Car, de tous les actes, le plus complet, c'est de construire. Paul Valéry
Rendu à sa première carrière de constructeur de grands ouvrages en béton armé, Caquot va dessiner de nombreux ouvrages en béton armé de caractéristiques les plus hardies.
Mais il ne le fait qu'après des études étendues du matériau composite qu'il utilise, où se marient des composants si différents. Il propose des tests permettant un meilleur contrôle de la matière. Les ciments, en particulier, font l'objet de nouveaux tests qu'il définit ; il bâtit une théorie générale de la granulation des bétons, en tenant compte du volume des échantillons, de la densité des armatures et des dimensions des agrégats. Il fut l'inspirateur et l'animateur des commissions qui établirent des règlements du béton armé, à l'avant-garde des règlements mondiaux. [Courbon J., Albert Caquot, sa vie, son œuvre. Annales des Ponts et Chaussées, 1er trimestre 1977].
Progressivement, il passe du domaine du béton armé à celui de la matière elle-même. Avant 1815, on ignorait le domaine de l'élasticité des matériaux: Thomas Young, savant anglais, montre alors que celui-ci précède celui de la rupture, la déformation étant proportionnelle à l'effort. Albert Caquot va montrer que c'est là une vue simplifiée des choses et combattre cette théorie héritée du XIXème siècle, en énonçant, en 1930, le théorème de l'adaptation : l'architecture interne ne se maintient que dans le domaine élastique ; elle se modifie dès que la réversibilité cesse d'exister, mais une structure est encore durable quand sa déformation se décompose en une déformation permanente tendant vers une limite finie et en une déformation réversible, à condition que celle-ci s'inscrive dans un domaine plus restreint qu'il appelle celui de l'endurance.
En d'autres termes, dans tout système soumis à une charge progressive, il se produira simultanément des déformations élastiques et des déformations permanentes, ces dernières traduisant la tendance de la matière à s'adapter aux sollicitations dont elle est l'objet ; mais, s'étant adaptée, elle ne saurait supporter des efforts alternés supérieurs à une certaine amplitude.
Il crée aussi la notion féconde de " courbe intrinsèque ". Elle définit la méridienne de la surface de révolution enveloppant, en un point donné, toutes les contraintes élastiques localement admissibles qui agissent sur les éléments de surface passant par ce point. Cette notion élucide et résout les contradictions et discordances d'hypothèses antérieurement proposées ou usitées, aussi bien celle de Saint-Venant, qui ne tenait compte que de la plus grande dilatation, que celle de Lamé et Clapeyron, qui admettaient que tout dépend de la plus grande des trois contraintes principales.
On sait quel développement ont connu toutes ces notions générales et quelle est l'importance maintenant donnée aujourd'hui au calcul des structures aux états limites. Albert Caquot a joué sans conteste dans ce domaine un rôle de précurseur.
De cette époque aussi datent les premiers travaux d'Albert Caquot sur le calcul des fondations en milieu aquifère ou en terrain glissant. Ce sera le point de départ de son intérêt pour la nouvelle discipline, dénommée " Mécanique des Sols ".
Il réalise un nombre considérable de ponts (de 300 à 400). On peut trouver le détail de certains d'entre eux dans l'excellent ouvrage " Les ponts modernes: 20ème siècle " de Bernard Marrey (1995, éditeur Picard). Albert Caquot exposera ses méthodes de calcul des divers types de ponts (arcs supérieurs encastrés, arcs supérieurs articulés, bow-string, arcs inférieurs encastrés, arcs inférieurs articulés, à double appui convergeant sur pile, cantilevers, en treillis multiple) dans les notices sur ses travaux scientifiques, rédigées, lors de la présentation de sa candidature à l'Académie des Sciences, en 1930 et 1934.
