier se répand par ailleurs et il est progressivement utilisé dans la plupart des écoles françaises. Dans les années 1860 au plus tard, il est également introduit dans l'enseignement primaire en Allemagne et dans d'autres pays européens, notamment en Angleterre. Les archives de la ville de Metz ne contiennent-elles pas quelque part dans leurs tréfonds l'information sur cette expérience pédagogique originale de Poncelet ?

Eclipsée dans l'ombre monumentale de la géométrie projective, cette petite aventure du boulier, modeste appareil de calcul, ne nous semble pas moins significative, à sa façon, des phénomènes de transferts, d'adaptation et de diffusion des connaissances entre la Russie et l'Europe occidentale. L'histoire de ces échanges s'est enrichie de quelques pages passionnantes dans le sillage de la guerre et de la captivité, et grâce aux mathématiques.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

1. [Poncelet J. V. ]. Cercles. — Saratoff, 1813. — [21], 29, [52] p. — Manuscrit. — AÉP (Palaiseau, France). — Fonds Poncelet. — Carton n° 5. — Dossier n° 74. — [18] f.

2a. [Poncelet J. V. ]. Applications d'analyse et de géométrie, qui ont servi, en 1822, de principal fondement au Traité des propriétés projectives des figures, Par J. -V. Poncelet ; Comprenant la matière de sept cahiers manuscrits rédigés à Saratoff dans les prisons de Russie (1813 à 1814), et accompagnés de divers autres écrits, anciens ou nouveaux, Annotés par l'Auteur et suivis d'Additions par MM. Mannheim et Moutard, anciens Élèves de l'École Polytechnique. — Paris : Mallet-Bachelier, 1862. — xiij, 563, [1] p.

2b. [Poncelet J. V. ]. Applications d'analyse et de géométrie, qui ont servi de principal fondement au Traité des propriétés projectives des figures, Par J. -V. Poncelet. Avec Additions par M. M. Mannheim et Moutard, anciens Élèves de l'Ecole Polytechnique. — T. 1. — Paris : Mallet-Bachelier, 1862. — xiij, 563, [1] p.

2c. [Poncelet J. V. ]. Applications d'analyse et de géométrie, qui ont servi, en 1822, de principal fondement au Traité des propriétés projectives des figures, Par J. -V. Poncelet ; comprenant la matière de sept cahiers manuscrits rédigés à Saratoff dans les prisons de Russie (1813 à 1814), et accompagnés de divers autres écrits, anciens ou nouveaux, annotés par l'auteur et suivis d'additions par MM. Mannheim et Moutard, anciens Élèves de l'École Polytechnique. — Paris : Mallet-Bachelier, 1862. — xiij, [1] p.

3. Idem. — T. 2eme et dernier. — Paris : Gauthier-Villars, <•••> successeur de Mallet-Bachelier, 1864. — VII, 602 p.

4. Poncelet J. V. Traité des propriétés projectives des figures, ouvrage utile à ceux qui s'occupent des applications de la géométrie sur le terrain. — Paris ; Metz, 1822. — 426 p., 12 pl.

5. Poncelet J. V. Traité des propriétés projectives des figures, ouvrage utile à ceux qui s'occupent des applications de la géométrie descriptive et d'opérations géométriques sur le terrain. — 2eme éd. , revue, corrigée et augmentée d'annotations nouvelles. — T. 1. — Paris : Gauthier-Villars, successeur de Mallet-Bachelier, 1865. — XXXIII, 428 p., XII pl.

6. Idem. — 2eme éd. , revue par l'auteur et augmentée de sections et d'annotations nouvelles ou jusqu'ici inédites. — T. 2. — Paris : Gauthier-Villars, successeur de Mallet-Bachelier, 1866. — VIII, 452 p. , 6 pl.

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50. Jacobi M. H. Lettre à Poncelet. — SPb. , 1858, 2/14 Janvier . — AÉP (Palaiseau). — Fonds PonceleL — Carton n° 1. — Dossier n° 2. — [1] f. — En version russe par T. N. Klado réalisé a partir de la copie conservée aux Archives de l'Académie des sciences à S.-Pétersbourg ; voir : [41, p. 121] avec la référence : AAN SSSR, f. 187, op. 1, n° 259.

51. [Poncelet J. V. ]. Notice analytique sur les travaux de M. Poncelet, chef de bataillon du Génie, Professeur de Mécanique appliquée aux machines, actuellement adjoint au Comité des fortifications à Paris. — [Paris] : Bachelier, [1834]. — 36 p.

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78. Fourcy A. Histoire de l'École polytechnique. — Paris : L'École polytechnique, 1828. — P. 405, 491 ; Idem. Réédition fac-similé : Avec Introduction de J. Dhombres. — Paris : Belin, 1987. — P. 405,491.