Retenons deux de ses ponts les plus connus, qui furent pour un temps des records du monde dans leur catégorie :
Le Ministère des Travaux Publics, Direction Générale des Chemins de Fer, dans son avis exprimé au Préfet de la Seine, par un rapport du 21 juin 1927, avait soulevé de nombreuses objections :
" Il n 'existe ni en France ni à l'étranger de poutres à treillis en béton armé de ce type ; sa construction apparaît particulièrement délicate, eu égard à la portée et à sa position au-dessus d'une gare très importante et livrant passage à une des voies de Paris les plus fréquentées. Par ailleurs, on ne saurait garantir que le coulage du béton dans l'intervalle de fers nombreux et rapprochés puisse être exécuté dans des conditions entièrement satisfaisantes. "
Commencé en juillet 1927, le pont La Fayette fut réalisé dans un délai extrêmement court, puisqu'il fut livré à la circulation en septembre 1928. La disposition judicieuse des aciers et l'emploi, pour la première fois, de pervibrateurs à l'air comprimé pour la bonne pénétration du béton firent qu'on ne constata aucune corrosion et en 1961 on put, sans dommage, à l'occasion de l'électrification à 25.000 V, relever les 11.000 t de l'ensemble du tablier d'une hauteur qui atteignait 0,75 m pour l'un des appuis [Carpentier M. et Touchot M. - Janvier 1961 - Le relevage du pont La Fayette en gare de Paris-Est. Revue Générale des chemins de fer]. C'est à l'occasion de la réalisation de ce pont qu'Albert Caquot inventa ses soudeuses et ses cisailles, dont les mâchoires cisaillaient en quelques secondes de grosses barres.
2 - Un arc en béton sans armatures longitudinales (1925-1928), le pont de la Caille [Calfas P. - Le pont en béton de la Caille. Le Génie Civil, 29 décembre 1928 ; Marrey B. - Les ponts modernes : 20ème siècle, Paris : Picard, octobre 1995. p. 58 à 60], de 137,50 m de portée, jeté sur le ravin des Usses de 150 m de profondeur, à 11 km au nord d'Annecy en Haute-Savoie ; ce pont devint un record du monde de portée. Il remplaçait un prestigieux témoin de la technologie du XIXème siècle, un pont suspendu de 194 m de longueur, construit en 1838.
Le pont de la Caille sur le ravin des Usses (1928), record mondial à l'époque.
La profondeur de la gorge appelait une méthode originale de construction. Loin de tenir pour nulle la technologie du passé, on l'utilisa pour construire un arc en bois dont les éléments avaient été suspendus à quatre câbles parallèles passant sur des pylônes dressés sur les rives. Ce cintre en bois de très grande portée, assez flexible, ne pouvant supporter la totalité du poids de l'arc en béton, celui-ci fut coulé en trois épaisseurs : la première avec le cintre en bois servait à porter la deuxième et tous trois à porter la troisième.
Et l'à-pic du ravin est tellement impressionnant qu'il attire aujourd'hui les amateurs de sauts à l'élastique, qui font totale confiance à la solidité de l'arc audacieux. Curieusement, ce sont deux autres arcs, construits par lui, ceux de Ponsonnas (103 m d'à pic) et du Sautet (95 m), qui hébergent d'autres centres de saut à l'élastique
Avant de construire ces ponts en arcs, Albert Caquot a conçu des cintres en bois d'une seule portée, dont les membrures sont montées symétriquement près des culées, puis rabattues avec une précision mathématique pour s'arc-bouter mutuellement à la clé. Grâce aux nœuds de béton moulant les extrémités des pièces en bois, il peut, sans diminuer la sécurité, utiliser quatre fois moins de matière que les cintres alors classiques de Séjourné.
Albert Caquot réalisa aussi :
- le barrage de Rophémel (Côtes d'Armor) sur la Rance à 15 km au sud de Dinan ( 1931 -1938) à voûtes multiples et contreforts (hauteur 27 m et longueur 126 m),
- le barrage du Sautet (Isère), sur le Drac, à 40 km au sud-est de Grenoble, mis en service en 1935, arc de 126 m de hauteur et de 80 m de longueur en tête, dans une gorge étroite en forme de V,
- le barrage de Mantasoa (1937) à Madagascar servant à régulariser le cours de l'Ikopa à une soixantaine de kilomètres de Tananarive,
- des centrales électriques telles que celle de Beautor (Aisne) ( 1921 ), sur l'Oise, à 20 km au nord-ouest de Laon,
- des hangars d'aviation, très originaux avec auvents de grande portée, dont l'extrémité assure le guidage supérieur des portes roulantes, à Bricy (Loiret), à Lyon-Bron (Rhône) et à Fréjus (Var), ex-base d'aéronautique navale, avec plus de 7.000 m2 de planchers couverts y compris bureaux et ateliers annexes (hangar dit "le paquebot" mis en service en 1935), sans appui intermédiaire: une association d'anciens de l'Aéronavale en a demandé le classement en vue d'une affectation à un musée de cette arme,
- un môle d'escale au Verdon [Chalon P.A. - Les travaux du môle escale du Verdon (1932), Le Génie Civil. n° 2615 - 24 septembre et 1er octobre ; Construction du môle d'escale du Verdon (1931), La Technique des Travaux. Septembre ; Peltier P. - L'achèvement et la mise en service de l'avant-port du Verdon (janvier 1934), La Technique des Travaux. Janvier, n. 1]. Il s'agissait de construire à l'embouchure de la Gironde un môle en eau profonde de 320 m de longueur, accostable sur ses deux faces par des paquebots. Ce môle était à fonder, à travers une couche de sable de 7 à 9 m d'épaisseur, sur une argile raide.
Albert Caquot imagina d'émulsionner le sable pour descendre à travers celui-ci des piles colonnes, dont la partie inférieure avait la forme d'une cloche à trousse coupante à l'intérieur de laquelle il plaçait 6 tubes émulseurs à air comprimé par lesquels remontaient les déblais dilués dans l'eau et l'air au fur et à mesure de la descente de la cloche. En faisant varier le débit d'air comprimé dans les émulseurs, il corrigeait automatiquement les inclinaisons successives que prenait la pile colonne à la rencontre de sables plus ou moins durs.
La forme "Jean Bart" (Saint Nazaire) marque un tournant dans la construction navale. Jusque-là, il était très exceptionnel que de gros navires fussent construits horizontalement et, dans ce cas, ils l'étaient dans des formes de radoub basses, mal éclairées et mal équipées. D'autre part, le lancement transversal sur plan incliné du " Great Easiern " de 210 m de longueur et 22.500 t sur les bords de la Tamise, en 1858, qui dura trois mois, ruina moralement et matériellement son inventeur Brunel et arrêta pour 50 ans la construction de navires de gros tonnage. Il s'agissait d'opérations spectaculaires et quelquefois hasardeuses, au cours desquelles le navire travaillait en flexion beaucoup plus que durant toute sa vie. La construction sur plan incliné présentait bien d'autres inconvénients de montage et de desserte, sur lesquels nous n'insisterons pas.
Les Chantiers de la Loire, à Saint-Nazaire, peu avant la deuxième guerre mondiale, furent chargés de la construction du cuirassé Jean Bart de 50.000 tonnes et demandèrent à Albert Caquot sa collaboration. Il conçoit pour cette construction un dispositif tout à fait nouveau ; le navire sera conçu sur un terre-plein, accolé à une forme de radoub. [Revue Travaux, décembre 1937, n° 60, La nouvelle cale de construction des Chantiers de la Loire à Saint Nazaire].
A Saint-Nazaire, le niveau de la mer oscille entre 0 et + 6 m et, dans le sol, l'eau est le plus souvent au niveau de la mi-marée, soit + 3,00 m. La forme comportait une aire de construction à ce niveau ± 3,00, côte à côte avec une forme-écluse dont le fond est au niveau du chenal de sortie du bateau, soit - 9,00. L'ensemble, qui a 325 m de longueur et 135 m de largeur, est entouré de murs étanches élevés jusqu'à + 12,50. Une fois la coque construite avec tout son équipement intérieur sur l'aire de construction, on remplit d'eau l'intérieur de la forme et on déhale transversalement la coque vers la forme-écluse qui remplit le rôle des antiques formes de radoub, mais avec cette différence qu'il ne s'agit plus que d'armer le navire. Ce bassin d'armement est séparé de la mer par une porte de 45 m de largeur, sur laquelle s'exerce une charge de 15 m d'eau lorsque la mer est haute et le bassin d'armement à sec. Sortant des expressions classiques et onéreuses données aux portes des formes de radoub, Albert Caquot propose de la réaliser en forme de voile cylindrique à section horizontale en arc circulaire, travaillant en traction (donc supportant la pression du côté de sa concavité) et venant s'appuyer sur les bords du mur d'enceinte [La forme fonctionne aussi en cale de radoub pour la réparation : on inverse alors la concavité]. Comme le sol de fondation est de mauvaise qualité, ces montants sont tenus par des tirants en rails qui font tout le tour de la construction.