79. AÉP (Palaiseau). — Registre de Matricules des élèves. — Vol. 1-2 : 1794-1802. — F. 144.

80. SHAT (Vincennes, France). — Pension. — Dossier n° 27980 / 2 série : Gleizes, Joseph Marie Anne Jean Antoine Auguste. — 38 pièces.

81. Joly N. Le Colonel Gleizes, sa vie et ses travaux. — Toulouse : Ch. Douladoure, 1865. — 28 p. — (Voir aussi : Journal de Toulouse. — 1863, 12.4. — No visu).

82. Joly N. Éloge Histoire du Colonel Gleizes : Extrait des Mémoires de l'Académie impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse. — Toulouse : Ch. Douladoure, [1865]. — 15 p. — (Voir aussi : Mémoires de l'Académie impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse. — T. 3. — 6e série. — No visu).

83. Gleizes (Joseph-Antoine-Auguste) / H. Blémont // Dictionnaire de Biographie française. — T. 16. — Paris : Letouzey et Ané, 1985. — Col. 358-359.

84. Chasselout-Laubat (Francois-Charles-Louis) / É. Franceschini // Dictionnaire de biographie française. — T. 8. — Paris : Letouzey, 1959. — Col. 710-712 ; de Chasselout-Laubat (François, marquis) // Dictionnaire historique et biographique des généraux français, par le Chevalier de Courcelles. — T. 4. — Paris, 1822. — P. 187-193.

85. [Lanzheron A. F. ]. Iz zapisok grafa Lanzherona (Perevedeno s francuzskogo) // Russkij arhiv. — 1895. — Kn. 3, n° 9. — P. 147-160. — Avec la référence : Nouvelle Revue Rétrospective, 2e cah.

86. Gouzévitch D. , Gouzévitch I. Généalogie des familles Bazaine et Senovert avec des branches collatérales (à l'exception de la famille Pépin-Lehalleur). — Paris, 1992. — [24] f. — Manuscrit. — Archives des auteurs ; Valynseele J. Les Maréchaux de Napoléon III : leurs familles et leur descendance <•••>. — Paris, 1980. — P. 524-553 ; Romane-Musculus P. Lavaysse. — S. p. , s. d. — P. 1-22. — Manuscrit. — Bibliothèque municipale de Toulouse, LmB. 1244(13a).

87. Gouzévitch D., Gouzévitch I. Etienne-François de Senovert, traducteur en français des oeuvres de J. Steuart : Trois volets d'une vie (1753-1831) //James Steuart en 1995 : Colloque International (14 -15 -16 septembre 1995; Musée de la Révolution française; Château de Vizille) : [Résumés des communications]. — [Grenoble, 1995]. — 1, 22 p. ; Birembaut A. Un économiste oublié : Etienne-François de Senovert (1753-1831) //Annales historiques de la Révolution Française. — 1957, avr.-juin. _N° 147.— P. 153-158.

88. [Poncelet J. V. ]. Dernier cahier manuscrit de l'ouvrage rédigé à Saratoff, dans les prisons de Russie, en 1813 et 1814, par M. Poncelet, et qu'il déposa à la bibliothèque de l'Institut conformément au procès verbal de la Séance du lundi 2 Juin 1862. Gal Poncelet, membre de l'Académie des sciences. — Saratoff, 1814. — 32, [12] p. — Manuscrit — Bibliothèque de l'Institut de France (Paris). — MS 2381 (VI).

89. Séance du lundi 2 juin 1862 // Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences <•••>. — T. 54 : Janvier-juin 1862. — Paris : Mallet-Bachelier, 1862. — P. 1137, 1144-1148.

90. AAS (Paris). — Pochette de la séance du 2 juin 1862 (N° 21).

91. Séance du lundi 4 juillet 1864 // Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences <•••>. — T. 59 : Juillet-décembre 1864. — Paris : Gauthier-Villars, 1864. — P. 5-6 ; Idem, 30 janvier 1865 // Ibidem. — T. 60 : Janvier-juin 1865. — Ibidem, 1865. — P. 185-186 ; AAS (Paris). — Pochettes des séances des 4.7.1864 (N° 1), 30.1.1865 (N° 5).

92. Séance du lundi 18 juin 1866 // Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences <•••>. — T. 62 : Janvier-juin 1866. — Paris : Gauthier-Villars, 1866. — P. 1297-1298 ; AAS (Paris). — Pochette de la séance du 18.6.1866 (N°25).

93. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Bibliothèque de l'Institut. — Paris : Plon, 1928. — P. 397. 68

94. Lettre de J. V. Poncelet à F. Arago du 28.2.1834. — Bibliothèque de l'Institut de France. — MS 2043 : François Arago. — N°199. — 2 f.

95. Zhitkov S. M. Institut Inzhenerov putej soobshchenija Imperatora Aleksandra I : Istoricheskij ocherk. — SPb., 1899. — P. V-VI.

96. Simonov R. A., Kuzakov V. K. Estestvennonauchnye znanija // Ocherki russkoj kul'tury XVI veka. — Ch. 2. — M. : Izd-vo Mosk. un-ta, 1977. — P. 236.

97. Depman I. Ja. Istorija arifmetiki : Posobie dlja uchitelej. — M. : Uchpedgiz, 1959. — P. 90. *

98. [Tylor E. ] Tèjlor È. Pervobytnaja kul'tura / Trad. de l'anglais sous la red. de V. K. Nikol'skij. — M. : Gossocègiz, 1939. — P. 187. *

99. Tylor, Edward B. Primitive culture <•••>. — 3rd éd., revised. — Vol. 1. — London : John Murray, 1891. — xii, 502 p. ; Idem. La civilisation primitive / Trad. de l'anglais sur la 2ème éd. par P. Brunet. — T. 1. — Paris : C. Reinwald et Ce, 1876. — XVI, 584 p.

100. Spasskij I. G. Proishozhdenie i istorija russkih schetov // Istoriko-matematicheskie issledovanija. — Vyp. 5. — M. : Gostehteorizdat, 1952. — P. 269-420. *

101. Abaque // Larousse du XXe siècle en 6 vol. — T. 1. — Paris : Larousse, 1928. — P. 4 ; Abaque // Grand Larousse encyclopédique en 10 vol. — T. 1. — Ibidem, 1960. — P. 6 ; Abaque // Grand dictionnaire encyclopédique Larousse. — T. 1. — Ibidem, 1982. — P. 6.

102. Abaque // Grand dictionnaire universel du XIXe siècle. — T. 1. — Paris : Pierre Larousse, 1866. — P. 11.

103. Schëty // BSÈ. — Éd. 2ème. — T. 41. — M. : BSÈ, 1956. — P. 400 ; Schëty // BSÈ. — Éd. 3ème. — T. 25. — M. : SE, 1976. — P. 132.

104. Kuzakov V. K. Ocherki razvitija estestvennonauchnyh i tehnicheskih predstavlenij na Rusi v X-XVII vv. — M. : Nauka, 1976. — P. 124-125 ; Istorija matematiki s drevnejshih vremen do nachala XIX stoletija : V 3 t. / Éd. A. P. Jushkevich. — T. 2 : Matematika XVII stoletija. — M. : Nauka, 1970. — P. 63-65.

105. Abaque // Le dictionnaire universel Panthéon littéraire et encyclopédie illustrée par Maurice La Chatre <•••>. — T. 1. — Paris : Administration de libraire, 1853. — P. 11.

106. Cantor M. Mathemetische Beiträge zum Kulturleben der Völker. — Halle, 1863. — P. 130. *

107. Cantor M. Vorlesungen über Geschichte der Mathematik. — Bd. 2. — Leipzig : B. G. Teubner, 1913. — S. 220.

108. Chasles M. Développements et détails historiques sur divers points du système de l'Abacus // Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences. — T. 16, n° 25 : Séance du lundi 26 juin 1843. — Paris, 1843. — P. 1409.

109. AAS (Paris). — Registre de présence. — 1B 13 : 1843-1848 ("Feuilles de présence 1843 à 1848"). — F. : 26.06.1843 ; AAS (Paris). — Pochette de séance. — 26.06.1843 ; Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences. — T. 16 : janvier-juin 1843. — Paris : Bachelier, 1843. — Séance du lundi 26 juin 1843.— P. 1379-1441.

110. Voltaire. Histoire de Charles XII Roi de Suède // Voltaire. Oeuvre historique I texte établi, annoté et présenté par René Pomeau. — Paris : Gallimard, 1957. — P. 69 ; Voltaire. Histoire de l'Empire de Russie sous Pierre le Grand // Ibidem. — P. 422.

111. Du stchote ou machine à calculs usitée en Russie : Origine de notre système de numération écrite // Magasine pittoresque. — 1839. — T. 7, n° 11. — P. 87-88.

* Les données marquées par un (*) ont été obtenues grâce à l'amabilité et aux efforts continus de Sergej. Snjatkov. Sans son aide nous n'aurions pas pu élucider l'histoire du boulier. Nous tenons à lui exprimer notre profonde reconnaissance.

ABREVATIONS

AAN SSSR — Arhiv Akademii nauk SSSR (Arhiv Rossijskoj Akademii nauk)
AAS (Paris) — Archives de l'Académie des Sciences (Paris)
AÉP (Palaiseau) — Archives de l'École polytechnique (Palaiseau, France)
BSÈ — Bol'shaja sovetskaja ènciklopedija
CGI A SPb — Central'nyj gosudarstvennyj arhiv S.-Peterburga.
M. — Moskva
RGIA — Rossijskij gosudarstvennyj istoricheskij arhiv
SHAT — Service historique de l'armée de terre (Vincennes).
SPb. — Sankt-Peterburg (Saint-Pétersbourg)