Cette installation, unique alors en Europe, a été par la suite agrandie jusqu'à permettre la construction de navires pétroliers de 500.000 t. Elle eut indiscutablement une grande influence sur la rapidité de construction des navires de gros tonnage.
La construction du cuirassé " Jean Bart ", sister-ship du " Richelieu ", fut entamée en 1936 et le premier rivet posé le 12 décembre de cette année. Le 6 mars 1940 eut lieu l'opération de déhalage : l'eau pompée emplissait l'ensemble de la forme et la coque prit place dans la forme de radoub. La sortie définitive était prévue pour le 1er octobre 1940. Dès le 18 mai, le capitaine de vaisseau Ronarc'h commence à s'inquiéter pour l'avenir de son bâtiment ; le 22 mai, on décide de presser l'achèvement, de mettre en place une partie des chaudières et d'accélérer le dragage du chenal permettant la sortie vers la mer. Le nombre d'ouvriers était passé de 2.800 à 5.500. Le départ eut lieu quelques heures avant l'arrivée des Allemands le 19 juin 1940 : Ronarc'h lança son navire alors que dans la Loire les souilles n'étaient pas totalement faites, les machines étant mises en marche pour la première fois. Pour son premier voyage depuis Saint-Nazaire, le " Jean Bart " rallia Casablanca par ses propres moyens.
Forme Jean Bart. Un pétrolier en achèvement dans le sas profond.
Après l'Armistice de juin 1940, le capitaine de corvette Von Tirpitz (fils du grand amiral de la 1ère guerre mondiale), chef d'État-major de l'amiral Kinzel, chargé, rue Royale à Paris, des chantiers français en zone occupée (Werftbeauftrager), remarquait que les officiers et ingénieurs de la Kriegsmarine — bien qu'informés depuis 1936 par leurs services de renseignements — avaient cependant été surpris, à leur arrivée à Saint-Nazaire, par les détails de conception de la cale d'où le Jean-Bart avait pu leur échapper de justesse. Ils avaient été très impressionnés par le sas et le bateau-porte en particulier. Le Professeur Noé, délégué à Paris, dès 1940, par les chantiers et les armateurs de Hambourg, Brème et Dantzig, voulait suggérer de faire inviter l'auteur du projet de la cale à Berlin et Hambourg et de l'y recevoir avec honneur, ce qui, dans les circonstances, n'était pas acceptable pour Albert Caquot. Le Commandant Von Tirpitz ne fut pas dupe des refus polis qui lui furent transmis ; il les regretta, mais les comprit sans doute.
Ce monument fut dessiné par le sculpteur français Paul Landowski (1875-1961) et sa structure interne en béton armé calculée par Albert Caquot. Il domine la baie de Rio-de-Janeiro (Brésil) : le monument a 38 m de hauteur et la statue 30 m, la distance entre extrémités des doigts 28 m, le poids total étant de 1.145 tonnes. Le monument fut inauguré le 12 octobre 1931.
En 1933, il publie son premier livre " Équilibre des massifs à frottement interne. Stabilité des terres pulvérulentes ou cohérentes. " Il est consacré à une science naissante, la Mécanique des Sols, qui le passionnera toute sa vie. Il y exprime des idées nouvelles sur les rapports entre le frottement des milieux granulaires et le frottement de la roche mère, sur la correspondance entre les milieux cohérents et pulvérulents, sur la poussée contre les murs et sur la butée des écrans sur les sols, sur les contraintes qui s'exercent sur les voûtes et sur les parois des silos, enfin sur la condition de renard [Soulèvement brutal du sol au fond d'une excavation profonde sous l'effet d'une eau en pression.]
Tant de réalisations prestigieuses et d'études fondamentales en deux décennies, écourtées par deux retours à l'aviation comme nous allons le voir, méritaient une consécration.
L'Académie des Sciences l'avait encouragé en 1924 en lui attribuant le prix Caméré. Il décide alors de présenter sa candidature à un fauteuil de la section Mécanique laissé vacant par un décès. La lutte va être âpre, car l'effectif de l'Académie est alors beaucoup plus faible qu'aujourd'hui et son principal concurrent est le Directeur de l'École Normale supérieure de la rue d'Ulm lui-même.
L'avis d'Emile Picard, Secrétaire Perpétuel de l'Académie, va prévaloir. Il a écrit :
" Son œuvre a un caractère éminent d'originalité. Il n'est pas à la remorque des idées des autres. Ses recherches sont très personnelles : peu de personnes laissent autant que lui une impression de force et de puissance. "
L'Académie va, le 12 novembre 1934, l'élire brillamment en sa section de Mécanique. Il participera assidûment pendant quarante-deux ans aux travaux de cette illustre Compagnie, qu'il présidera en 1952.
Au long de sa carrière de constructeur, Albert Caquot assuma longtemps, dans les trois Écoles nationales des Mines, des Ponts et de l'Aéronautique, la charge d'enseigner à de futurs ingénieurs la science et les techniques de la construction et du comportement des matériaux, que lui-même pratiquait et ne cessait de perfectionner.
Son enseignement se distinguait de celui d'aujourd'hui, où dominent " digests ", exercices pratiques et blocs de petites classes. Le sien était fait d'originales synthèses, de raccourcis saisissants, de prophéties, de démonstrations étincelantes. Son esprit cheminait si vite qu'il ne jugeait pas nécessaire l'exposé de tous les chaînons. Et si certains s'essoufflaient à le suivre ou y renonçaient, d'autres y trouvaient une puissante incitation à des réflexions fructueuses.
Que de formules saisissantes :
Comme de nombreux créateurs, il n'avait pu s'assujettir à rédiger un cours et, à une époque où il faisait celui de Résistance des Matériaux et d'Élasticité, aux trois grandes écoles rappelées ci-dessus, il lui arrivait parfois, par distraction, de formuler à l'École des Mines un raccourci de la dernière leçon faite à l'École d'Aéronautique.
L'un de ses plus brillants élèves, dont la carrière politique ministérielle s'est tragiquement terminée, Bichelonne, a, d'une façon claire, rédigé des notes prises à l'amphithéâtre de l'École des mines. Ce cours de Résistance des Matériaux, très condensé, date de 1926. Il a peu vieilli.
" L'art de construire comprend un domaine si vaste et si varié qu'il nécessite l'étude passionnée de l'ingénieur qui veut réaliser une oeuvre économique, harmonieuse et durable. Nous déterminerons d'abord dans quelles conditions nous pouvons employer les matières avec sécurité et économie. Mais, pour importante et nécessaire que soit cette étude, elle ne saurait avoir dans la marche du progrès technique le rôle prépondérant.
Les grandes étapes des réalisations techniques sont marquées par les conquêtes de l'homme sur la matière. Les qualités de la matière sont les données premières et essentielles du problème, et les formes ne sont que les résultantes de ces données premières. "
Dire que ses élèves tirèrent tous également profit de son enseignement serait inexact. Mais certains en restaient marqués en profondeur. Chez la plupart s'apaisait la turbulence juvénile qui se manifestait de manière bruyante pendant d'autres leçons. Ils écoutaient, mais parfois en " dévissant ", ce professeur original qui parlait avec calme, presque sans bouger, et dont la voix, sans être forcée, parvenait jusqu'au fond de l'amphithéâtre.